La mosquée de Guingamp, dans les Côtes-d’Armor, a été ciblée dans la nuit du jeudi 7 au vendredi 8 décembre 2023 par des tags islamophobes. Une première en 40 ans.
On les croyait d’une ère révolue. Matés par les vastes rafles policières. Assagis par les lourdes sentences judiciaires à l’encontre des salafistes et autres intégristes de tout poil au lendemain des sanglants attentats du 16 mai 2003 de Casablanca.
Il faut croire que non. Ils se font tout simplement plus discrets, hantant sournoisement les ruelles des cités populaires de la métropole. Les prêcheurs de l’obscur ont ainsi fait du quartier Al Hank, juxtaposition déprimante d’immeubles en décrépitude et de gris bidonvilles au commencement de la Corniche, un de leurs lieux de prédilection.
Ces inquisiteurs « nouvelle génération », se voulant simples applicateurs de la chariâa, ont compris la leçon du passé. Pas question de se faire repérer par la police ou d’attirer l’attention de la population. Tenue afghane, sandales en cuir, mollets velus, barbe longue, regard menaçant et verbe moralisateur à l’égard de ceux qui osent s’écarter du « droit chemin », ils opèrent généralement par groupes de trois. Le premier fait office d’éclaireur. Il repère les « brebis égarées » parmi la foule bigarrée et nombreuse qui arpente le boulevard partant de la mosquée Hassan II et les ruelles attenantes. Horaire d’action : les heures suivant la rupture du jeûne, après la prière du soir. Cibles privilégiées : les jeunes couples « illégitimes » (entendez non unis par les liens sacrés du mariage), les groupes mixtes d’adolescents, les jeunes filles non voilées ou indécemment habillées à leurs yeux. Ou encore les fumeurs de cannabis.
Une fois les « impies » localisés, le second acolyte, un gaillard suffisamment charpenté pour être intimidant, part les accoster, de préférence loin de la foule et des badauds. Sa mission : “prêcher le bien et dissuader du mal”, à grands renforts de versets coraniques et d’incantations divines. Au cas où les « mécréants » font de la résistance ou tentent de se défendre, le troisième compère, stationné non loin d’eux, intervient pour calmer les esprits. A son tour, il s’acharne à convaincre les jeunes concernés du bien-fondé de leur intervention mais d’un ton se voulant plus menaçant.
Près de dix ans plus tôt, à la fin des années 90, quelques supports de presse s’étaient fait l’écho d’agressions similaires de la population par des islamistes radicaux.
Pour ne citer que lui, le groupuscule extrémiste et violent Al Hijra Wa Takfir (Retranchement et Excommunication) de Youssef Fikri, surnommé « l’émir du sang », a ainsi perpétré une série d’agressions et de meurtres dans plusieurs villes du pays de 1998 à 2001. Parmi les victimes les plus célèbres de Youssef Fikri et de ses 30 acolytes nourris à l’idéologie wahabite et décidés à combattre les mœurs d’une société « décadente », son propre oncle, Abdelaziz Fikri (tué pour adultère à El Youssoufia), un certain Mohamed (assassiné pour ses penchants marxistes à Nador) et Abdelaziz Assadi, jeune notaire casablancais, égorgé car représentant une autorité publique.
Pris à l’époque par les autorités pour de vulgaires voyous de quartier et de bandits à la petite semaine, ces prêcheurs de la haine ont longtemps joué aux « rétablisseurs de l’ordre » sans s’en inquiéter outre-mesure. On connaît aujourd’hui le macabre résultat.
Maroc Hebdo - Mouna Izddine
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