Eurostat, institution relevant de la Commission européenne chargée de produire et diffuser des statistiques communautaires, a dévoilé le nombre de Marocains ayant obtenu les permis de travail temporaire en 2023.
Ils ont frôlé la catastrophe et en sont encore tout retournés. Parce qu’ils n’en pouvaient plus de rester sans travail après des années de recherches, et que personne ne s’intéressait à leurs sit-in quotidiens de protestation depuis dix-huit mois, trente jeunes "diplômés chômeurs" avaient décidé de s’immoler par le feu, mercredi 25 septembre.
L’opération devait avoir lieu devant le Parlement, quarante-huit heures avant les élections législatives, pour "marquer les esprits".
Ils avaient lancé leur ultimatum un mois plus tôt, en leur nom et en celui de 152 camarades également chômeurs. Le matin, à l’expiration du délai qu’ils s’étaient fixé, alors qu’ils étaient tous en larmes, épouvantés à l’idée qu’il allait falloir passer à l’acte, le gouvernement s’est engagé, par écrit, à leur trouver un emploi d’ici à la fin de l’année. Abderrahamane Youssoufi, le premier ministre sortant, a reçu plusieurs d’entre eux en délégation, jeudi, à son domicile privé, pour le leur confirmer. En partie soulagés, mais prudents, car échaudés par de précédents faux espoirs, ces jeunes, âgés de 25 à 34 ans et licenciés de littérature, linguistique, physique-chimie, sciences économiques... ne désarment pas. Plutôt que de se séparer et de regagner leurs villes d’origine – ils viennent des quatre coins du royaume –, ils ont décidé de maintenir la pression en restant dans l’appartement qui leur a été prêté par un tout nouveau parti politique, le Parti marocain libéral, et qu’ils occupent depuis février 2001. Dans ce local d’environ 200 m2, ils vivent à 182, 117 hommes et 65 femmes.
UN CAMPEMENT AHURISSANT
Au troisième étage d’un immeuble plutôt bourgeois, on découvre un campement ahurissant. Hommes et femmes se sont réparti les pièces, disposant par terre des couvertures, des duvets, des cartons et des journaux. La nuit, dans une chaleur étouffante, ils dorment en rangs d’oignons, couchés à même le sol, au milieu des cafards. Sur les murs, ils ont planté des clous où accrocher leurs vêtements. Ils disposent d’une seule salle de bains et d’un seul WC. Ils s’y succèdent à partir de 6 heures, suivant un ordre déterminé. Même chose pour le ménage et les repas. Car ils se sont imposé une discipline rigoureuse pour ne pas craquer, et cet effort les rend encore plus pathétiques. Ils vivent avec 5 dirhams (0,50 € ) par jour et par personne depuis un an et demi, se nourrissant de lentilles et de pois chiches.
Seraient-ils passés à l’acte, s’ils n’avaient pas obtenu satisfaction ? "Sans aucun doute !", répondent-ils. Dehors, une centaine d’autres "diplômés chômeurs"poursuivent leur sit-in. Jusqu’où iront-ils, poussés par un désespoir identique à celui qui fait partir, chaque semaine, des dizaines d’entre eux sur des "pateras", ces barques chargées d’émigrés clandestins, pour des allers sans retour vers les côtes espagnoles ?
Fl. B pour Le Monde
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