Déjà condamné et incarcéré dans le cadre d’une affaire de droit commun, le directeur de l’hebdomadaire Akhbar al-Ousbouaâ purge aujourd’hui ses peines à la maison centrale de Kénitra (au nord de Rabat). D’après sa famille et son avocat, il est détenu dans le quartier des condamnés à mort.
« Notre dénonçons fermement le recours à des peines d’emprisonnement dans des affaires de diffamation et demandons aux autorités marocaines une réforme du code pénal afin de supprimer les peines de prison pour des délits de presse », a déclaré Reporters sans frontières. « Nous rappelons que les Nations unies ont demandé "à tous les gouvernements de veiller à ce que les délits de presse ne soient plus passibles de peines d’emprisonnement, sauf pour des délits tels que les commentaires racistes ou discriminatoires ou les appels à la violence".
D’autres sanctions existent, plus respectueuses de la liberté de la presse, comme le versement d’une amende au montant raisonnable et/ou de réparations à tout individu estimant avoir été diffamé. Dans le cas d’Anas Tadili, une peine aussi lourde et l’incarcération dans une prison de haute sécurité nous paraissent totalement disproportionnées par rapport à l’offense commise. »
Anas Tadili est poursuivi pour avoir affirmé, le 9 avril, où il affirmait qu’un ministre marocain en exercice - dont le nom n’était pas cité mais qui était clairement identifiable dans le contexte de l’article - avait été surpris par la police alors qu’il entretenait des rapports homosexuels dans une station balnéaire au nord du Maroc.
« Même si au regard de la culture musulmane, traiter quelqu’un d’homosexuel est très grave, rien ne saurait justifier un an de prison ferme pour une telle injure.
Je crois que ce qui a compté devant la cour c’est que M. Oualalou est ministre en fonction et a été professeur au Collège royal », a déclaré par téléphone Maître Ziane, l’avocat d’Anas Tadili, à Reporters sans frontières.
Quelques jours après la publication de cet article intitulé « Homosexualité et classe politique au Maroc », Anas Tadili, avait été incarcéré, le 15 avril, officiellement pour une affaire de droit commun vieille de dix ans. Compte tenu de l’impossibilité du journaliste de s’acquitter immédiatement d’une amende de 3 millions de dirhams (environ 270 000 euros), une mesure de contrainte par corps avait été prononcée.
Visé à mots couverts, le ministre de l’Economie, des Finances et de la Privatisation, Fathallah Oualalou, a demandé au Premier ministre, Driss Jettou, de porter plainte en son nom pour dénonciation calomnieuse. Le Premier ministre est habilité à engager des poursuites lorsqu’il s’agit d’atteinte à l’honneur d’un membre du gouvernement.
Le 1er juin, Anas Tadili avait été condamné à six mois de prison. Une dizaine d’autres plaintes ont été déposées contre le journaliste et sont en cours d’instruction.