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Plus de 400 prisonniers marocains croupissent toujours dans les mouroirs de Tindouf dans des conditions inhumaines. Ceux qui ont été libérés vivent au Maroc dans la précarité totale.
L’ancien prisonnier marocain, détenu pendant 17 ans dans les geôles algéro-polisariennes de Tindouf, Mohamed Lahmadi, n’a respiré l’air du pays que trois jours seulement. Rapatrié le samedi dernier, il est décédé lundi à l’hôpital militaire "Avicenne" de Marrakech. Selon ses camarades d’infortune, libérés avant lui, Lahmadi, un membre des Forces Auxiliaires, souffrait vraisemblablement d’un cancer de la prostate, et ce depuis plusieurs années. Mohamed Lahmadi sera enterré, conformément aux vœux de son épouse, à Essaouira. En tout cas, le décès de Lahmadi soulève bon nombre de questions. C’est l’occasion de rappeler que le Maroc compte, toujours, plus de 400 de ses ressortissants, militaires et civils, dans les camps de la mort de Tindouf et de Lahmada. L’état de santé de tous ces prisonniers marocains se détériore jour après jour. Les uns ont perdu la raison, les autres agonisent, et d’autres sont mutilés ou gravement malades, sans aucun soin, sauf peut-être lors des visites sporadiques qu’effectue la Croix Rouge Internationale dans les camps de détention et sous haute surveillance polisarienne. Inutile, donc, d’insister sur le caractère inhumain, illégal, monstrueux et barbare de ces détentions.
Malgré toutes ses déclarations officielles, enrobées dans une diplomatie cynique, "l’Algérie a sur la conscience la vie de plusieurs centaines de martyrs Marocains, sans compter les souffrances des prisonniers et la désolation dans laquelle leurs femmes et enfants ont sombré", assure Brahim Hajjam, président de l’Association des familles des victimes du polisario.
Voilà pour l’ennemi. Qu’en est-il maintenant du gouvernement marocain ? Qu’a t-il fait pour les martyrs, les disparus, les détenus et ceux qui ont été libérés ? Depuis le début du conflit au Sahara, les mercenaires et leurs protecteurs algériens ont fait prisonniers pas moins de 2.500 Marocains, sans compter ceux qui sont morts sur le champ de bataille. Dès la captivité d’un militaire ou sa mort, l’armée marocaine confisque sa "prime de zone sud", appelée communément la double solde. Les veuves et les femmes des disparus ne peuvent donc toucher que 1.100 DH, même pas le Smig. "C’est d’ailleurs ce que je touche toujours", assure un ancien détenu. De retour au Maroc, les anciens prisonniers, qui se sont sacrifiés pour la patrie, ont été carrément jetés dans la nature.
Les témoignages de ces personnes, uniquement pour la période post-libération, peuvent remplir toute une bibliothèque. "L’accueil qu’on nous a réservé est décevant, honteux et injuste", se plaignent-ils à l’unisson. Ces hommes courageux ont survécu à des années de tortures, dans l’espoir de refouler le sol de leur pays. Aujourd’hui, ils ne trouvent pas de mots assez durs pour exprimer leur colère et leur amertume.On nous a promis des logements, mais nous n’avons rien reçu", souligne Mohamed Hanaï, un ancien membre des Forces Auxiliaires, détenu pendant 24 ans. Et d’ajouter : "nous nous sommes rendus à l’inspection générale des Forces Auxiliaires à Rabat à quatre reprises pour que nos indemnités soient débloquées".
Le Capitaine Ali Najab, ancien pilote de chasse, également capturé pendant 25 ans, assure que "l’armée n’a pas voulu appliquer le règlement militaire qui donne droit aux prisonniers à un avancement d’un grade une fois de retour". Pour ce qui est des indemnités, toujours pour les militaires, elles ont été calculées sur la base d’une loi datant des années 1950. A l’époque, il n’y avait aucune guerre. "Pourquoi le gouvernement, le Parlement ou même l’armée elle-même n’ont pas pris l’initiative de modifier cette loi ?", se demandent les anciens détenus, réduits aujourd’hui à faire la manche ou presque. En fait, la situation matérielle lamentable des militaires, est minime devant les drames que vivent les civils. Les entreprises qui les employaient (travaux publics, transport…) n’ont rien voulu faire pour eux. C’est le cas d’Abdellah Lamani, libéré il y a plus d’un an et demi, et qui habite toujours dans le sous-sol d’un complexe sportif casablancais. Aux côtés de deux autres anciens détenus de Tindouf, Lamani, après plus de 20 ans de détention, a le sentiment d’avoir été abandonné par son propre pays. Le tout, sous le regard des autorités locales et de la mairie. "La wilaya nous a dit qu’elle n’avait pas où nous loger", raconte l’intéressé qui ne cache pas sa profonde déception.Les autorités de la capitale économique ne disposent-elles pas, ne serait-ce que d’une chambre, pour héberger les trois anciens prisonniers ?
Ce que les réscapés des bagnes de Tindouf demandent c’est juste un peu de reconnaissance. « Est-ce trop demander » s’interroge, résigné, le frère d’un ex-prisonnier. En fait, l’argent ne les intéresse pas outre-mesure. Brahim Hajjam propose qu’une journée du martyr et du disparu soit annuellement célébrée.
Les détenus exigent qu’ils soient considérés comme des héros et non comme des déserteurs. Jamais aucun responsable ne leur a rendu ne serait-ce qu’un petit hommage.
Abdelmohsin EL HASSOUNI - Aujourdhui le Maroc
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