
Après avoir changé sa position sur la question du Sahara, la France a adopté la carte complète du Maroc et de ses provinces du Sud. C’est du moins ce que semble montrer la télévision française.
« Provocation ». Le terme est revenu en boucle lors de la séance plénière tenue le 5 novembre au Parlement. Pourtant, des parlementaires ont, comme d’habitude, brillé par leur absence. D’autres ont quitté l’hémicycle avant la levée de la séance et ils sont nombreux.
Toujours est-il que le Premier ministre, Abbas El Fassi, et les présidents des groupes parlementaires se sont succédé au perchoir pour « réprouver » la visite du Roi d’Espagne, Juan Carlos à Sebta et Mellilia. Le monarque espagnol a d’ailleurs modifié son planning en « quittant Sebta, vers 16 heures, pour passer la nuit à Malaga ». En revanche, son voyage à Mellilia a été maintenu hier mardi comme prévu.
Ce petit ajustement du programme n’a pas été sans doute provoqué par la plénière tenue, au moment même, par le Parlement Marocain. Tout porte à croire que c’est plutôt des considérations sécuritaires qui ont prévalu. La déclaration du ministre de l’Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, intervenu le jour même, a plus ou moins l’air d’un aveu. Il parle de « présence croissante d’Al Qaïda » au Maghreb. Et la considère comme une « menace réelle » pour les intérêts espagnols surtout après le récent jugement des attentats du 11 mars 2004 à Madrid. En plus, Al Qaïda n’hésite pas à désigner les deux enclaves comme « territoires occupés ». Près de 5.000 agents espagnols ont été appelés aux renforts. Dans la même foulée, le ministère espagnol des Affaires étrangères déclare « soutenir le projet d’Union méditerranéenne » et évoque L’imminence d’un « Barcelone plus ». Malgré toutes ces « bonnes intentions », Rabat n’en démord pas.
La « provocation » est surtout symbolisée par le choix des dates. Le 6 novembre coïncide avec la commémoration de la Marche verte. La visite du roi d’Espagne renferme un message implicite. « Le Sahara est une chose, Sebta et Mellilia en sont une autre » : a priori, pas de négociation sur ce sujet. Il l’a souligné indirectement lors de son discours du 5 novembre à Sebta. « J’ai un engagement à honorer » à l’égard de cette ville. Un engagement… politique évidemment.
Une chose est sûre, la visite de Juan Carlos a « au moins permis de ressortir le dossier de Sebta-Mellilia du fond des tiroirs », soulignent certains observateurs. Un point de vue auquel la Primature ne semble pas adhérer.
Le chef du gouvernement, Abbas El Fassi, a d’ailleurs signalé, lors de son allocution, que « le Maroc a toujours revendiqué la marocanité des deux villes ». En plus, cette question n’a jamais été évacuée malgrès « les conventions signées avec le voisin espagnol et l’UE », souligne-t-il.
Le protocole de Barcelone, conclu en 2003, est le dernier exemple en date. Reste un petit hic ! C’est que toutes ces revendications sont restées circonstancielles. Le dossier de Sebta-Mellilia n’a pas été pris à bras le corps comme celui du Sahara, du moins en termes de pragmatisme. L’une des rares initiatives émane de feu Hassan II en 1987. Il a proposé à l’Espagne de « constituer une cellule de réflexion » pour apurer le dossier. Entre-temps, les Espagnols ont fait la sourde oreille. Quant aux Marocains, ils ont continué à revendiquer...
L’assemblée plénière du Parlement esquisse un petit revirement. Les présidents des groupes parlementaires ont pour la plupart évoqué un « re- paramétrage » des relations bilatérales avec l’Espagne, mais pas de rupture. Des propositions ont été formulées ici et là. L’une des plus marquantes est celle de déclarer « le 5 novembre comme jour de Sebta et Mellilia ». D’autres demandent à créer un centre de recherche et de documentation dédié à cette « cause nationale ». Reste à savoir si ces « mesurettes » vont vraiment changer la donne.
Manif depuis lundi
Ambiance de mobilisation, pour cette matinée de lundi à Tétouan. Autobus, voitures et un important flot de passants s’attroupent sur la place Moulay El Mehdi. Tout ce beau monde a tenu à marquer sa désapprobation de la visite du monarque espagnol à Bab Sebta. Mellilia, seconde étape de la « tournée » de Juan Carlos, était prévue hier mardi 6 novembre. Après une première manifestation dimanche dernier devant le consulat espagnol, les Tétouanais sont revenus à la charge le lendemain pour une marche vers la frontière. Organisée par une plate-forme regroupant plusieurs partis politiques et le tissu associatif de la ville, la manifestation a pris le départ de place Moulay El Mehdi, juste sous les fenêtres du consul d’Espagne à Tétouan.
L’Economiste - Faiçal Faquihi
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