A la recherche de délégués pour l’islam de France

5 octobre 2002 - 13h16 - France - Ecrit par :

On a connu Nicolas Sarkozy plus entreprenant. Sur la question de l’islam de France, il avance à pas prudents, à grand renfort de diplomatie. Il sera ce samedi en visite officielle à la grande mosquée de Paris d’où il souhaiterait s’adresser à « tous les musulmans de France ».

Le ministre de l’Intérieur sait qu’il a peu de chance d’être entendu par tous : les divisions de la communauté sont telles qu’à moins de ne rien dire, son discours va nécessairement en fâcher certains. Le fait même que ce discours soit tenu dans la mosquée de Paris suffit par exemple à mécontenter l’U nion des organisations islamiques de France (l’UOIF), qui a fait savoir qu’elle n’irait pas l’entendre.

Multiplicité. La grande mosquée se pose en garant d’un islam républicain respectueux de la laïcité. Elle revendique une place de choix dans la future instance représentative des musulmans de France. Cette prétention se fonde sur le poids symbolique de la plus ancienne mosquée de France mais aussi, surtout, sur le fait que cet établissement partiellement financé par l’Etat algérien serait une référence naturelle pour les fidèles d’origine algérienne. L’UOIF conteste cette prétention. Cette fédération d’associations qui adhèrent à la pensée fondamentaliste des Frères musulmans a fait la preuve de son dynamisme. Ni marocaine, ni algérienne, elle insiste sur son indépendance et revendique le titre de véritable représentant de l’islam de France. Chaque année, son congrès attire des dizaines de milliers de fidèles dont beaucoup de jeunes nés en France et « réislamisés ». Elle incarne un islam militant qui soutient notamment le port du voile à l’école.

Nicolas Sarkozy, comme ses prédécesseurs, cherche l’instance qui saura faire cohabiter l’UOIF, la grande mosquée et encore une douzaine d’autres fédérations ou associations. Depuis 1988, tous les ministres de l’Intérieur ont fait le même constat : deuxième religion de France avec 4 à 5 millions de personnes qui s’en réclament, l’islam a besoin d’une représentation dans la société. Car aujourd’hui, la multiplicité des interlocuteurs est telle qu’à Marseille comme à Strasbourg, les projets de mosquées s’enlisent dans d’interminables polémiques (lire ci-contre). « Un maire réagit plus facilement à une demande exprimée par un évêque ou un président de consistoire que lorsqu’il est saisi par le président d’une association inconnue », rap pelle le ministre de l’Intérieur dans la revue musulmane la Médina.

A la veille de la présidentielle, le ministre socialiste Daniel Vaillant croyait avoir trouvé la bonne méthode. Un Conseil français du culte musulman (CFCM) devait être élu le 23 juin par des délégués des quelque 1 400 lieux de culte musulman recensés en France, le nombre de délégués devait être proportionnel à la surface des lieux de culte. Ce mode de scrutin aurait donné une forte majorité à l’UOIF, très présente sur le terrain. Quelques semaines après, Nicolas Sarkozy annonçait le report des élections en martelant qu’il ne laisserait pas « l’intégrisme s’asseoir à la table de la République ». Le ministre et ses conseillers ont consulté tout l’été pour préciser les statuts et le mode de désignation de l’improbable instance représentative. Un nouveau projet se dessine qui renforce le pouvoir des conseils régionaux et donne plus de place à des « personnalités qualifiées » reconnues pour leur « profondeur spirituelle », ce qui devrait satisfaire le théologien moderniste Soheib Bencheikh, bête noire de l’UOIF. En réduisant le poids des délégués des lieux de culte, le projet doit limiter l’influence de l’UOIF et renforcer celle de la mosquée de Paris.

Visas refusés. Interrogé par la Médina sur les influences étrangères, Nicolas Sarkozy assure qu’il trouve « normal que les gouvernements étrangers souhaitent que l’instance représentative du culte musulman de France soit représentative des familles de l’islam existant dans les pays d’origine ». Il ne pose qu’une limite, qui vise plus l’Arabie Saoudite que l’Algérie : « Il s’agit de représenter l’islam de France, pas l’islam en France ». Ces dernières semaines, le ministre est intervenu à plusieurs reprises pour refuser l’entrée en France « d’un certain nombre de prédicateurs ou d’imams qui ne parlent pas un mot de français et viennent alimenter un certain nombre de mosquées ou de lieux de culte avec des théories contraires aux valeurs de la République ».

Libération

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Religion - Nicolas Sarkozy - Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)

Ces articles devraient vous intéresser :

Aïd al Adha au Maroc : l’appel à l’annulation monte sur les réseaux sociaux

Alors que certains Marocains appellent à l’annulation de la célébration de l’Aïd al-Adha sur les réseaux sociaux, d’autres tiennent au respect de cette tradition religieuse.

Le Maroc débutera le ramadan le mardi 12 mars

Le mois de Ramadan débutera bel et bien mardi 12 mars 2024 au Maroc. Le ministère des Habous et des Affaires islamiques l’a annoncé ce dimanche 10 mars, après l’observation du croissant lunaire.

Université Paris-Dauphine : propos racistes envers une étudiante voilée

Une étudiante voilée a été victime de propos racistes de la part d’une intervenante du jury lors d’une soutenance de fin d’année à l’Université Paris-Dauphine.

Voici la date l’Aïd Al-Adha au Maroc selon les calculs scientifiques

Le premier jour de l’Aïd al-Adha au Maroc sera célébré le lundi 17 juin 2024, correspondant au 10ᵉ jour du mois de Dhou al-Hijja de l’année 1445 de l’Hégire. Cette annonce émane des calculs astronomiques effectués par des scientifiques.

Hôtels au Maroc : la fin du certificat de mariage ne plaît pas à tout le monde

Au Maroc, la levée de l’exigence d’un certificat de mariage dans les hôtels est loin de faire l’unanimité. Alors que certains Marocains ont célébré cette évolution comme une étape vers plus de liberté personnelle et de vie privée, d’autres estiment que...

Début de Ramadan au Maroc : décision ce dimanche

Les Marocains sont fixés ce dimanche 10 mars sur le début et la fin du ramadan. Quand commence le mois sacré au Maroc ?

Une campagne pousse les jeunes Marocains à prier

De jeunes Marocains ont lancé une campagne numérique pour inciter leur génération à cultiver une vie de prière, soulignant l’importance de celle-ci dans la pratique de leur foi musulmane.

Chaâbane débute ce dimanche, le ramadan dans un mois

Le premier jour du mois de Chaâbane de l’année 1445 de l’hégire correspond au dimanche 11 février 2024, a annoncé samedi le ministère des Habous et des Affaires Islamiques dans un communiqué.

Guingamp : tags racistes découverts sur la mosquée, enquête en cours

La mosquée de Guingamp, dans les Côtes-d’Armor, a été ciblée dans la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 décembre 2023 par des tags islamophobes. Une première en 40 ans.

Aid Al Fitr au Maroc : vendredi ou samedi ?

Même si les calculs astronomiques tendent à définir la date de l’ Aïd Al fitr samedi 22 avril 2023 au Maroc, l’observation de la lune reste pour l’instant l’option privilégiée par les autorités religieuses marocaines.