L’athlète marocaine Fatima Ezzahra Gardadi revient sur son sacre historique au Marathon féminin lors des Championnats du monde d’athlétisme, et parle de ses objectifs pour le futur.
Ils escaladent les murs, sautent de toit en toit et dévalent les escaliers à coups d’acrobaties. Eux, ce sont les adeptes du Parkour, un sport urbain pas comme les autres. Découverte.
Casablanca, place Mohammed V. Aux abords de la fameuse nafoura, un curieux attroupement prend forme en quelques minutes. Six jeunes, vêtus de la tenue réglementaire du Streetwear (sweats, jeans baggies et baskets) prennent leur élan et s’élancent pour accomplir un salto synchronisé, franchissant, l’air de rien, une lignée d’escaliers. Ils poursuivent leur effort jusqu’au mur en face, qu’ils escaladent avec une facilité déconcertante, avant de faire le chemin inverse pour atterrir sur le sol en un roulé-boulé. Vous venez d’assister à une petite démonstration du collectif “Accroche-toi !”, un groupe de jeunes Casablancais amateurs de Parkour.
Sport extrême pour les uns, art acrobatique pour d’autres, le Parkour est “une technique de déplacement, l’art de trouver des obstacles et la figure pour les franchir”, explique doctement Anas, vingt et un ans, adepte de la discipline depuis quatre ans. Celle-ci est née en France, avec David Belle, le héros du film Banlieue 13 de Pierre Morel. Tout a commencé par une vidéo amateur, où son auteur faisait la démo d’un savant mélange entre gymnastique, acrobatie et techniques de combat militaire. Le film Yamakasi (Ariel Zeitoun, 2001) fera découvrir le Parkour au grand public, marocain compris : “Dans ce film, on a appris beaucoup de choses au niveau de la technique. Après, on s’est entraînés pour faire pareil”, poursuit Anas. Avec sa troupe, essentiellement constituée d’étudiants, il a été jusqu’à créer, en mars dernier, la première association marocaine de Parkour. Objectif : “Faire connaître la discipline et l’enseigner”. Un vaste programme qui commence à devenir réalité.
Une vingtaine de jeunes, âgés de 13 à 20 ans, les rejoignent trois fois par semaine à la maison des jeunes d’Aïn Sebaâ pour s’initier à ce nouvel art. Les outils “pédagogiques” ? Des obstacles bricolés avec des planches en bois… ou plus simplement du mobilier urbain. Parmi les élèves, Ayoub, quatorze ans, a découvert ses nouveaux profs par hasard, virevoltant dans les rues de Casablanca. Et à en croire Anas, son mentor, “le petit a déjà un niveau d’acrobate !”. “Accroche-toi !” n’est pas le seul groupe à faire du prosélytisme pour le Parkour. La ville blanche en compte cinq et il en existerait au moins un dans chaque grande ville du royaume. “Au sein de l’association, nous avons beaucoup de projets, dont celui d’organiser un tournoi national, lance Anas. On cherche toujours des sponsors”. En attendant, les “traceurs” continuent à écumer les “Parkour Days”, des journées entièrement dédiées à la discipline et dont les dates et les lieux sont relayés via Internet.
Rush d’adrénaline
Mais qu’est-ce qui fait sauter les accros au Parkour ? “La sensation de liberté et de confiance quand tu parviens à réaliser une figure compliquée”, déclare Anas, les yeux pétillants. Mais aussi la recherche de sensations fortes et du rush d’adrénaline, qui n’est pas sans risques. Le jeune homme en sait quelque chose : l’été dernier, une mauvaise réception lui a valu une double fracture ouverte de l’avant-bras. Pas de quoi le dissuader de poursuivre ses entraînements avec son groupe… toujours sans protection.
C’est probablement cette mise en danger volontaire qui a contribué à ternir l’image du Parkour. “Au début, les gens nous prenaient pour des fous. Un jour, alors qu’on s’entraînait à Aïn Sebaâ, nous avons été embarqués par des policiers. Ils pensaient que nous étions des voleurs. Ils nous ont gardés au poste pendant une demi-heure”, raconte Anas. Mais au-delà du simple plaisir, beaucoup rêvent de sortir de l’anonymat et de faire de leur hobby un métier. Des membres du groupe Accroche-toi ! en ont eu un avant-goût : une première apparition sur petit écran, via un reportage de la chaîne Arryadia, suivie du tournage d’un spot publicitaire pour un opérateur téléphonique et de rôles dans La voilée, l’autre dimension, série réalisée par Mohamed El Kaghat et diffusée sur 2M pendant le ramadan dernier. Des expériences que les concernés jugent “enrichissantes”, du moins au sens figuré. “Franchement, on a été exploités. Pour le tournage de la pub, qui avait lieu à Rabat, les frais de déplacement et de restauration étaient à notre charge”, déplore Anas, pas découragé pour autant : “Notre ambition, c’est de jouer dans des films d’action marocains et, pourquoi pas, participer un jour au championnat du monde de Munich”, affirme Anas. En attendant, le groupe prépare la mise en ligne d’un site Internet et le tournage d’une vidéo. “Cette vidéo nous servira de CV, via lequel tout le monde verra ce que nous savons faire”, conclut Anas.
TelQuel - Séverine Sannom
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