...réputés être des destinations privilégiées de l’émigration marocaine et de l’amalgame qui s’est fait jour au lendemain des événements du 11 septembre 2001 et qui tend à confondre- sans discernement aucun- Islam et terrorisme.
C’est donc pour tenter de cerner ces problèmes et d’essayer de leur apporter ne serait-ce qu’un début de réponse que l’Association marocaine d’études et de recherches sur les migrations (AMERM) organise ces 25 et 26 avril, à la Faculté de droit de Rabat-Agdal, un colloque international sur le thème : « Migration et citoyenneté ». Interrogé sur les raisons et les objectifs de cette manifestation, Mohamed Khachani, président de l’AMERM, a précisé que « c’est le quatrième colloque dédié à l’émigration » et que « l’association opère un ciblage des thèmes de sorte que chaque rencontre soit consacrée à un problème donné ».
Ainsi, les trois premiers colloques ont ils pu traîter de « La femme et l’émigration », « L’émigration clandestine » et « L’exode des compétences ».
Le choix du thème, ajoute M. Khachani, a été dicté par le fait qu’« après les événements du 11 septembre 2001, on a constaté un changement, au niveau mondial, des attitudes et des comportements dans le sens d’une plus grande radicalisation à l’égard des émigrés, particulièrement arabes et musulmans ». Il y a aussi, estime-t-il, cette tendance à « transformer le projet migratoire de provisoire en définitif », mais également la montée des nouvelles générations qui revendiquent, de plus en plus fort, leur citoyenneté et-plus important encore- le Traité de Maastricht qui a instauré un « système de citoyenneté stratifié » qui consacre une ségrégation de fait entre sujet communautaire et extra-communautaire. Ainsi, par exemple, constate le président de l’AMERM, « un Marocain résidant en France n’a pas les mêmes droits qu’un ressortissant allemand qui vient à peine de s’y installer ». Sans parler, évidemment, de « l’exclusion des Marocains de l’étranger des dernières élections législatives ».
« Il est donc anormal que nous revendiquions la citoyenneté pour nos compatriotes résidant à l’étranger et que nous-mêmes n’honorions pas nos engagements à leur égard » et continuons à leur infliger une telle « frustration ».
Tout ceci, conclut M. Khachani, implique donc la nécessité d’un débat clair et de poser toute la problématique sous ses divers aspects, et c’est précisément la tâche à laquelle s’attelleront, deux jours durant, des universitaires, des chercheurs et des militants de la société civile venus de France, de Belgique, d’Espagne, d’Italie et d’Algérie afin, entre autres, de dégager un « tableau de bord assez complet » et d’avoir une meilleure visibilité.
Les organisateurs de ce colloque partent ainsi d’un constat simple, à savoir que « citoyen d’ici et de là-bas, les émigrés revendiquent le droit à l’égalité dans les deux espaces politiques, économiques et sociaux » dont ils sont issus ou qui les accueillent. Ainsi s’insurgent-ils contre ce stéréotype pour le moins dégradant qui les considère comme de « simples pourvoyeurs de devises » et réclament-ils, de plus en plus haut et fort, le droit de prendre part à la construction d’un Maroc démocratique et économiquement compétitif”, armés, pour ce faire, d’expertises et d’un savoir-faire indéniables.
Abdelkrim Belguendouz, l’un des intervenants lors de cette rencontre pose, quant à lui, la question de savoir « quelle représentativité institutionnelle (réserver) aux Marocains de l’étranger ? » et plaide ouvertement - en l’absence d’une telle représentativité, notamment au niveau du Parlement - pour la mise en place d’un « Conseil supérieur » des M.R.E. Il a également saisi l’occasion pour réclamer un débat public aussi large que possible sur « l’exclusion » de facto de centaines de milliers de Marocains de la vie publique de leur pays d’origine et de réparer « l’oubli » dont ils ont été victimes lors des législatives de septembre dernier.
Pour ce chercheur qui a fait de la migration son cheval de bataille, le problème qui se pose avec pertinence et acuité est de savoir si la citoyenneté est tributaire de la territorialité ou si c’est au contraire, un droit inaliénable et imprescriptible, quel que soit le lieu de résidence du sujet qui s’en réclame ou le revendique.
Il en vient ainsi tout naturellement à conclure qu’il serait plus judicieux de tirer les enseignements qui s’imposent de l’expérience du début des années 80 au cours de laquelle cinq circonscriptions de l’étranger étaient représentées au Parlement et d’apporter les aménagements légaux et réglementaires propres à(ré)crédibiliser les institutions représentatives et à assurer une réelle participation des M.R.E. à la vie publique plutôt que de rejeter, en bloc, cette expérience au prétexte qu’elle n’a pas été très concluante on qu’elle a tout simplement échoué.
Le Matin