Il s’agit d’un lot de vieilles bouteilles de gaz en fin de carrière en France et appelées à reprendre du service au Maroc. En effet, la loi française exige maintenant le remplacement des anciennes bouteilles en métal par celles en composite.
Actuellement, une campagne de publicité est menée avec le slogan suivant : « Donnons un enterrement de première classe à nos vieilles bouteilles de gaz ». Le Maroc sera-t-il le cimetière de luxe de ces vieux contenants atteints par la limite d’âge ? Pour éviter que les bouteilles ne soient bloquées ad vitam aeternam au port de Casablanca, « Shell a demandé à les faire entrer en admission temporaire. Et nous ne savons pas sous quel motif », affirme un grand distributeur d’accessoires pour bouteilles de gaz comme les robinets et autres détendeurs, qui veut garder l’anonymat. « Cela fait maintenant neuf mois que ces bouteilles sont bloquées par la Douane au dépôt de Shell 2 à Mohammedia et que les containers sont sous scellé ».
Selon le code des Douanes, toute marchandise importée dans le cadre du régime suspensif doit être impérativement réexportée. Mais si un importateur veut contourner la loi et vendre ses articles, il doit effectuer une demande dans ce sens et fournir les documents exigés dans ce genre de situation. Contacté par L’Economiste, Abdallah Arabane, directeur régional des Douanes de Casablanca port, explique que, « quel que soit le produit, tout importateur doit respecter la réglementation en vigueur et déposer une déclaration de mise à la consommation locale en présentant toutes les autorisations nécessaires en cas de prohibition ou de restrictions particulières ».
La Douane exigera, par conséquent, l’autorisation du ministère de l’Energie et des Mines (MEM). La Direction du contrôle et de la prévention des risques du MEM, dirigée par Mohamed El Hakkaoui, confirme officiellement l’existence de cette marchandise : « La demande est actuellement en cours d’examen sur la base des éléments fournis dans le dossier susvisé en rapport avec la réglementation nationale en matière d’appareils à pression de gaz ». Interrogé par L’Economiste, Ahmed Nasrallah, ingénieur responsable du service pression à l’Apave, organisme de contrôle agréé par l’Etat, et pour des raisons de confidentialité, n’infirme pas l’existence de ces bouteilles. Mais, poussé dans ses derniers retranchements pour qu’il s’exprime justement au sujet de ce qu’il convient désormais d’appeler « l’affaire Shell », Nasrallah affirme que « même en cas de dérogation du ministère de l’Energie au sujet de n’importe quelle marque de bouteilles de gaz, l’Apave se réservera le droit de refuser son homologation si la marchandise ne respecte pas les normes de sécurité marocaines ».
A rappeler qu’en matière de certification de l’étanchéité, la multinationale Apave est spécialisée dans le contrôle réglementaire des appareils à pression, de gaz et de vapeur, et possède 70% de parts de marché et a des agents de contrôle dans tous les centres d’emplissage à travers le pays.
Rappelons que Shell du Maroc était actionnaire majoritaire de Sofrenor, la deuxième principale société fabriquant les bouteilles de gaz au Maroc. Et selon nos sources, « peu avant l’importation de ce lot de bouteilles, elle a cédé ses parts ». Simple coïncidence ?
William Solliez, directeur général gaz à Shell du Maroc, déclare que « cette opération d’importation s’est déroulée après avoir obtenu de l’Administration des Douanes les autorisations nécessaires aux fins d’importation des bouteilles concernées ainsi que de permettre un dédouanement à domicile. Par ailleurs, une attestation de contrôle de conformité aux normes marocaines d’application obligatoire a été émise par le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Mise à miveau de l’économie en date du 23 octobre 2007 suite à différents tests effectués par ce dernier. A noter qu’après leur réception toutes ces bouteilles ont ensuite été testées et ré-éprouvées avec succès par un organisme de contrôle agréé par le ministère de l’Energie et des Mines. Enfin, toutes ces bouteilles sont conformes aux dispositions légales en vigueur au Maroc sur les bouteilles de 12 kg ».
Solliez affirme « que ces bouteilles sont triées, contrôlées et testées par un organisme indépendant certifié par les autorités françaises avant leur expédition vers notre pays (…) et qu’elles sont identiques aussi bien en matière de spécifications techniques que d’apparence à celles utilisées actuellement par la société Shell du Maroc ».
Le ministère de l’Energie va-t-il autoriser la mise en vente de ces vieilles bouteilles de gaz et quelle sera la réaction de la concurrence ?
Source : L’Economiste - Hassan El arif