Le Conseil National de la Presse (CNP) a fermement condamné ce qu’il qualifie d’« acte criminel odieux » du journal français Charlie Hebdo, l’accusant de s’attaquer directement au Roi Mohammed VI.
Un titre barre la manchette du numéro de février 2005 : « 175 ans de belgitude ». A droite, une traduction du texte en arabe. En guise d’illustration : une vache peinte en noir-jaune-rouge - un tableau de « Marguerite »... « Le Souk », magazine d’actualité destiné à la communauté d’origine maghrébine, assume et revendique son caractère interculturel.
Lancé il y a un an, « Le Souk » est neutre, indépendant et apolitique, insiste Taha Adnan, rédacteur en chef et poète. Ce journal de 8 pages en format tabloïd vise à rapprocher les communautés étrangères des citoyens autochtones, en ouvrant le champ de l’information à tous les aspects de la vie en société et pas uniquement les questions liées à l’interculturalité. Objectif : offrir aux lecteurs un outil d’information de qualité, clé pour une meilleure insertion sociale, économique et culturelle.
Echange et dialogue
« Le Souk » veut endosser un rôle d’éducation permanente et de formation à la citoyenneté. D’où son caractère bilingue français-arabe. Français (plutôt que néerlandais) parce qu’à Bruxelles, la population maghrébine d’origine est majoritairement francophone. Arabe parce que le mensuel veut toucher les immigrés de la première génération, qui ne maîtrisent pas le français écrit et les jeunes qui ont aussi envie de lire l’arabe dans des sujets qui les touchent directement.
Ce journal « communautaire » évite le piège du repli identitaire ou de la victimisation des étrangers. Il encourage plutôt la mixité sociale, le dialogue et le rapprochement entre les différentes communautés qui coexistent en Belgique.
Tiré à 10.000 exemplaires, « Le Souk » est diffusé gratuitement dans la moitié des 19 communes bruxelloises. On le trouve dans les cafés, les boucheries, les boulangeries, les agences de voyage, les centres culturels, au marché du Midi, chez les coiffeurs... « Depuis la nuit des temps, le souk est pour les Arabes un lieu de rendez-vous, et pas un simple espace commercial. Ce que nous voulons privilégier, c’est l’échange et le dialogue, la diversité et la multitude. C’est le souk au sens noble du terme », indique Taha Adnan.
« Belgique grande et belle »
Au Maroc, Taha Adnan avait initié une revue littéraire arabe (« Voix modernes ») en 1992. Arrivé en Belgique, il rêve de lancer un journal. Ce projet devient réalité en février 2004, avec l’aide de quelques copains : Jamal, Samir, Vanessa, Romuald... Aujourd’hui encore, les pubs ne suffisant pas, ils doivent y aller chaque mois de leur poche. « Notre but, depuis le début, n’est pas de faire de l’argent, mais de répondre aux attentes d’une population qui ne lit pas forcément les quotidiens et ne regarde pas les chaînes belges parce qu’elle est branchée sur les chaînes satellitaires arabes. On veut toucher ces gens pour les mettre en contact avec ce que vit la Belgique, royaume dans lequel ils vivent. »
La date, symbolique, du lancement coïncide avec le 40e anniversaire de l’immigration marocaine en Belgique. « Le Souk » fête sa première année de parution en s’interrogeant sur les 175 ans de la Belgique. « Faut-il accepter l’éclatement du pays comme une fatalité et renoncer à l’idée d’une cohabitation harmonieuse ? Ou au contraire, faut-il espérer, dans 25 ans, pouvoir titrer sur un 200 e anniversaire ? Celui d’une Belgique toujours grande et belle, parce que tolérante et multiculturelle. » Bonne question.
« Le Souk », 7-9, rue des Ateliers à 1080 Bruxelles. Tél. 02/412.10.64.
La Dernière Heure
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