
Eurostat, institution relevant de la Commission européenne chargée de produire et diffuser des statistiques communautaires, a dévoilé le nombre de Marocains ayant obtenu les permis de travail temporaire en 2023.
Ici, la douce ambiance des canaux et la beauté des maisons à pignon d’Amsterdam semblent lointaines. A Slotervaart, les petits immeubles sont gris, les mines tristes, et les poubelles débordent de papiers. Dans ce quartier de 45 000 habitants, qui fait partie d’Amsterdam, une trentaine de véhicules ont brûlé ces derniers jours, dont celui d’un handicapé, le 23 octobre.
On distingue les traces des violences qui se déclenchent la nuit tombée, lorsque quelques dizaines de casseurs s’en prennent à la police, à des bâtiments publics ou à des voitures. Un jeune traîne, parka blanche, tee-shirt bleu ciel et pantalon "baggy". Qu’a-t-il vu ? "Rien, un peu de bagarre." Qu’en pense-t-il ? "C’est marrant, non ?..." La cause ? "Un gars du coin, abattu par des bâtards de flics..."
L’anonyme tourne les talons, craignant d’avoir affaire à l’un de ceux qui traquent l’absentéisme scolaire. Dans le quartier, peuplé à 50 % d’étrangers, un tiers des adolescents sont en décrochage.
Le "gars du coin", Bilal B., 22 ans, est entré, dimanche 14 octobre, dans le commissariat de la place August-Allebé. Il a blessé deux agents avec un couteau avant d’être abattu. Le jeune homme souffrait de troubles psychiques. Connu pour divers actes criminels depuis 1998, il avait lui-même réclamé son internement quelques jours plus tôt. Il effectuait une promenade avec son éducateur mais a échappé à sa surveillance.
La nouvelle de la mort du jeune d’origine marocaine s’est vite répandue. Ahmed Marcouch, le responsable travailliste de la mairie de quartier, les travailleurs sociaux, la mosquée, le comité des mères : tout le monde s’est immédiatement mobilisé. La situation semblait sous contrôle jusqu’à ce que quelques dizaines de jeunes descendent dans la rue. Depuis, les échauffourées se sont étendues à des quartiers voisins, faisant surgir le spectre d’émeutes "à la française".
Lodewijk Asscher, adjoint au maire travailliste d’Amsterdam, réfute la comparaison : "Les jeunes des banlieues françaises sont sans perspectives. Chez nous, la situation est moins dramatique, le chômage moins répandu. Nous investissons 100 millions d’euros dans la restructuration sociale et physique de nos quartiers, 70 millions pour l’éducation et la prévention." Toutefois, confesse M. Asscher, "les talents de nombreux jeunes sont mal exploités et nous courons le risque d’une ville coupée en deux".
Favorable à une "approche douce", la mairie préfère ne pas insister sur le facteur religieux, à savoir la question de l’islam, omniprésente dans le débat public néerlandais depuis l’assassinat en 2004 du cinéaste Theo Van Gogh par un jeune islamiste, originaire de Slotervaart. Depuis, une bonne partie de l’opinion a tendance à confondre immigration, insécurité et islamisme.
Les inquiétudes nées des événements de Slotervaart viennent du fait que Bilal B. connaissait des membres de la cellule terroriste Hofstad, et que tout le monde dit savoir que des recruteurs sont à l’oeuvre dans le quartier, où une trentaine d’associations quadrillent le terrain pour empêcher les jeunes d’être attirés dans les mosquées intégristes. Pendant longtemps, les autorités ont toléré des prêches où l’on évoquait la lapidation des femmes, la punition des homosexuels et la haine des juifs. La mosquée Al-Tawhid, rue Jan-Hanzen, a été l’un de ces lieux. L’assassin de Van Gogh est passé par là.
A la mairie, M. Marcouch, fils d’un immigrant marocain et ex-policier, expérimente quotidiennement les effets de la radicalisation. Un jour, un gamin de 11 ans l’a traité, en arabe, de "traître". L’homme ne dévie pas de sa ligne dure : "intolérance contre l’intolérance", responsabilisation des parents de casseurs, avec pénalité financière à la clé s’il le faut.
La démarche est critiquée par des travailleurs sociaux. Lodewijk Asscher l’approuve, mais veut distinguer le phénomène de la violence de celui du radicalisme religieux : "Ceux qui cassent ne sont pas des radicaux. D’ailleurs, ces derniers sont plus difficiles à repérer."
Le Monde - Jean-Pierre Stroobants
Ces articles devraient vous intéresser :