Interruption volontaire de grossesse : Un débat avorté !

24 janvier 2008 - 13h16 - Maroc - Ecrit par : L.A

Après le débat sur la peine de mort, une autre polémique gagne le Maroc. Faut-il ou non légaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ? Les avis sont partagés entre partisans de la légalisation et défenseurs de la pénalisation.

Mohamed Graigaâ, directeur exécutif de l’Association marocaine de planification familiale (AMPF), estime que l’avortement à risque contribue de manière significative à la hausse du taux de mortalité maternelle. « 13% de la mortalité maternelle au Maroc est imputée à l’avortement. Elle représente 227 morts pour 100.000 naissances. Ce qui nous place parmi les pays à risque », souligne-t-il. A défaut de prétendre à une légalisation, l’AMPF œuvre pour l’institutionnalisation de l’avortement thérapeutique. « Il faut d’abord lutter contre les IVG clandestines. Pour ce faire, nous conseillons aux femmes désireuses de se faire avorter d’éviter les cabinets qui pratiquent l’IVG clandestinement et les orientons vers l’avortement thérapeutique », explique le directeur de l’AMPF.

Chez les praticiens, la légalisation de l’IVG ne fait curieusement pas l’unanimité. Si Chafik Chraïbi, médecin obstétricien, crie haut et fort la nécessité d’assouplir les conditions de l’avortement (voir interview page 6), tous ces collègues ne partagent pas son avis. « Le débat sur l’IVG est un thème avorté », souligne un confrère à Chraïbi. Selon cet obstétricien de Settat, le débat n’a pas sa place au Maroc, du moins pas encore.

« D’autres pays, plus émancipés que le Royaume par rapport à la religion, n’ont pas légalisé l’IVG ». Allusion est faite aux Etats-Unis où la légalité de l’avortement dépend de l’adresse de la femme enceinte ! « Au Maroc, le référentiel religieux constitue un rempart dressé devant les partisans de la légalisation. Car légaliser l’IVG conduirait à la reconnaissance implicite des relations sexuelles hors mariage », ajoute l’obstétricien de Settat.

Illégal ou pas, l’avortement est pratiqué quotidiennement au Maroc. Dans les milieux défavorisés, les femmes enceintes se tournent vers la médecine populaire qui a beaucoup de succès. Les faiseuses d’anges recourent davantage à la méthode de l’aspirine dissoute dans un soda, à une boisson à base de cannelle ou encore à la méthode de perforation de l’œuf par l’introduction d’un objet long et contondant (notamment les crochets à tricot). Dans le circuit médical, la technique de l’aspiration et des produits médicamenteux font partie des méthodes les plus utilisées.

La première technique est souvent conseillée dans les premières 8 semaines de grossesse. Elle consiste à anesthésier la patiente pour ouvrir le col de l’utérus et aspirer le fœtus par la suite. Cette méthode comporte des risques de perforation de l’utérus lorsque la grossesse dépasse deux mois. « Auquel cas, le médecin opte pour les produits médicamenteux qui consiste à expulser le fœtus », ajoute ce gynécologue. Selon lui, toutes ces méthodes comportent des risques, mais « jamais autant que la clandestinité ».

« Hors de prix »

Le prix d’un avortement varie selon plusieurs critères. Dans le circuit médical, « les tarifs vont de 1.000 à 10.000 DH », souligne un gynécologue à Salé. En fait, la variation dépend de l’âge du fœtus. « Avant 8 semaines, le prix n’est généralement pas très élevé. Au-delà, le risque de complications s’accroît, le tarif aussi ». Selon Chafik Chraïbi, gynécologue obstétricien, « l’illégalité de l’opération agit beaucoup sur son prix ». Et d’ajouter : « Les médecins doivent payer le risque qu’ils prennent à la patiente. Si les conditions légales de l’avortement étaient plus souples, les médecins n’auraient certainement aucune raison de le facturer aussi cher ». Mieux encore, ajoute l’obstétricien, « l’assouplissement des conditions de cette opération orientera les patientes vers le circuit médical, beaucoup plus sécurisé ».

L’Economiste - Naoufal Belghazi

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Lois - Santé - Femme marocaine - Enfant - Avortement

Aller plus loin

Meknès : arrestation d’un médecin,cerveau d’un réseau d’avortement clandestin

Les services de la police de Meknès ont démantelé un réseau actif dans le trafic de médicaments de contrebande et d’avortement clandestin. À la tête de cette bande criminelle,...

Ces articles devraient vous intéresser :

Le Maroc face à la menace de la « Poufa », la cocaïne des démunis

Le Maroc renforce sa lutte contre la « Poufa », une nouvelle drogue bon marché, connue sous le nom de cocaïne des pauvres », qui a non seulement des répercussions sociales, notamment la séparation des familles et une augmentation des suicides et des...

Femmes ingénieures : le Maroc en avance sur la France

Au Maroc, la plupart des jeunes filles optent pour des études scientifiques. Contrairement à la France, elles sont nombreuses à intégrer les écoles d’ingénieurs.

La FRMF au chevet de Brahim Dìaz

L’attaquant hispano-marocain du Real Madrid Brahim Diaz souffre d’une blessure musculaire dans le grand adducteur de la jambe droite. Préoccupée, la Fédération royale marocaine de football (FRMF) a assigné une mission au médecin des Lions de l’Atlas.

"Lbouffa" : La cocaïne des pauvres qui inquiète le Maroc

Une nouvelle drogue appelée « Lbouffa » ou « cocaïne des pauvres », détruit les jeunes marocains en silence. Inquiétés par sa propagation rapide, les parents et acteurs de la société civile alertent sur les effets néfastes de cette drogue sur la santé...

Maroc : des centres pour former les futurs mariés

Aawatif Hayar, la ministre de la Solidarité, de l’intégration sociale et de la famille, a annoncé vendredi le lancement, sur l’ensemble du territoire du royaume, de 120 centres « Jisr » dédiés à la formation des futurs mariés sur la gestion de la...

Les Marocaines pénalisées en cas de divorce ?

Des associations féminines sont vent debout contre la réforme d’Abdelatif Ouahbi, ministre de la Justice, imposant aux femmes ayant un revenu supérieur à celui de leur conjoint de verser une pension alimentaire à leurs ex-maris après le divorce.

Nisrine Marabet, 14 ans, disparue en Belgique

Child Focus, l’organisation belge dédiée à la protection de l’enfance, a lancé un avis de recherche suite à la disparition inquiétante de Nisrine Marabet, une jeune fille de 14 ans. Nisrine a été vue pour la dernière fois le dimanche 30 avril à...

Maroc : risque d’augmentation des mariages de mineures après le séisme

Le séisme survenu dans la province d’Al Haouz vendredi 8 septembre pourrait entrainer une multiplication des mariages de mineures, craignent les femmes sinistrées dormant désormais avec leurs filles sous des tentes dans des camps.

Ramadan et diabète : un mois sacré sous haute surveillance médicale

Le jeûne du Ramadan, pilier de l’islam, implique une abstinence de boire et de manger du lever au coucher du soleil. Si ce rite revêt une importance spirituelle majeure pour les fidèles, il n’en demeure pas moins une période à risque pour les personnes...

Maroc : les femmes divorcées réclament des droits

Au Maroc, les appels à la réforme du Code de la famille (Moudawana) continuent. Une association milite pour que la tutelle légale des enfants, qui actuellement revient de droit au père, soit également accordée aux femmes en cas de divorce.