Cannabis : L’herbe pousse et les flics tombent !

10 octobre 2006 - 05h24 - Maroc - Ecrit par : L.A

Depuis plusieurs semaines, l’activité de l’agence de presse MAP est largement marquée par des dépêches annonçant des arrestations de narcotrafiquants, et des interpellations de hauts fonctionnaires appartenant aux divers services de Sécurité de l’Etat.

Sur instructions royales, une vaste offensive contre les barons de la drogue et leurs appuis installés au sein de la Sûreté Nationale, la Gendarmerie Royale, les Forces Auxiliaires ou les Douanes, a été déclenchée et les résultats, très « parlants » pour l’opinion publique sont là. De Chrif bin Louidane au tonton d’Erramach, le sieur Kouyeh, de Larroussi à Chouli, ce sont quelques-uns des plus gros bonnets de la drogue qui sont aujourd’hui sous les verrous, interrogés sans relâche par les autorités judiciaires et qui, comme le disent si bien les expressions argotiques consacrées à ceux qui avouent, « crachent le morceau, se mettent à table, bavent »…

Ils bavent tant et si bien devant les juges d’instruction ou en face des enquêteurs de la Gendarmerie Royale, qu’à ce jour, et sans préjuger des prochains, ce sont près d’une quarantaine de sécuritaires, parmi les plus gradés de leurs administrations respectives, qui sont tombés, accusés de corruption, de complicité, et d’autres charges produites par les relations coupables que ces responsables entretenaient avec des individus peu recommandables, mais richissimes.

Car là sont le fond et l’origine à la fois du problème. Partant du constat que personne n’est totalement incorruptible car le prix fait, seul, la différence, les trafiquants de haschich marocains se sont « payés » des gradés influents opérant dans les régions où s’organisent le trafic illicite de drogue, la contrebande, le commerce d’êtres humains, etc.
Si aujourd’hui un préfet (Izzou) est incarcéré, un autre (Jamali), en clinique pour dépression nerveuse, mais sous surveillance policière, et des dizaines d’officiers et de sous-officiers en garde-à-vue ou en préventive, c’est parce que Bin Louidane, Larroussi, Kouyeh et consorts ont consacré des millions de dirhams à acheter leurs consciences. L’onde de choc déclenchée par cette offensive contre les ripoux de l’appareil sécuritaire a été tellement forte que le général Hamidou Laanigri, patron de la DGSN, expert mondialement reconnu dans la lutte anti-terroriste, a dû « changer de crémerie » pour prendre l’Inspection générale des Forces Auxiliaires !

Un tel tsunami a pu se produire parce qu’au plus haut niveau de la hiérarchie de l’Etat, la conviction est faite que le trafic de stupéfiants et tout ce qui l’accompagne étaient susceptibles de mettre, à plus ou moins brève échéance, en péril la pérennité de l’Etat, les institutions représentatives et le processus de développement et de réformes enclenché depuis plusieurs années.

L’émergence de cartels riches, la multiplication des liens avec les mafias internationales, la pénétration des circuits économiques légaux, la volonté de briguer des fonctions électives, tout cela était en train de se développer au Maroc, et tout particulièrement dans le Nord du pays. La mainmise des cartels du Hasch sur plusieurs régions du pays a été enrayée. Mais, les démons de l’argent facile, l’importance des cultures et de la production sont des dangers permanents et terribles. L’Etat devra faire plus et pendant longtemps pour éradiquer la chienlit de la drogue, ceux qui la propagent et l’entretiennent.

Le Maroc, premier producteur et exportateur de Haschich au monde !

Selon un article paru en novembre 2005 dans la revue « Jane’s Intelligence » sous la plume d’un géographe spécialiste du trafic des stupéfiants, Pierre-Arnaud Chouvy, du CNRS français, le Maroc produirait près de la moitié de la consommation mondiale de haschich ! Son étude, basée sur des rapports des instances spécialisées de l’ONU, énonce que le Rif est la zone de culture de haschich la plus étendue au monde, faisant de notre pays le premier producteur et exportateur mondial de cette substance.

Le professeur Chouvy avance que le Rif est la zone de culture de 42 % de la production mondiale de ce dérivé du cannabis. D’ailleurs, dans un rapport daté de 2003, l’Office des Nations Unies sur la Drogue et le Crime considérait que la culture du cannabis concernait plus de 134 000 hectares au Maroc, une superficie supérieure aux zones consacrées à l’opium en Afghanistan, estimées par l’UNODC à 131 00 hectares…
En 2005, le même office onusien précisait que plus de 7 400 tonnes de « Moroccan shit » avaient été récoltées en 2003-2004…

Pour Pierre-Arnaud Chouvy, les superficies cultivées ont cependant diminué en 2004, passant de 134 000 hectares à 120 000, mais débordent des zones traditionnelles de Senhaja pour s’étaler dans les Ghomaras, les Jebalas et l’est de la province d’Al-Hoceima. La culture du « kif » impliquerait plus de 96 000 familles, soit 800 000 personnes environ, qui vivent essentiellement des revenus tirés de la vente de leur production, achetée à bas prix par les narcotrafiquants qui tirent des profits très substantiels de la commercialisation sur les marchés européens où la demande est en croissance exponentielle ! Ces données et informations expliquent largement pourquoi des individus comme Chrif Bin Louidane obtiennent la complicité de hauts fonctionnaires. Au Maroc, « l’herbe pousse », certes, mais désormais les ripoux tombent !

Fahd Yata - La Nouvelle Tribune

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Drogues - Corruption - Gendarmerie Royale - Police marocaine

Ces articles devraient vous intéresser :

Affaire Rachid M’Barki : les ramifications d’un réseau d’influence

L’affaire Rachid M’Barki du nom de l’ex-présentateur franco-marocain du journal de la nuit de BFMTV, mis en examen pour « corruption passive » et « abus de confiance » n’a pas fini de livrer tous ses secrets.

MRE : Vacances gâchées par des tracasseries administratives

C’est avec un sentiment mêlé de lassitude et de colère que les Marocains résidant à l’étranger (MRE) vont commencer à débarquer dans les ports marocains dans les prochains jours.

Maroc : 30 députés éclaboussés par des affaires de corruption

Au total, 30 députés marocains sont poursuivis par la justice en leur qualité de président de commune pour leur implication présumée dans des affaires de corruption, de dilapidation de deniers publics, de chantage, et de falsification de documents...

Interpol : les 11 Marocains les plus recherchés de la planète

Onze Marocains sont actuellement recherchés par l’organisation de la police internationale : Interpol. Ces individus, sous le coup de mandats internationaux, sont accusés de crimes et délits graves.

Sécurité des lieux de culte : la police marocaine dévoile des chiffres

Un total de 160 délits commis dans des lieux de culte, notamment les mosquées, les églises chrétiennes et les synagogues juives, ont été traités par la police marocaine au cours de l’année 2024, a indiqué dimanche le porte-parole de la Direction...

Saïda Fikri règle ses comptes avec les personnalités corrompues

La chanteuse marocaine Saïda Fikri crie haut et fort son aversion pour les personnalités corrompues qui détestent et combattent l’art engagé.

"Lbouffa" : La cocaïne des pauvres qui inquiète le Maroc

Une nouvelle drogue appelée « Lbouffa » ou « cocaïne des pauvres », détruit les jeunes marocains en silence. Inquiétés par sa propagation rapide, les parents et acteurs de la société civile alertent sur les effets néfastes de cette drogue sur la santé...

La police marocaine exemptée de contrôle de vitesse

Le gouvernement s’apprête à adopter un nouveau projet de décret visant à exempter les véhicules de la police, de la gendarmerie et des forces auxiliaires de l’obligation d’installation d’un dispositif de mesure de vitesse.

"L’boufa", la nouvelle menace pour la société marocaine

Le Maroc pourrait faire face à une grave crise sanitaire et à une augmentation des incidents de violence et de criminalité, en raison de la propagation rapide de la drogue «  l’boufa  » qui détruit les jeunes marocains en silence.

Ce fléau qui fait mal au Maroc

Malgré l’adoption en 2015 de la stratégie nationale de lutte, la corruption ne recule pas au Maroc en raison de principales résistances rencontrées, aussi bien au niveau intra-étatique que dans l’ensemble de la société, et en particulier dans le...