L’exigence légale de la présentation d’une attestation fiscale avant toute transaction immobilière, entrée en vigueur le 1ᵉʳ juillet dernier au Maroc, fait des mécontents, aussi bien dans le rang des opérateurs économiques que des notaires.
Louer ou acheter ? Pour nombre de jeunes, notamment les cadres, mariés ou sur le point de l’être, la question se posait de moins en moins au cours des dernières années. En effet, l’abondance des offres immobilières de vente, notamment de standing, et la facilité d’accès au financement à travers des crédits bancaires à des taux de plus en plus bas, ont poussé les particuliers vers l’achat de logements.
En témoigne d’ailleurs la hausse dépassant les 20% des encours des crédits immobiliers sur la période 2003-2007. Aujourd’hui, le dilemme entre louer et acheter se pose avec plus d’acuité. Et pour cause, l’immobilier devient hors de prix, la hausse des prix au mètre carré ayant dissuadé de nombreux couples de franchir le pas. « Les prix de l’immobilier dans les grandes villes sont devenus tellement élevés que nombreux sont les Marocains qui se sont dirigés vers la location », explique William Simoncelli, DG de Carré Immobilier Maroc. Prenons l’exemple de Aziz S. et Samira G. Avec un revenu moyen mensuel de 27 000 DH à eux deux, et malgré une épargne de 300 000 DH, ils ne peuvent se permettre, dans le centre de Casablanca d’acquérir un appartement de moyen standing avec une superficie de 120 m2. Résultat, ils louent en attendant des jours meilleurs.
In fine, la flambée de l’immobilier observée depuis un peu plus d’un an a profité au locatif, impression confirmée par Adil Rahmoune, DG d’Immo Clair Service. « Le locatif n’a jamais été aussi florissant. Les raisons sont nombreuses. Il faut d’abord citer l’énorme effort qui a été effectué pour assainir les recours judiciaires, rendus possibles en référé pouvant aboutir à l’ouverture des lieux. S’ajoutent par la suite les prix en hausse de l’immobilier à l’acquisition, qui freinent les ardeurs de plus d’un ménage », souligne-t-il. Il reste qu’en l’absence d’études poussées, aucun chiffre, qui permettrait de juger plus scientifiquement de cette hausse du nombre de locataires, n’est disponible à l’heure actuelle. Les intermédiaires professionnels qui ont vu, eux, leur activité s’accroître, parlent d’un volume d’affaires en hausse de 10% par rapport à 2006.
550 000 logements loués sont des maisons traditionnelles
Fait intéressant à relever, aucun changement significatif n’a été enregistré sur les prix de location. Les professionnels, agents immobiliers, promoteurs et même locataires sont unanimes quant au fait que les loyers n’ont pas suivi la hausse vertigineuse des prix à la vente. Mais peut-être est-il encore trop tôt pour que l’action déclenche la réaction. En effet, le parc immobilier présenté en location est relativement important. Selon une étude menée par le ministère chargé de l’habitat et de l’urbanisme (voir encadré), la maison marocaine traditionnelle représente encore la majorité des locations effectuées dans notre pays (plus de
60%, soit 550 000 maisons louées), et les logements de standing, appartements en immeubles ou villas constituent près du cinquième de ce parc. « C’est le segment immobilier qui a été le plus touché par la hausse vertigineuse des prix », souligne Adil Aziz Berrada, directeur de l’agence immobilière Bonnet. « Il y a quelques années, la location des logements de standing concernait essentiellement des expatriés ou des cadres de grandes entreprises. Actuellement, un cadre moyen préfère prendre en location un bon logement puisqu’il n’a pas les moyens de l’acheter », souligne le DG de Carré Immobilier Maroc. Sur ce marché très animé, la location meublée gagne en importance. Studios, appartements et même villas meublés sont mis en location... L’offre est très variée. Il faut cependant débourser 30 à 40% de plus par rapport au prix d’un appartement non meublé. Prenons des exemples. Un studio meublé (c’est par ailleurs le produit le plus demandé en location meublée) se loue entre 3 000 à 6 000 DH suivant son standing, contre un loyer allant de 1500 à 3 000 DH pour le non meublé. Pour un appartement composé de deux chambres et d’un salon, la location meublée varie de 6 000 à 8 000 DH alors qu’il faut compter entre 2 000 et 3 000 DH par mois pour une location non meublée.
Mais c’est incontestablement l’immobilier professionnel qui profite le plus du boom du locatif. Les entreprises, en effet, louent beaucoup plus qu’elles n’acquièrent leurs locaux. D’une part, certaines activités (services notamment) ne nécessitent pas d’investir dans un patrimoine immobilier, d’autre part, là aussi, les prix de vente sont tout aussi élevés que ceux des logements. Résultat : les prix ont suivi. Sur ce segment, ils ont augmenté de 10 à 15 %. « Cette hausse est en grande partie due à une nouvelle redéfinition des offres qui répondent davantage aux besoins des entreprises », explique William Simoncelli.
Fiscalité désavantageuse pour les promoteurs qui se lancent dans le locatif
Il y a même un nouveau créneau qui offre un potentiel intéressant, celui de la promotion immobilière destinée au locatif immobilier professionnel. « De plus en plus de promoteurs immobiliers construisent des plateaux de bureaux dans des zones pourtant dédiées à l’habitation », observe Adil Rahmouni, DG d’Immo Clair Maroc. L’engouement des promoteurs pour le locatif reste cependant timide. La plupart de ceux qui construisent du résidentiel préfèrent vendre. Et pour cause, comme nous l’explique ce responsable de la Fédération nationale de la promotion immobilière (FNPI), « plusieurs dispositions régissant l’habitat locatif sont jugées particulièrement désavanageuses car tombées en désuétude, protégeant les locataires, contraignantes à l’égard des bailleurs, ce qui est source de nombreux litiges. Elles se révèlent souvent inefficaces tant pour prévenir les contentieux locatifs que pour aider le juge à prévenir les situations conflictuelles. De ce fait, elles ont pour effet d’engendrer la vacance locative et de désintéresser l’investisseur » .
Les incitations fiscales sont également jugées insuffisantes. A part une exonération de la taxe urbaine durant les trois premières années et un IS réduit de moitié pour la même période, aucune mesure d’encouragement n’est offerte aux professionnels du locatif. L’arsenal incitatif est, à cet égard, insignifiant si on le compare aux encouragements offerts aux promoteurs œuvrant dans le logement social, notamment le fameux article 19. Une injustice décriée à chaque occasion par les responsables de la FNPI. « Il y a lieu de revoir la fiscalité du locatif, qui est lourde et renchérit le coût de production. Des mesures incitatives sont à mettre en place en faveur de l’habitat locatif, notamment en faveur de la demande de logements locatifs, et des mesures incitatives agissant sur l’offre de logements locatifs », insiste-t-on auprès de cette association.
De cette situation est né un malaise qui perdure. Louer sa maison est toujours perçu par les propriétaires marocains comme un acte périlleux. La plupart préfèrent ainsi garder leurs logements vacants. En effet, le nombre de logements vacants initialement destinés à la location représentait sur la totalité du territoire près de 163 262 logements en 2000 sur un total de près de 492 000, ce qui représente un taux moyen global de 33%. Une situation qui se complique dans les grandes villes. A Casablanca, par exemple, seuls 29,5 % des 600 000 logements vacants sont à louer !
La vie éco - Fadoua Ghannam
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