Suite à la directive de Bank Al-Maghrib (BAM) publiée le 25 septembre 2024, qui plafonne désormais le taux d’interchange domestique à 0,65%, le Centre monétique interbancaire (CMI) a été contraint de s’aligner.
Après les produits bancaires islamiques halal, ou « alternatifs » selon la terminologie officielle, aura-t-on un jour sur le marché des produits d’assurance estampillés conformes à la charia ? Takaful Re, compagnie émiratie de réassurance implantée à Dubaï et créée en 2004, est aujourd’hui en prospection au Maroc.
Cet assureur compte développer ce concept en partenariat avec Sigma Assurances, un cabinet de courtage casablancais. Présent au Maroc, pour une durée de quarante-huit heures, Chakib Abouzaid, PDG de Takaful Re, a eu des contacts les 27 et 28 mars avec les responsables des différentes compagnies d’assurance de la place en vue de présenter son projet, de les y sensibiliser et enfin d’étudier les possibilités d’introduire ce concept sur le marché marocain.
Plus d’une centaine de compagnies offrent ces produits dans le monde
L’introduction ne sera certainement pas facile, et, de cela, les deux partenaires, Takaful Re et Sigma Assurances, sont conscients. Un grand travail de sensibilisation est jugé nécessaire. D’ailleurs, Sigma Assurances entend organiser des séminaires et actions ponctuelles de communication ciblant le grand public. Les deux entités entendent sceller leur partenariat par la mise en place d’un accord-cadre qui déterminera tous les termes de collaboration. « Nous avons un partenaire doté d’une grande expérience et qui connaît bien le marché. Ce qui nous permettra de cerner le marché marocain afin de développer des produits adaptés à la demande », a déclaré M. Abouzaid à La Vie éco. De son côté, Brahim Âakaf, responsable de Sigma Assurances, estime que « le marché marocain présente d’intéressantes potentialités de développement pour ce type de produits d’assurance ». Quelle est justement la logique du concept de « takaful » ? Et de quoi s’agit-il concrètement ?
« Takaful » sous-entend une entraide entre personnes. Ce concept est donc basé, comme dans l’assurance classique, sur le principe de la solidarité. Sauf que, selon Chakib Abouzaid, « l’assurance dans sa forme conventionnelle n’est pas acceptée d’un point de vue religieux. Ce qui a poussé les initiateurs du takaful de l’adapter à la charia ». C’est donc, à l’instar de l’expérience bancaire, une alternative pour contourner les éléments rendant l’assurance, précise-t-on à Takaful Re, illicite au regard de certains critères comme l’incertitude (gharar), l’intérêt fixe (riba) et la spéculation (maïssir).
Pour une adaptation de cette assurance à la charia, les compagnies qui ont déjà développé ce produit (elles sont 133 à travers le monde) ont opté pour des critères distincts : soumettre l’ensemble des opérations à la supervision d’un conseil religieux composé de trois personnes, s’engager à reverser le surplus (le profit technique aux assurés) et effectuer tous les placements conformément à la charia. L’on remarquera que le hasard et l’incertitude, postulats de base de l’assurance, restent présents. C’est dans le placement des ressources et l’affectation des gains que la connotation religieuse est en fait perceptible.
Le concept d’assurance islamique peut être décliné en plusieurs offres : le « takaful » général (assurance dommage, accident, maritime et responsabilité civile), « takaful » familial (produit d’épargne de longue durée) et enfin « takaful » médical (assurance-vie groupe et individuelle).
Ces produits sont distribués dans plusieurs pays. Les compagnies d’assurance Takaful ont totalisé un chiffre d’affaires de 5,6 milliards de dollars (44 milliards de DH) en 2006, contre 4,4 milliards en 2005 (34 milliards de DH). La première compagnie a été créée en 1979 au Soudan, mais c’est dans les pays du Golfe que l’on compte le plus de compagnies Takaful. Il y en a 39 contre 21 dans les pays d’Afrique (Egypte, Mauritanie, Sénégal ou encore Soudan). Les pays occidentaux sont en train de suivre la tendance. Une compagnie Takaful verra le jour le 24 avril en Grande-Bretagne.
Selon le responsable de Takaful Re, il existe un grand potentiel pour ce type de produit. Ce potentiel est entretenu par le boom de la finance islamique, l’augmentation des prix du pétrole qui dégage d’importants surplus, créant des opportunités de placement au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Asie du Sud-Est, l’émergence d’une classe moyenne adoptant des modes de consommation nouveaux conformes à ses convictions religieuses, et la faible pénétration de l’assurance qui suggère l’existence d’une demande non satisfaite.
A la direction des assurances et de la prévoyance sociale (DAPS, ministère des finances), on estime qu’il n’y a pas encore de besoin exprimé pour ces produits qui ne sont d’ailleurs pas autorisés. En outre, même pour l’assurance classique, il n’est pas possible pour une compagnie étrangère d’offrir ses produits sur la place, sauf si elle crée une filiale (une compagnie en bonne et due forme) pour laquelle la demande d’agrément se fait selon la procédure habituelle. En revanche, pour ce qui est de la réassurance, les compagnies locales ont la possibilité de se faire couvrir à l’étranger par un partenaire de leur choix. Il reste que pour Takaful Re, il faudra d’abord vendre des produits de même nature avant d’envisager une telle éventualité. A l’instar des produits bancaires, la vente de produits d’assurance islamique dépendra tout bonnement de la volonté des pouvoirs publics.
Source : La vie éco - Aziza Belouas
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