« Dans la génération de mon père, il n’y avait pas de différence entre un Tunisien, un Algérien et un Marocain. Ils faisaient partie d’une même union estudiantine en Afrique du Nord et étaient présents partout, que ce soit au Machrek arabe ou en Europe. Ils formaient un seul peuple et un seul mouvement politique », s’est souvenu Moncef Marzouki, invité de la chaîne Al Magharibia. Cette époque est révolue. « Aujourd’hui, je crains que les nouvelles générations ne deviennent ennemies les unes des autres. Ce que je vois sur les réseaux sociaux entre Algériens et Marocains est inimaginable. Nous avons atteint des niveaux effrayants de conflit et d’animosité », a déploré l’ancien président tunisien.
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Marzouki ne perd pas pour autant tout espoir en la jeunesse maghrébine. Il l’a appelée à ne pas renoncer l’idéal d’une union maghrébine et à continuer de défendre les principes des « cinq libertés » comprenant la liberté de circulation, de travail, de propriété, de résidence et de participation aux élections locales, qu’il avait proposés lorsqu’il était président de la Tunisie, pour relancer l’intégration régionale. « La région a un besoin urgent de cette union et que la division entre les pays maghrébins est inacceptable, compte tenu de la grande ressemblance entre leurs peuples », a-t-il affirmé, relevant que la situation actuelle, marquée par une augmentation des divisions et des tensions, ne reflète pas le potentiel d’unité qui pourrait être réalisé dans un avenir proche.
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Le projet des « cinq libertés » aurait permis d’instaurer un début de coopération concrète entre les citoyens maghrébins, en attendant un éventuel règlement des différents politiques, a estimé l’ancien président tunisien. Mais l’Algérie s’est opposée à cette initiative, ce qui a empêché sa réalisation. En conséquence, « la situation dans la région se détériore de jour en jour », a-t-il déploré, notant que 50 ans de problèmes non résolus signifient que les chances de trouver une solution s’amenuisent. Marzouki regrette la paralysie de l’Union du Maghreb (UMA) provoquée par des tensions historiques et des divergences politiques alors que d’autres ensembles régionaux du monde comme l’Asie ou l’Europe ont su bâtir des coopérations solides.
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Marzouki a en outre rappelé que lorsqu’il était à la tête de la Tunisie, l’orientation générale de son pays était de ne pas s’ingérer dans le conflit entre l’Algérie et le Maroc, mais plutôt de chercher à rapprocher les points de vue entre les deux nations sœurs. Cette politique faisait partie de la position de l’État tunisien, avant l’arrivée au pouvoir de l’actuel président, Kaïs Saïed qu’il accuse d’avoir rompu avec la tradition diplomatique tunisienne.