De nombreux artistes marocains dénoncent l’avidité des organisateurs de festivals à s’accaparer du cachet du chanteur en échange de l’inscription de son nom à l’un des évènements d’été. Ils appellent le ministère de la Culture à intervenir.
C’est l’histoire d’un type avec une passoire sur la tête qui assomme sa comparse avec sa machette pour lui voler sa peau de bête. Déjà vécu ça ? Vu ça quelque part ? Ce gag de Neandertal, toujours drôle, illustre le spectacle Origine, chorégraphié pour quatre danseurs et trois musiciens par Sidi Larbi Cherkaoui, à l’affiche du Théâtre des Abbesses à Paris.
L’écorché vif belgo-marocain, l’humaniste obsédé par la souffrance aurait-il envie de virer sa cuti ? Sans doute. On attendait une saga originelle centrée sur l’énergie féminine, comme l’annonçait le programme. On se retrouve devant une pièce en fausse fourrure, insaisissable et dépareillée, entre humour potache et tourment existentiel menottes au poing.
Un exemple, très symptomatique, d’une invention gestuelle épatante, pointe l’ambiguïté du propos. Une danseuse métamorphose son homme en objet. Selon ses besoins, il se transforme à vue en cendrier et cigarette, planche et fer à repasser et, pour finir, en paillasson. La femme à tout faire se venge et endosse le rôle du macho qu’elle connaît par coeur depuis la nuit des temps.
Transparence Musicale
Cette séquence, impeccablement sculptée (par l’excellent interprète Japonais Kazutomi Kozuki), fait sourire, mais crispe le rapport homme-femme dans de vieux moules. De la grotte à l’appartement, suffit-il de renverser l’histoire des sexes pour traiter de l’origine du monde ? Même si l’évolution sociale patine, l’art ne doit-il pas prendre la tangente pour inventer de nouveaux contrats amoureux ?
Origine puise sa force et son sens dans la voix féminine, celle des deux chanteuses, superbes, qui contrebalancent le désordre ambiant par leur beauté et leur transparence musicale. Fadia Tomb El-Hage et Miriam Andersen interprètent des chants anciens du XIIe et du XIIIe siècle, espagnols, byzantins, latins, dont deux de la bénédictine mystique Hildegarde von Bingen (1098-1179). Elles se dressent telles des vigies intouchables. Aussi proches soient-elles des danseurs, elles ne peuvent rien changer à leur combat, tout juste leur servir de béquilles, leur ouvrir un sas d’apaisement dans un quotidien électrique. La musique et le chant n’adoucissent pas la fureur du monde, mais aident parfois à lui survivre.
Source : Le Monde - Rosita Boisseau
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