À l’approche du mois de Ramadan, des voix s’élèvent pour réclamer une formation religieuse adaptée aux Marocains résidant à l’étranger, notamment en France.
C’est toujours la même polémique à chaque début de Ramadan, et ceci dure depuis des décennies. Quand démarre-t-il exactement ? Le croissant de lune est-il apparu ? Doit-on donner priorité à des témoignages visuels ou se fier uniquement à des calculs scientifiques ? Ou les deux ?
Autant de questions qui dérangent, et qui jettent un malaise au sein de la communauté musulmane. Un malaise significatif, car l’objet de cette discorde est tout à fait symptomatique de l’état de la Oumma actuelle.
Bruno Etienne, islamologue et professeur à l’IEP d’Aix-en-Provence, aurait-il raison lorsqu’il déclare « si, même sur un point aussi essentiel, les musulmans n’arrivent pas à se mettre d’accord, alors c’est le début de la fin ». Triste constat, mais terriblement vrai. Et ce constat atteint son paroxysme chez les musulmans d’Europe ou d’Amérique, qui, en fonction de leurs « préférences ou tendances politiques », se retrouvent à jeûner en décalage avec d’autres membres de la communauté bien qu’étant dans le même pays.
Théoriquement, le commandement coranique est clair : « Que celui d’entre vous qui observe la nouvelle lune, qu’il débute son jeûne », dit le Livre saint. Du moins cela concerne les pays où l’Islam est la religion d’Etat, car ceux-ci disposent d’un ministère du culte, et il revient au comité de théologiens et de savants de déterminer, après consultation, le début du jeûne. Pour l’Islam de la diaspora, les communautés musulmanes, vivant dans un même pays, peuvent choisir des dates différentes.
Pour d’autres pays, telle l’Egypte, les théologiens se basent sur des calculs astronomiques et l’observation de la lune, mais les calculs prévalent. « Si certains voient la lune, et que cette information n’est pas corroborée par le calcul, le Ramadan ne peut débuter », souligne Haddach Rachid, imam et théologien au Centre culturel islamique de Belgique. L’Arabie saoudite, comme le Maroc, s’appuie exclusivement sur l’observation de la lune sur son territoire. Raison invoquée : les hommes seraient plus fiables car les calculs nécessitent des instruments qui pourraient faire défaut.
Mais ce n’est que récemment que des astronomes et des informaticiens réputés ont réussi, en conjuguant leurs efforts, à établir des procédures permettant de prédire à l’avance, chaque mois, dans quelles régions du globe les conditions optimales seront réunies pour observer la nouvelle lune. Ainsi, en 1984, un physicien de Malaisie, Mohamed Ilyas, a pu tracer au niveau du globe terrestre une ligne de démarcation, ou ligne de date lunaire, à l’ouest de laquelle le croissant est visible le soir du nouveau mois, alors qu’il ne peut être vu à l’est de cette ligne que le soir suivant.
Paradoxalement, alors que des nations musulmanes à la pointe de la technologie, telle la Malaisie ou l’Indonésie, ont établi avec précision un calendrier prévisionnel déterminant la date de début de jeûne pour telle ou telle partie du globe, d’autres pays musulmans ne l’entendent pas de cette oreille. Cela donne lieu à des situations plutôt cocasses, où l’astronomie et la science sont vite rattrapées par la politique. Ainsi, les musulmans de la côte-est des Etats-Unis, parce qu’ils suivent le calendrier d’Arabie saoudite, se retrouvent à jeûner avant leurs coreligionnaires du Maroc, alors qu’en toute logique scientifique, ils devraient le faire après !
Source : L’Economiste - F. A. A.
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