Transactions immobilières : Bureaucratie et clientélisme

19 août 2008 - 23h50 - Economie - Ecrit par : L.A

Un calvaire. La qualification n’est pas exagérée quand il s’agit de recourir aux prestations de l’administration marocaine. Ainsi, la combinaison entre procédures, lentes et compliquées, et certaines pratiques peu scrupuleuses font qu’une simple transaction immobilière se transforme en un véritable cauchemar.

Principaux protagonistes : Conservation foncière, Fisc et commune. Voici en détails le parcours épineux d’une vente d’un bien immeuble :
Une fois le contrat de vente conclu, l’acheteur doit s’empresser de l’enregistrer.

Un délai d’un mois à partir de la date de la signature de l’acte étant de rigueur. Un jour de plus et les majorations commencent à tomber.
Avec les départs simultanés en congés durant ces trois derniers mois, les services sont dégarnis.

Le fonctionnaire du service d’enregistrement qui, en temps normal, gère les actes d’une vingtaine de notaires, se trouve, du coup, à effectuer le remplacement du collègue avec toute une quantité supplémentaire d’actes. Beaucoup de travail, donc des dossiers qui traînent. Seuls les actes dont le délai d’enregistrement arrive à expiration passent en urgence.

Cependant, derrière tout acte, il y a des engagements à honorer (de la part du notaire et de son client, vis-a-vis des banques, de la part du vendeur pour d’autres fins, une nouvelle acquisition immobilière, des dettes a payer…). Ceux qui comprennent bien le système, laissent cette corvée aux stagiaires et aux coursiers des notaires ou avocats. Ces professionnels, connaissant si bien le rouage de l’administration, arrivent à enregistrer l’acte dans les plus brefs délais.

Immédiatement, moyennant « rétribution », trois jours si une bonne relation les lie à certains fonctionnaires. Certains d’entre eux affirment qu’il faut au moins 100 DH pour accélérer le traitement.

« Pour enregistrer un acte, il faut souvent 15 jours », se plaint un coursier. « Heureusement, il faut bien le dire, ce n’est pas la règle absolue, puisqu’il y a des fonctionnaires intègres », souligne un clerc de notaire.

Une fois l’acte enregistré, il faut procéder a son inscription à la Conservation foncière. A ce niveau, il faut bien noter qu’un système de tickets permet d’organiser les dépôts. S’il n’y a aucune remarque au sujet de l’acte (inexactitude des informations figurant sur l’acte ou incohérences avec celles figurant sur le titre foncier), 48 heures suffisent pour s’acquitter des droits d’inscription. Il en est de même pour l’obtention des certificats de propriété. « En tout, 4 à 5 jours ». Soit un total de 20 jours entre l’enregistrement et l’inscription foncière.

Cependant, certaines pratiques peuvent rallonger ce délai. Il arrive ainsi que, par omission, le titre foncier ne soit pas classé. « Là, vous risquez d’élire domicile à la Conservation foncière », commente le notaire stagiaire. Très souvent, il faut attendre une quinzaine de jours pour qu’il soit retrouvé. C’est ce qui arrive à ceux qui ne sont pas au courant des procédures d’urgence en la matière. « Il faut demander au conservateur un titre provisoire pour faire passer la transaction », conseille le professionnel. « Mais 50 DH suffisent pour que l’attaché aux archives remue ciel et terre pour vous trouver le titre foncier, ou du moins pour situer le service où il a atterri », ajoute le notaire stagiaire.

Le vendeur a également droit aux désagréments administratifs. Il doit apporter le quitus fiscal au notaire pour que ce dernier lui remette le montant de la transaction.

Le notaire ayant l’obligation d’assainir la situation fiscale de l’immeuble. Le dépôt auprès du fisc doit être effectué dans un délai ne dépassant pas 60 jours à partir de la date de la signature du contrat. Les retards entraînent des majorations.

Après paiement de la taxe sur les profits immobiliers, il faut obtenir ce que l’on appelle la IPPA (impôt payé par anticipation). Or, un mois peut s’écouler avant l’obtention de ce document. Si l’administration fiscale approuve le montant de la transaction, le vendeur peut poursuivre la procédure et obtenir l’accord du « secteur » (un service). Ce qui fait 2 jours minimum de plus. Si, par contre, elle estime que le montant est inférieur à la valeur vénale du bien, elle procède au redressement et envoie un courrier dans ce sens au vendeur. Soit une semaine de plus avant que ce dernier ne puisse formuler une contestation ou approuver le redressement. Ce qui fait, au total, 54 jours de procédures (15 jours à l’enregistrement + 32 au fisc + 7 jours de correspondance). Ceci sans compter que le notaire ou le rédacteur de l’acte ne le dépose pas toujours de suite. Donc, la procédure peut dépasser les 60 jours…

Entêtement

« Au lieu de demander la réduction de 30% légalement permise en matière de redressement, nous passons quelques jours de plus à expliquer que, même si pour formuler une position sur le redressement, le délai de 60 jours ne concerne que le dépôt », explique le futur notaire. Mais les fonctionnaires s’entêtent à considérer que ce délai comprend toute la procédure, y compris les contestations. Donc la majoration s’applique. Cette procédure peut s’alléger moyennant rétribution dont le montant dépend de la valeur de la transaction.

Après le Fisc, il faut passer par le service des régies communales, un autre département fiscal, et enfin la Perception. Soit une semaine au moins si toutes les redevances fiscales sont réglées. Donc, pour qu’une transaction soit clôturée, il faut facilement compter deux à trois mois.

Source : L’Economiste - Jalal Baazi

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Immobilier - Administration - Corruption

Ces articles devraient vous intéresser :

Taxis au Maroc : Fini les arnaques ?

Au Maroc, de nombreuses licences ont été retirées aux chauffeurs de taxi qui ne sont pas en règle. Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur, assure que son département s’évertue à soutenir et à accompagner diverses initiatives visant à moderniser les...

Corruption au Maroc : des élus et entrepreneurs devant la justice

Au Maroc, plusieurs députés et élus locaux sont poursuivis devant la justice pour les infractions présumées de corruption et d’abus de pouvoir.

Maroc : Une vague d’embauches publiques attendue en 2024

L’État marocain prévoit en 2024 la création de 30 034 postes dans les ministères et institutions publiques, révèle le Projet de loi de finances (PLF) 2024.

Maroc : révision de l’impôt sur le revenu

Le gouvernement marocain, via son porte-parole Mustapha Baitas, a annoncé une révision de l’Impôt sur le revenu (IR) avec pour objectif d’augmenter les revenus des employés et fonctionnaires.

Corruption au Maroc : arrestation d’un ex-ministre, un avertissement pour les responsables ?

Après l’arrestation jeudi de Mohamed Moubdii, député du Mouvement populaire (MP) et ancien ministre, pour des crimes financiers présumés, des voix s’élèvent pour appeler le gouvernement marocain à renforcer sa lutte contre la corruption et...

Le roi Mohammed VI lance l’aide au logement

Les choses se précisent pour la mise en œuvre du nouveau programme d’aide au logement visant à renouveler l’approche d’accès à la propriété, en suppléant au pouvoir d’achat des ménages, via une aide financière directe aux acquéreurs.

Statut d’auto-entrepreneur au Maroc : après l’euphorie, le flop ?

Lancé en 2015, le statut auto-entrepreneurs semble ne plus être une solution à l’informel et au chômage. Le bilan en est la parfaite illustration.

Les Marocains libres de choisir le prénom de leurs enfants, sous certaines conditions

Les officiers marocains de l’état civil sont à présent dans l’obligation d’accepter temporairement les prénoms déclarés, y compris ceux en contradiction avec la loi, contrairement aux pratiques antérieures, selon un décret qui vient d’être publié.

Le Maroc simplifie encore plus les procédures administratives

Le gouvernement entend simplifier et digitaliser prochainement quelque 2500 procédures. C’est ce qu’a déclaré Ghita Mezzour, ministre de la Transition numérique et de la réforme de l’administration, à la Chambre des représentants.

Aïd El Fitr 2024 : une bonne surprise pour les fonctionnaires marocains ?

La ministre déléguée chargée de la réforme de l’administration et de la transition numérique, Ghita Mezzour, propose au gouvernement de décréter un congé exceptionnel de trois jours au lieu de deux à l’occasion de l’Aïd Al-Fitr 2024.