Quand l’ambition aveugle tombe entre les mains de la manipulation sournoise, cette dernière s’en donne à cœur joie. Becki Seddiki, jeune rockeuse marocaine, en a fait l’expérience devant les millions de fans de Big Brother, de la chaîne anglaise Channel Four.
Décidément, le chiffre 13 porte malheur à Becki Seddiki. Treizième « contestant » à être introduit en grande pompe, le 27 juin, dans l’antre de la télé réalité de Big Brother UK, elle le quittera sous les huées et les insultes, 13 jours plus tard, vendredi 9 juillet. Mais elle ne regrette rien. Pendant près de deux semaines, elle a été sous les feux de la rampe du Royaume-Uni, pour son grand bonheur, et au prix du malheur de sa petite famille.
Née à Rabat le 24 juillet 1970, de Fatima (64 ans) et de Ahmed Seddiki (80 ans), Becki a émigré en Angleterre au début des années 80. Cette apprentie fleuriste, diplômée en psychologie, tour à tour chanteuse, actrice, animatrice et danseuse orientale, a littéralement été appelée à la rescousse pour sauver de la faillite audimatique la cinquième édition de Big Brother UK, qui réalise une moyenne d’audience de 4,2 millions de spectateurs.
Émotions
Produit par Endemol, Big Brother (BB) consiste à enfermer un groupe d’hommes et de femmes sous un même toit. Le« survivant » de ce cloisonnement ludique remporte la coquette somme de 100.000 euros. Pendant 71 jours, les « contestants » sont coupés de tout contact avec le monde extérieur : ni télé, ni radio, ni journaux et encore moins de téléphone, sous peine de disqualification.
Ainsi, lors d’une violente bagarre entre quatre « housemates », au cours d’une beuverie nocturne, le 17 juin. La retransmission du show fut suspendue pendant quelques heures. La police, alertée par des téléspectateurs, a débarqué sur le lieu du tournage. La consommation d’alcool fut interdite et, cause directe, les « contestants » se montraient timorés. Le show perdait de l’audimat. C’est là que la chanteuse pop marocaine Becki Seddiki fut livrée aux tabloïds les moins fréquentables de Grande-Bretagne.
Dès la matinée du 27 juin, une demi-journée avant l’apparition de la Marocaine dans le show, le People écrivait, que, bientôt, « l’injection de sang neuf féminin va secouer les choses. L’idée de voir Victor et Jason avec une telle fille serait hilarante, ils sont si frustrés sexuellement. »
Potins
Le Daily Star surenchérissait qu’une « Super #### va être introduite dans la maison et qu’elle va faire des étincelles ». Pour sa part, le Sun promettait que « la nouvelle venue, la Marocaine bisexuelle Becki Seddiki est une ancienne danseuse du ventre fétichiste ». Mais le pompon du perfide revient au Mirror, qui a été jusqu’à dépêcher des journalistes chez la famille de Becki pour leur faire regarder la performance de leur progéniture, alors qu’ils savaient parfaitement qu’ils désapprouveraient ses agissements, Becki ayant prévenu qu’elle « vient d’une famille musulmane pieuse. » Histoire d’ajouter l’ingrédient islam=intolérance, si vendeur.
Et son entrée n’est pas passée inaperçue. Sur ordre des organisateurs, les neuf autres candidats se sont rangés en haie d’honneur pour accueillir la nouvelle venue. Les potins allaient bon train : « Encore une mongole ! » « Il paraît qu’elle était en stand-by dans un hôtel et qu’elle sait absolument tout de nous ! ».
Et elle a fait sensation. Parce qu’elle brandissait trois bouteilles de champagne devant des gosiers astreints à une sécheresse d’une dizaine de jours.
Sur ce, elle annonça la couleur. En l’occurrence, celle de son négligé de soie, fraîchement déballé et brandi devant un Stuart médusé à qui elle promit qu’« un de ces jours je le mettrai rien que pour toi, tout seul ». Piquée au vif, Michelle happa son beau Stu par le bras et l’emmena lui rafraîchir les ardeurs dans le jacuzzi.
C’est que la réputation de Becki en tant que mangeuse d’hommes n’était plus à faire. Cinq minutes à peine à son entrée en scène, elle soulevait déjà son chemisier pour dévoiler des seins volumineux « retouchés par un docteur ».
Et le résultat ne s’est pas fait attendre. Le Mirror a révélé le 28 juin, que « l’introduction de la bisexuelle marocaine Becki Seddiki a donné un coup de fouet à l’audimat de BB, le portant à 5,1 millions. »
Alors que Becki entamait sous les sunlights ses premiers pas sur le sentier cahoteux d’une célébrité bien aléatoire, dans un appartement au nord de Londres, Ahmed Siddiki, sa femme, Fatima, et leur fils Taoufik, également chanteur, contemplaient avec douleur et réprobation l’évolution de leur fille et sœur. Le père, octogénaire retraité, diabétique, tenait sa tête baissée entre ses mains et sanglotait qu’il ne voulait pas que sa fille se montre nue devant des étrangers : « Elle a attiré la honte à la famille et à l’Islam. Ce n’est plus ma fille. Je la renie ».
La mère, le regard vide, s’adressait au poste en arabe. Plus grave encore, Taoufik a révélé qu’ils ont reçu des menaces de mort. Avant de conclure : « Elle n’est plus la bienvenue dans cette maison. Désormais, pour nous, elle est morte. Si jamais elle va jusqu’au bout, cela signifierait l’arrêt de mort de mon père. » « Elle nous a toujours dit de ne pas nous inquiéter, qu’un jour elle deviendrait célèbre. Voyez où cela l’a menée », se lamentait le père.
Célèbre, le maître-mot. BB Seddiki, son nom d’artiste, est en effet chanteuse et veut sortir ses œuvres dans le public. Ex-chanteuse d’un groupe pop nommé « Misnomer », elle a également participé à des concours de chanson, où elle dit s’être particulièrement illustrée.
Son site, bbseddiki.com, affiche les morceaux de son unique album jusqu’à présent, « Porno broker ». Pop tendance seventies, sa musique se laisse écouter. Ses paroles trahissent une âme torturée, à la quête de repères. U Make me Believe, tu me fais croire, dit-elle dans l’un des morceaux.
Honte
Elle insiste que le but derrière sa participation à BB, c’est uniquement de tenter de décrocher une proposition d’enregistrement. Et tous les moyens sont bons : « il n’y a pas une chose qui s’appelle mauvaise publicité. Dans la vie, il faut être consistant avec soi-même et assumer ses actes », a-t-elle affirmé au site de Big Brother.
À commencer par le torrent d’insultes et le tonnerre de huées, essuyés placidement, à sa sortie de chez BB, après qu’elle ait été boutée par plus de 61% appelants-votants.
Le 11 juillet, comme pris de remords, le Mirror publiait la synthèse d’un entretien avec Becki, une sorte de mise au point pour tenter de réparer les ravages d’une campagne de calomnie de près de deux semaines.
Becki y est décrite comme « une jeune fille normale à la recherche d’amour. » « Ils m’ont pigeonnée lorsqu’ils m’ont décrite comme une vamp qui allait tout chambouler chez BB. C’était une situation difficile », rectifia-t-elle. « Si ma participation au show a provoqué la colère de ma famille et mis en danger mes relations avec les gens, j’en suis honteuse. Mais je suis heureuse de l’avoir fait, parce que, heureusement, cela m’aidera à réaliser mon rêve. C’était une expérience incroyable ; et je le referais », conclut-elle.
Abdellah Rajy - Maroc hebdo
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