Des associations féminines sont vent debout contre la réforme d’Abdelatif Ouahbi, ministre de la Justice, imposant aux femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint de verser une pension alimentaire à leurs ex-maris après le divorce.
Au Maroc, l’avortement clandestin se fait de plus en plus
à domicile à l’aide de médicaments. Le misoprosotol, molécule contre l’ulcères de l’estomac, est particulièrement prisé.
L’Interruption volontaire de Grossesse (IVG), sauf exception, est toujours interdite et pénalement sanctionnée au Maroc. La législation marocaine est sans équivoque là-dessus ; seul l’avortement thérapeutique est autorisé. Autrement dit, un avortement ne peut être provoqué que si la grossesse met irrécupérablement en danger la vie de la mère ou la santé de l’enfant à naître (malformations graves et handicapantes).
Dans le cas contraire, la loi punit lourdement aussi bien la personne qui aide à avorter que la femme qui se prête à l’intervention en question.
Un état de fait qui ouvre largement la voie à une lucrative, et parfois dangereuse, clandestinité. Et qui fait aussi qu’il n’existe à ce jour aucune statistique officielle sur le nombre d’avortements illégaux pratiqués au Maroc.
Il n’en demeure pas moins que personne n’ignore que c’ est une pratique fréquente dans notre pays. De la même manière que tout le monde sait que les relations sexuelles hors mariage, elles aussi punies par la loi et prohibées par la religion, sont monnaie courante dans une société volontairement aveugle.
Les moyens de se débarrasser du fœtus non désiré auxquels peuvent recourir les “mères malgré elles” ne manquent pas. Les méthodes traditionnelles (herbes, breuvages, introduction d’objets pointus ou brûlants dans l’utérus, coups sur l’abdomen), peu onéreuses, ne garantissent pas un avortement systématique et sont très loin d’être dénuées de risques pour la santé, voire la vie, de la femme en question (hémorragie, perforation du col, infection généralisée, stérilité), que ces méthodes soient pratiquées par cette dernière elle-même ou avec l’aide d’un proche ou d’une tierce personne (généralement des accoucheuses traditionnelles -qablat- ou des sages-femmes attitrées, rémunérées 1.000 dh environ).
Les plus nanties, les plus chanceuses ou les plus futées arrivent à assembler la somme nécessaire- de 2.000 à 6.000 dirhams, selon l’avancement de la grossesse- pour se faire avorter secrètement en clinique. Les deux méthodes utilisées sont l’aspiration, qui consiste à dégager à l’aide d’une canule (petit tube fin et creux relié à une machine à aspiration) le contenu de l’utérus ; ou le curetage, qui consiste, lui, à gratter l’utérus à l’aide d’une curette, un instrument en forme de cuillère. On recourt généralement à celui-ci pour des grossesses plus évoluées.
Ces dernières années, d’autres méthodes, dites non chirurgicales ou médicamenteuses, praticables à domicile, font de plus en plus d’adeptes au Maroc. La pilule du lendemain ou « contraception d’urgence », prise tout au plus 72 heures après le rapport sexuel fécondant, empêche l’œuf de s’implanter dans l’utérus. Fabriquée à base d’hormones féminines, elle entraîne des nausées et des vomissements sans gravité et de courte durée, liées à sa composition hormonale. La pilule du lendemain proprement dite n’étant pas commercialisée au Maroc, on la remplace généralement par une pilule contraceptive classique, fortement dosée en hormones. Le mifépristone, mifégyne ou RU 486, un anti-progestatif puissant mis au point en 1982, n’est pas en vente au Maroc non plus. Mais il est toujours possible de s’en procurer via une connaissance en France, le pays le plus proche où cette pilule est en vente libre au prix de 10 euros environ. Le RU 486 peut être utilisé dès les premières semaines et jusqu’à la 9ème semaine de grossesse. Il arrête l’évolution de l’embryon.
Mais, le misoprosotol, une molécule utilisée initialement dans la fabrication de médicaments contre les ulcères d’estomac ou les arthrites, pourrait bien détrôner le classique RU 486. Et pour cause ! La fameuse molécule est peu coûteuse et facile d’utilisation.
Au Maroc, vue son interdiction de vente pour ses propriétés abortives auparavant méconnues, elle est introduite par des circuits clandestins, comme le RU 486. C’est d’ailleurs en lisant l’appel de détresse sur le web d’une certaine Mariam, Marocaine célibataire de 24 ans, enceinte par accident et séquestrée par son père, que Leïla, étudiante de 19 ans enceinte de 5 semaines de son petit-ami de 27 ans, a su qu’en combinant le misoprostol au mifépristone, le taux de réussite de son avortement serait de 97%. Le misoprostol seul, utilisable jusqu’à la neuvième semaine de grossesse, provoque l’avortement dans 80% des cas environ, et les effets sont les mêmes que ceux d’une fausse couche spontanée.
Les complications sont moindres, mais existent quand même (notamment hémorragie et au cas où le fœtus survit, malformations des mains et/ou des pieds). Mais, n’ayant pas les moyens de consulter un gynécologue qui pourrait dénicher discrètement pour elle du RU 486 ou la faire avorter par aspiration, Leïla a demandé à une amie infirmière de lui procurer du misoprostol.
Suivant les recommandations d’un site féminin sur le web et assistée par son petit ami, la jeune fille a introduit 4 comprimés de 200 microgrammes de misoprostol avec ses doigts dans son appareil génital. Des saignements et des crampes s’en sont suivis quelques heures plus tard. Le lendemain, Leila a renouvelé l’oparation, pour être bien certaine que le fœtus a été délogé. Cette fois, les saignements et les crampes, sensiblement plus intenses, se sont accompagnés d’une forte de douleur et de contractions. Elle a eu des nausées, des vomissements et un peu de fièvre pendant quelques heures.
De légers saignements ont persisté durant une semaine. 15 jours plus tard, son nouveau test de grossesse s’est révélé négatif. L’avortement a réussi. Leïla, partagée entre culpabilité et soulagement, est heureuse d’avoir échappé à la mort et, encore plus, à la foudre de son entourage si elle avait gardé cet enfant. Ce terrible souvenir restera à jamais gravé dans sa mémoire et marquera douloureusement la femme qu’elle deviendra.
Jusqu’à quand continuera-t-on à faire les autruches et à s’empêtrer dans nos paradoxes et nos contradictions ? Faut-il autoriser l’avortement quand la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste ? A partir de quand l’âme est-elle insufflée dans le fœtus (nafkh arrouh) ? Que dit l’Islam et ses différentes écoles là-dessus ?
Le débat sur la légalisation, ou du moins l’encadrement, de l’IVG, comme c’est le cas en Tunisie, où la loi admet des causes particulières à l’avortement (malformations du fœtus, viol, inceste, mineures…) et autorise sa pratique dans des centres de santé appropriés, gagnerait également à être ouvert.
En attendant, à l’instar de Leïla, d’autres femmes dans le monde continuent à souffrir de l’hypocrisie d’un système qui persiste à se voiler la face.
Maroc Hebdo - Mouna Izddine
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