De nombreux Marocains continuent d’appeler à l’interdiction de TikTok, dénonçant la publication par les jeunes de contenus violents ou à caractère sexuel sur cette application qui, selon eux, porte atteinte aux valeurs du royaume.
A la suite des actions entreprises par le réseau Maillage à l’initiative des jeunes Marocains de France, en guise de soutien aux jeunes Marocains des quartiers défavorisés, La Nouvelle Tribune a approché M. Ahmed Ghayet. A l’origine de cette initiative, le conseiller d’Elisabeth Guigou, ministre française chargée de l’Emploi et de la solidarité, nous a consacré un entretien où il évoque son parcours, ses idées et ses projets.
Pour commencer pouvez-vous nous donner un aperçu succinct sur votre cursus et votre parcours, car autant de personnes vous connaissent, autant d’autres ne savent rien sur vous ?
Je suis fils d’un marocain parti en France pour participer à la guerre d’Indochine. Je suis alors né à Barbès, un quartier de la capitale, principalement habité par des familles issues de l’émigration. Je poursuivais des études pour devenir éducateur. Un soir, en écoutant la radio (radio Beurs) en 1983, ma vie allait prendre un tournant différent de ce qu’elle était jusqu’à présent. On annonçait que des jeunes d’origine arabe allait organiser une marche anti-racisme de Marseille à Paris. J’ai décidé alors de me joindre à eux. Sur les 9 jeunes, j’étais le seul marocain. Nous avions alors traversé toute la France pendant 3 mois, à l’arrivée, nous étions plusieurs centaines de personnes. C’était alors le début du changement. J’ai ensuite créé avec les jeunes de mon quartier une association dénommée "Hors la zone". A partir de là, j’ai eu des contacts avec des jeunes élus. J’ai eu la chance d’être remarqué par Jacques Chirac, après quoi, j’ai été nommé conseiller de Mme Martine Aubry, chargée de la jeunesse émigrée de 1997 à 2001. J’ai donc eu deux parcours, un associatif et un professionnel. Actuellement, je suis conseiller de Mme Elisabeth Guigou. Et enfin, depuis 1990, j’essaie de m’investir au Maroc.
Votre parcours semble impressionnant, vous êtes la perle, qui sort du lot, ou bien, il y a d’autres jeunes qui font autant que vous la fierté des Marocains d’ailleurs ?
En effet, il y a de plus en plus de marocains qui se démarquent dans le monde du showbiz, en sport, il y a des jeunes entrepreneurs très brillants, tout comme il y a dans les nouvelles générations (70-80) des petits génies, chacun dans son secteur d’activité. Le fait d’être minoritaire nous pousse à nous surpasser pour être parfaits. Il y a également des jeunes élus. Certes, nous n’avons pas encore de ministre, mais cela viendra incontestablement un jour. Cela ne veut pas dire non plus que tous les Marocains de France sont des Debbouze, des Arazi, ... il y en a qui sont malheureusement dans des situations précaires. Notre rôle consiste à les empêcher de déraper.
Justement comment pensez-vous contribuer à l’intégration des jeunes MRE, dans la vie politique française, d’abord de par votre activité associative ? Et est-ce que votre travail dans le Cabinet de Mme Elisabeth Guigou vous a-t-il aidé dans ce sens ?
J’essaie, mais ceci n’est pas chose aisée. La classe politique française est très réticente. Dans ce sens, la Hollande et la Belgique sont en avance sur la France. Pour autant, je suis persuadé que les années à venir, connaîtront l’éclosion de jeunes marocains qui ont l’ambition et la compétence de prendre part à la chose politique et la classe politique française sera obligée de les prendre. Mon travail auprès de Mme Guigou m’aide considérablement. Elle se dit marocaine du cœur. Au fait, nous avons deux parcours inversés. Elle, est française, née à Marrakech, elle a vécu au Maroc pendant 19 ans avant de regagner la France. Partant, elle comprend parfaitement mon envie de m’investir au Maroc. Elle me conseille, m’oriente et m’encourage dans ce que je fais. Sincèrement, je pense que c’est un vrai atout pour moi de travailler avec elle.
Vous semblez être un relais entre les jeunes MRE et les jeunes marocains issus de quartiers défavorisés, cela se confirme avec le réseau maillage, quels en sont les finalités ?
Dans chaque ville de France (Paris, Lille, Bordeaux, Aurillac, Pau, ...), la communauté des jeunes MRE s’est prise en mains. Avec une quinzaine d’entre eux, nous avons créé "Maillage nouvelles générations". Ainsi, chaque association continue de faire son travail habituel en France, qui consiste à repérer des jeunes talents, aider ceux qui sont en difficulté à ne pas déraper, mais on s’unit pour entreprendre des actions au Maroc.
Nous avons un savoir-faire que nous avons acquis de par notre travail associatif dans nos quartiers. C’est de là qu’est née l’idée des quartiers solidaires, matière de gestion. Le principe étant que "Maillage" crée des structures (terrain de sport de proximité, bibliothèque, maisons de jeunesse, ...) et que les jeunes issus des quartiers populaires créent de leur côté leurs propres structures associatives pour poursuivre le travail. Nous ne prétendons pas leur offrir un emploi, mais une occupation. Notre objectif est de les retirer de leur oisiveté. Si nous parvenons au moins à les convaincre de ne pas s’embarquer dans les chimères de l’autre rive, nous aurons réellement réussi. Car là bas rien ne les attend. C’est ici, qu’ils peuvent réaliser des choses. Mais pour ce faire, ils ont besoin d’un soutien et non pas d’être délaissés et livrés à eux-mêmes. Au Maroc, autant on trouve des gens qui sont à l’écoute autant d’autres sont nonchalants et ne s’en soucient guère. Si en haut, on veut bouger, si le Souverain ne cesse d’envoyer des signaux forts, que les Wali sont très dynamiques, alors qu’ en bas on ne suit pas du tout. Les élus, eux, ne parlent pas le même langage.
A quelques mois de sa création, Maillage bénéficie du soutien d’entreprises et d’associations de renom (Heure Joyeuse, Saga, FC.Com,...), c’est quoi le secret ?
Les gens ont tout simplement suivi nos actions et compris l’impact du modeste apport qu’on peut offrir à la jeunesse marocaine. Aujourd’hui, ils nous font confiance et je les en remercie. D’ailleurs, je me permets de rappeler que nous effectuons, outre la création de structures un travail de sensibilisation ou plutôt d’éducation civique, car nous estimons qu’on ne peut rien faire sans cette base. C’est grâce à cette éducation que ces jeunes peuvent améliorer leur quotidien, exiger des élus de faire leur devoir. D’ailleurs, à l’approche des élections présidentielles en France et législatives au Maroc, nous avons quasiment la même tâche à effectuer auprès des jeunes Marocains de France et ceux d’ici, les convaincre de leur devoir de voter et les assurer que leur vie changera en mieux ou en pire en fonction de leur vote. Et on est surpris que des deux côtés, c’est le même discours. "On s’en balance des élections"
Quels sont vos projets d’avenir au Maroc, la possibilité de retour au bercail, pour faire profiter votre pays de votre expérience. Est-ce envisageable ?
Non, je préfère être entre les deux. Je me sens autant utile aujourd’hui au Maroc que je l’étais en France dans les années 80, que je participe à quelque chose. J’apprécie ce que je fais, même si certaines personnes me critiquent, je sens que je contribue ne serait-ce que modestement à l’édification de l’avenir et le bien-être des jeunes marocains de France ou du Maroc. Et je continuerai à le faire, tant que j’en aurai la force.
En conclusion ?
J’ai accompagné les jeunes de Hay Mohamadi pour la création de "Initiative urbaine" Aussi, ai-je un appel à lancer aux autorités pour alléger la procédure de création d’association. Le processus est long et coûteux pour des jeunes qui n’ont pas de moyens. Rien qu’en timbres, il faut environ 850 Dhs. Il serait peut-être plus judicieux de supprimer les frais de légalisation pour les associations à but non lucratif qui ne peuvent pas se le permettre.
La nouvelle Tribune
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