La Direction Générale des Impôts (DGI) vient de faire une fleur aux automobilistes marocains en ce qui concerne la Taxe Spéciale Annuelle sur les Véhicules (TSAV).
Après le textile, c’est autour de l’automobile d’avoir sa stratégie détaillée dans le cadre du plan Emergence. Présentée en avant-première à Tarragone en Espagne, la stratégie se fixe comme objectif principal d’amener les industriels étrangers à investir au Maroc.
Le pays cherche en effet à se positionner parmi les LCC (Low Cost Contries, pays à faible coût) pour attirer les activités de sous-traitance et les délocalisations des équipementiers européens et américains qui doivent rester compétitifs. Sur le marché international, il y a en effet une opportunité d’affaires à saisir avec les industriels classiques qui redoutent de plus en plus l’arrivée de la concurrence des pays asiatiques, notamment la Chine et l’Inde. Une concurrence qui promet de « casser les prix ».
Pour s’inscrire dans le mouvement, le Maroc mise particulièrement sur l’Espagne. Les industriels que le ministère du Commerce et de l’Industrie (MCI) et les professionnels sont partis courtiser la semaine dernière à Tarragone avaient en face d’eux un interlocuteur animé de bonne volonté. Mais l’argumentaire marocain présente plusieurs faiblesses.
En effet, le discours du MCI est porteur d’une vision globale qui n’est pas forcément adaptée aux différents intervenants de l’industrie automobile.
Le message était le suivant : le Maroc avec ses avantages fiscaux et sa main-d’œuvre low-cost peut aider l’Espagne à réduire ses coût de production. Pour sa part, l’Espagne en investissant chez son voisin aidera à l’essor de l’industrie automobile au Maroc. Une manière de dire qu’au final, aucun des deux pays ne peut être compétitif sans le soutien de l’autre. Mais ce discours a eu du mal à convaincre certains équipementiers ibériques qui pensent avant tout que la rentabilité de leurs entreprises dépend d’abord de la proximité et de la disponibilité de la clientèle, pas du prix et de la proximité du fournisseur. Et pour l’instant, la clientèle, à savoir les constructeurs, se trouve en Europe. L’industrie marocaine étant encore à ses balbutiements : une seule usine de construction, la Somaca. L’usine prend de l’importance avec son orientation pour la première fois vers l’export et la diversification de sa production, mais son volume de production reste encore faible par rapport à ses concurrentes internationales.
Par ailleurs, le Maroc laisse entrevoir des lacunes qui portent atteinte à ses principaux arguments. Pour le moment, le pays offre surtout des infrastructures d’accueil des activités de l’industrie automobile. De plus, pour pouvoir assurer l’approvisionnement « Just in time » (juste à temps) qu’il fait miroiter aux clients étrangers, la proximité géographique n’est pas suffisante. Ce sont plus les plates-formes logistiques rodées à la gestion des opérations, des flux de marchandises… qui peuvent garantir une livraison régulière et éviter les éventuels incidents de retards qui menacent de bloquer la chaîne de production du constructeur.
Logan, Kangoo, Partners et les autres
Le secteur automobile marocain est encore embryonnaire. Mais pour ses responsables, il recèle un grand potentiel, ce qui en a fait la deuxième priorité du programme Emergence.
Tout a commencé en 1960 avec la création de l’usine de montage Somaca. Larbi Belarbi, président de l’Association marocaine pour l’industrie et le commerce de l’automobile et PDG de la Somaca, indique que « la production de l’usine avait, à l’époque, été mise à mal par l’importation massive des véhicules d’occasion. En 1993, on importait 90.000 voitures d’occasion ! », précise-t-il.
Deux ans, plus tard l’usine revit grâce à la signature de son contrat phare avec Fiat pour la construction de la voiture économique. En 2002, l’incertitude revient avec la fin du contrat. La fermeture de l’unique unité de montage marocaine était même envisagée avant son rachat en 2003 par Renault et le démarrage de la production de la « Logan. L’usine monte également les véhicules utilitaires Berlingo, Parteners et Kango. L’usine marque un tournant historique avec le début des exportations de la Logan en Espagne et en France : 5.000 véhicules pour cette année…
La « voiture des marchés émergents » séduit même les pays développés. Mais les constructeurs historiques du vieux continent ont toutes les raisons de craindre la concurrence asiatique qui se positionne sur le marché du produit économique.
Le pivot Somaca
Toute l’histoire de l’industrie automobile au Maroc tourne autour de la Somaca. D’ailleurs, de manière générale, l’histoire des équipementiers est liée à celle des constructeurs. D’où les craintes des Espagnols que l’absence d’une forte industrie auto décourage de s’implanter au Maroc... Et pour les « inquiéter encore plus », le MCI vend aujourd’hui la plate-forme Tanger Free Zone et délaisse la région de Casablanca qui abrite la seule usine de production marocaine !
De plus, dans son plan de développement, le Maroc mise tout sur l’investissement étranger et n’affiche aucune piste pour le développement d’une industrie locale. Or dans tous les pays, devenus des références dans le secteur, c’est bien une usine de construction qui s’est trouvée à l’origine de leur essor.
Le cas le plus parlant est celui de l’usine de Seat en Espagne. Le même schéma s’est reproduit au Maroc (mais avec moins de succès). C’est en effet avec le développement des activités de la Somaca en 1995, que les équipementiers ont commencé à ouvrir boutique, pour fournir l’usine marocaine. C’était tout l’intérêt de Fiat de développer autour d’elle les sous-traitances. Leur activité a ensuite été petit à petit dirigée vers l’export. Le marché a ensuite vu arriver les équipementiers mondiaux.
« Cela a commencé avec des produits comme les câbles qui demandent une main-d’œuvre importante. D’autres produits ont suivi, mais les câbles continuent à représenter plus de 50% du volume global de l’activité des équipementiers », explique Belarbi. Le secteur de l’automobile présente aujourd’hui de bons indicateurs mais les faiblesses, encore nombreuses, poussent à relativiser les avancées enregistrées.
Le volume du montage local suit une courbe progressive marquant ces deux dernières années d’importants taux de croissance d’environ 20% en 2005 et 30% l’année dernière. Mais nous sommes toujours devant un producteur unique.
Les volumes de production du secteur (véhicules et composants) sont également en nette croissance. Le chiffre d’affaires réalisé par le secteur cette année est de 14 milliards de DH dont 7 milliards ont été générés grâce aux exportations des équipementiers en Europe. Et encore, ces derniers travaillent à partir d’une matière première complètement importée, ce qui réduit ostensiblement leur marge de valeur ajoutée.
En outre, les industries à valeur ajoutée comme le design, l’ingeneering, la recherche et développement… demandent une main-d’œuvre qualifiée, bref, des ingénieurs, beaucoup d’ingénieurs. Pourtant le ministère se vanta de procurer les ressources humaines… Le président de l’Amica explique : « Si un constructeur veut recruter 500 ingénieurs pour son implantation, ils ne les trouvera pas. Les professionnels placent de grands espoirs dans le plan de formation des 10.000 ingénieurs en 2010. Mais personnellement, je pense que d’ici là, la demande sera encore plus forte que ce qu’on prépare ».
TFZ : Principal cheval de bataille
Tanger Free Zone (TFZ) est présentée comme l’un des arguments principaux du Maroc pour attirer l’investissement dans le secteur automobile. La zone abrite déjà une quinzaine d’équipementiers français, espagnols, portugais, et même américains et japonais. D’ailleurs, l’automobile est l’activité la plus développée à TFZ. « Le secteur représente plus de 40% du volume de l’investissement, soit 130 millions d’euros (1,5 milliard de DH), ce qui a permis de créer en 6 ans plus de 12.000 emplois dans la zone franche », indique Omar Chaib, directeur commercial de TFZ.
En plus du cadre juridique et fiscal avantageux qui reste identique dans toutes les zones franches concurrentes (Turquie, Egypte, Tunisie…), TFZ mise surtout sur sa proximité de l’Europe et du Port Tanger-Med. Chaib explique que ce dernier permettra « de réduire les coûts logistiques de 30 à 40% et va renforcer la fluidité des importation et des exportations ». « La proximité du détroit de Gibraltar, qui est le deuxième point du monde le plus transité, est également un atout majeur », poursuit-il. Pour profiter de ce cadre logistique et géographique, les responsables étudient actuellement la possibilité de création de « Tanger automotive city » qui « ne serait certainement pas à TFZ puisque la zone est déjà très avancée », précise Chaib, mais qui sera programmée dans le cadre des zones industrielles franches prévues dans le même périmètre.
L’Economiste - Ichrak Mousit
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