Pufa, la « cocaïne des pauvres » s’est installée progressivement dans toutes les régions du Maroc, menaçant la santé et la sécurité des jeunes. Le sujet est arrivé au Parlement.
Plus de 1000 candidats à Casablanca, pas moins de 600 dans les autres villes. Le succès de Studio 2M ne se dément pas. Retour sur un phénomène qui prend de l’ampleur.
Samedi 26 mai, route de Aïn Sebâa à Casablanca. Près d’un millier de jeunes fait le pied de grue devant les grilles de 2M. Et pour cause. En cette matinée de mai, c’est le casting de Studio 2M qui démarre. Une émission qui en est à sa quatrième édition et dont le succès ne se dément pas d’année en année. Des taux d’audience qui dépassent les 80%, des primes à la star’ac et des invités de marque pour chaque soirée…
Pour cette édition qui débutera le 23 juin, la caravane Studio 2M qui a sillonné toutes les régions du Maroc (Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Agadir, Fès, Laâyoune et Oujda) mais aussi Paris pour l’Europe, a abouti à la sélection de 32 voix dont 16 masculines et 16 féminines. « Il ne reste plus que Montréal et la première étape de l’émission est bouclée », explique Hadj Younès, membre du jury qui s’occupe des différentes épreuves de la présélection à la qualification en passant par la présélection. « C’est le même jury qui est chargé des différentes étapes pour cette édition », ajoute-t-il.
Dans chaque ville, pas moins de 600 candidats sont venus tenter leur chance. « Pour Casablanca et région, il y en avait plus de 1000 de tous horizons socioculturels. On a eu des étudiants, des chômeurs, des instits, des infirmiers et même des cadres bancaires », souligne un membre du jury. Mais que révèle vraiment l’engouement des jeunes pour cette émission ? Une crise des valeurs, rétorquent les plus conserv teurs. « Celles de l’école et du savoir comme moyen d’ascension sociale », déplore un sociologue. Tout porte à le croire. « Les star’Ac française, libanaise et autres compétitions du genre font rêver des milliers de jeunes qui croient que prendre cette voie-là leur permet d’accéder à la célébrité et de jouir d’un star system à la Marocaine, même éphémère », note pour sa part Khalil Jamal, sociologue. Il est en effet étonnant de constater l’euphorie et l’enthousiasme des jeunes pour ces castings alors qu’ils sont en période d’examen de fin d’année. « Pour ces candidats, lorsque l’ascenseur de l’école est en panne, l’escalier s’appelle…Studio 2M », ironise Mounir Lahmadi, professeur d’université.
éphémère célébrité
L’attrait principal est clair : sortir de l’anonymat, obtenir une reconnaissance, devenir une “star” et gagner de l’argent. Pour les gens qui y passent, la télé est un moyen d’obtenir de la reconnaissance, de la notoriété, de sortir de la foule. Vu qu’actuellement, les jeunes n’ont plus confiance dans les modèles de réussite sociale obtenue grâce aux études ou encore par la ténacité au travail. La télé représente un ascenseur social beaucoup plus efficace et plus rapide pour eux. Elle se transforme alors en tremplin idéal. « D’autant que les lieux d’expression pour la créativité, largement étouffée par la famille et le modèle scolaire, sont quasi-inexistants », rappelle le sociologue Khalil Jamal. La télé-réalité serait-elle un ascenseur social ? Beaucoup de candidats et bien peu d’élus… Pour l’édition 2007 de “Studio 2M”, plus de 1000 candidats se sont présentés pour la seule Casablanca. L’ampleur de ce phénomène est significative. La télé-réalité s’est de fait imposée comme une des rares fenêtres d’expression de toute une jeunesse, plus de 60% de la population. Le petit écran fait miroiter le succès tant espéré, même éphémère, à de jeunes talents, dans la chanson et le foot, des domaines qui se vendent facilement, en fonction des codes dominants, souvent occidentaux.
La télé véhicule et crée des modèles d’identification. Témoin, la popularité de ses élus. Témoin aussi, les réactions passionnelles qui accompagnent ce phénomène : engouement à la limite de l’hystérie ou rejet non moins épidermique d’un fait perçu comme importé et qui peut potentiellement perturber le schéma sociétal classique. Selon le sociologue Jamal Khalil, rien de plus normal que cette ambivalence quand le fait est récent et qu’il touche à la production de modèles : « Il est trop tôt pour faire un véritable bilan. Mais on peut d’ores et déjà reconnaître que ce type d’émission donne la parole à ceux qui ne l’avaient jamais eue », nuance Khalil Jamal. Réserve de taille : ils sont cantonnés dans un créneau démagogique et commercial qui use et abuse d’un ressort de séduction sans valoriser ni la compétence ni le travail. 90% de part de marché en prime time pour “Studio 2M” : si le succès est incontestable pour la chaîne et ses téléspectateurs, ce n’est pas aussi vrai pour tous les candidats.
Alors que Joudia, Hatim et les autres accumulent les sollicitations, Aziz, gagnant de l’édition 2004, n’a pas eu la même veine. Son cas donne à réfléchir. Eté 2004, il remporte la finale de “Studio 2M”. Pour ce, il avait quitté l’Italie et son travail. Il était pourtant le soutien financier de sa famille. Un an plus tard, Aziz travaille comme videur dans l’un des restaurants branchés de la capitale économique. « Ce n’est pas la faute à 2M. Elle a honoré ses engagements qui consistaient en la production d’un clip. Pour le cas de Aziz, elle en a produit 3. Aziz a été victime du phénomène du star system qui est éphémère. Pourtant, je lui avais conseillé de ne pas céder aux sirènes de cette popularité éphémère et de garder son emploi, le temps de se faire un nom », déplore Hadj Younès. On est encore loin du succès que connaissent les Jennifer et autres Nolween Leroy (gagnantes de la Star’Ac française).
Fédoua Tounassi
Polémique amazigh
Lors de son passage à Agadir, la caravane Studio 2M a suscité une vive polémique. Tout a commencé quand un candidat a voulu interpréter une chanson en tamazight. Chose à laquelle s’est opposé le jury, arguant qu’ils ne pouvaient juger ce genre musical. Hadj Younès, membre du jury principal mis en cause dans cette affaire, se défend en affirmant qu’il est inapte et incompétent à juger de la valeur des chansons en tamazight. « La musique amazigh utilise 5 notes, c’est trop complexe », estime-t-il. « Je ne suis pas raciste, je suis fier de cette musique, reconnaîs et accepte toutes les composantes du patrimoine de mon pays. Mais la musique amazigh n’entre pas dans notre grille de sélection. Il y a un jeune qui a voulu chanter el aÏta, j’ai refusé. Non pas parce que je n’apprécie pas ce genre musical mais il n’rentre pas non plus dans notre grille », ajoute-t-il.
« Il se défend d’être raciste et dit que cette musique est riche et complexe. C’est justement une autre raison de la mettre en avant », s’insurge un militant amazigh. « D’autant que la compétition a été ouverte cette année aux candidats arabes et africains résidents au Maroc. On ne comprend pas pourquoi les amazighs seraient éjectés ». Pour le moment, la polémique bat son plein et les pétitions appelant à boycotter 2M, traitée de « raciste », circulent sur le Net.
Le Journal Hebdo
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