Les revenus issus du tournage de films étrangers au Maroc ont connu une forte augmentation.
Sam Touzani remonte sur les planches jusqu’au 19 mars. L’occasion d’une rencontre avec un Bruxellois venu d’ailleurs et qui se revendique zinneke.
A la veille de présenter son nouveau spectacle, Sam Touzani a choisi de nous recevoir, non pas chez lui, mais dans une boulangerie de la rue de Flandre. Un endroit qu’il connaît bien.
Pourquoi avoir choisi cette boulangerie pour l’entretien ?
Tout simplement parce mon père travaillait de nuit dans une usine de farine et venait livrer ici. Du coup, nous sommes partis habiter ici, rue de Flandre, où j’ai vécu dix ans. C’est donc le quartier de mon enfance. Mes parents ont débarqué à Bruxelles en 1967. En fait, je suis un vrai zinneke : je suis né à Saint-Pierre il y a trente-cinq ans et j’ai vécu ici.
En quoi votre parcours professionnel est-il lié à ces années passées dans ce quartier ?
Mon parcours a surtout été déterminé par l’éducation et ensuite par mes lectures. J’ai un géniteur et une mère adorable qui m’ont enseigné des valeurs essentielles. Après ça, il faut se former. Là j’ai eu la chance d’avoir un père intellectuel : Mohamed El Barouidi, un vieil opposant au régime politique marocain qui vit en Belgique. Il m’a donné une conscience politique. Et c’est ici qu’on l’a rencontré. En fait, j’ai l’avantage, comme tous ces immigrés, d’avoir en moi mille et une cultures. C’était pour moi une richesse de venir dans cette boulangerie, flamande, et d’acheter du pain français ; d’aller chez l’épicier marocain du coin acheter des amandes ; d’avoir chez moi une décoration traditionnelle avec un frigo et une télévision. Je suis résolument convaincu que les mélanges, c’est l’avenir, qu’ils soient de sangs ou de cultures.
Vous travaillez dans l’associatif, à Molenbeek, avec Ben Hamidou. Les jeunes de ces quartiers considèrent-ils vraiment que c’est un atout d’être d’origine étrangère ?
C’est clair : le délit de faciès existe aussi. Aujourd’hui, tu as beau être bruxellois et diplômé à l’ULB, ce sera toujours plus difficile de trouver du travail si tu t’appelles Mohamed. A la Stib peut-être. Pourquoi plein de Bruxellois d’origine marocaine ouvrent-ils des commerces ? Il y a aussi la représentation, l’image que l’on a de soi-même. Et là, c’est vrai, quand on voit ces quartiers où il a fallu trente ans pour que l’on mette de l’éclairage, ce n’est pas glorieux. D’autant que beaucoup d’entre eux se retrouvent dans des écoles ghettos. Et puis, comment rencontrer Nathalie qui habite deux rues plus loin que toi et sur qui tu as flashé ? C’est alors aussi parfois plus facile de rentrer dans une mosquée qu’en boîte. Maintenant, soyons clairs : je ne parle qu’en mon nom et je refuse la victimisation. Il faut prendre son destin en mains. Nos parents sont venus ici pour un avenir meilleur. En 40 ans, nous sommes passés du stade de l’immigration à celui de la citoyenneté. Avec 175 ans d’existence, la Belgique est un pays jeune. L’avenir nous appartient.
N’y a-t-il pas un risque d’être amené à devoir représenter la communauté maghrébine et d’être son porte-voix ?
Bien sûr. Avec les années, et malgré moi, je suis devenu, avec mes thématiques, une sorte de référent. Mais je ne permettrai jamais de représenter qui que soit. Mon inquiétude, c’est d’être utilisé. Tout le monde s’empresse d’avoir son petit Black de service, son petit Juif de service, son petit Flamand de service... et sa petite merguez de service. C’est pour ça que, bien que de gauche, je ne prendrai jamais de carte de parti. Dans mes débuts au cinéma, c’est le rôle que l’on a voulu me faire jouer. Ce qui m’intéresse, ce sont les thématiques. Nietzsche disait : « Il faut devenir ce que l’on est ». Moi je suis un zinneke.
N’avez-vous pas parfois envie que l’on vous considère comme un humoriste tout simplement.
Mon métier je le fais comme je pose un acte politique. Roland Mahauden, qui est directeur du Poche m’a dit : « Au théâtre, on n’est pas là pour dire aux gens comment ils doivent penser, on est juste là pour leur rappeler qu’il faut penser ». Je suis entièrement d’accord avec ça.
Pourquoi avoir choisi de faire rire ?
Je n’ai pas choisi. Quand j’ai débarqué à l’Insas, j’étais fan de Gérard Philipe et de Camus. En fait, au départ, le théâtre, c’était pour draguer
Fabrice Voogt - Regions.be
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