Le Conseil National de la Presse (CNP) a fermement condamné ce qu’il qualifie d’« acte criminel odieux » du journal français Charlie Hebdo, l’accusant de s’attaquer directement au Roi Mohammed VI.
Dans le chapitre “Maroc” de son rapport 2007 rendu public le 1er février, Reporters sans frontières ne tourne pas autour du pot. Malgré le recul de certains tabous, “censures, harcèlement et poursuites judiciaires ont mis à mal la presse indépendante”, dénonce l’association.
Le Rapport :
Les espoirs nés de l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI, en 1999, se sont progressivement évanouis. Les journalistes marocains sont aujourd’hui confrontés à des poursuites judiciaires qui ont des conséquences très graves sur l’exercice de leur profession, même si les tabous ont progressivement reculé ces dernières années.
L’avenir du Sahara est de plus en plus souvent abordé. La montée de l’islamisme mais aussi les violations des droits de l’homme commises pendant les années de plomb font régulièrement la une de la presse, grâce aux auditions publiques de la commission Equité et Réconciliation, mise en place en avril 2004. Enfin, le roi et le rôle du Palais dans la gestion du pays font l’objet d’enquêtes par les journalistes les plus téméraires. Celles-ci constituent toutefois la principale raison des condamnations de journalistes. Le code de la presse marocain contient près d’une vingtaine d’articles prévoyant des peines privatives de liberté. Les journalistes sont soumis à des condamnations disproportionnées - entraînant souvent des dommages et intérêts très lourds fixés par la cour - dès qu’il s’agit d’atteintes à la personne du roi et au régime monarchique, à la patrie, à l’intégrité territoriale ou encore à Dieu et à la religion islamique.
Hormis la libération, le 29 janvier 2006, du journaliste Anas Tadili, directeur de l’hebdomadaire Akhbar al-Ousbouaâ, après vingt-deux mois passés en détention, l’année s’est révélée désastreuse pour les professionnels des médias. Elle s’est soldée par la suspension, le 21 décembre, de l’hebdomadaire arabophone Nichane pour "atteinte à l’islam". Censures, harcèlements et poursuites judiciaires ont mis à mal la presse indépendante tout au long de l’année. Des journalistes étrangers, connus pour leur couverture de la situation des droits de l’homme, se sont par ailleurs vu refuser, le 24 octobre, l’entrée sur le territoire du Sahara sous contrôle marocain.
Deux publications marocaines en langue française ont été particulièrement visées. La cour d’appel de Casablanca a condamné, le 7 février, l’hebdomadaire TelQuel à verser 500 000 dirhams (50 000 euros) de dommages et intérêts à la directrice d’une association qui l’avait poursuivi en diffamation. Quelques jours plus tard, Aboubakr Jamai, directeur de publication du Journal Hebdomadaire, et le journaliste Fahd Iraqi ont été condamnés à payer une amende de trois millions cent mille dirhams (284 000 euros) pour "diffamation". La plainte ayant conduit à cette condamnation avait été déposée par le Centre européen de recherche, d’analyse et de conseil en matière stratégique (ESISC) suite à la publication, par le Journal Hebdomadaire, d’un dossier mettant en cause l’objectivité d’une étude critique effectuée par cet institut sur le Polisario, un mouvement sécessionniste du Sahara. Deux jours avant le rendu du verdict dans cette affaire, des manifestations hostiles, vraisemblablement orchestrées par les autorités, ont eu lieu devant les locaux du journal accusé d’avoir repris une des caricatures du prophète Mahomet, publiées dans le quotidien danois Jyllands-Posten, en septembre 2005.
Enfin, les forces de l’ordre marocaines ont interdit à plusieurs reprises à des journalistes de couvrir des manifestations ou des procès. Jamal Ouahbi, de l’hebdomadaire Assahifa Al Maghribiya, par exemple, a été appréhendé, le 7 novembre, par la police judiciaire de Tétouan (300 km au nord de Rabat) pour avoir pris en photo trois détenus, présumés terroristes, sortant du tribunal de première instance de la ville. Il a été questionné tour à tour par le procureur du roi et des membres de différents services de sécurité de l’Etat. Son appareil photo a été confisqué. Le correspondant de la chaîne satellitaire Al-Jazira, Hassan Fatih, a été agressé par les forces de l’ordre alors qu’il couvrait un sit-in de familles de prisonniers politiques le 15 juin à Rabat. Blessé au cou et à l’épaule, il a dû être transporté à l’hôpital.
Le Maroc bloque l’accès aux sites proches du mouvement indépendantiste sahraoui Front Polisario, ainsi qu’à la publication en ligne du mouvement islamiste "Justice et Bienfaisance", qui remet en cause la légitimité du régime monarchique.
Reporters sans frontières
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