La tension monte chez les musulmans de France

10 novembre 2004 - 14h42 - France - Ecrit par :

Dalil Boubakeur cherche l’appui du ministère de l’Intérieur pour sauver sa présidence du Conseil français du culte musulman

A plusieurs reprises déjà, Dalil Boubakeur a menacé de démissionner de la présidence du Conseil français du culte musulman (CFCM). Mais cette fois, ce sont l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) et la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), rivales de la Mosquée de Paris, qui cherchent à l’évincer.

Désigné par le ministre de l’Intérieur l’an dernier, le président du CFCM devrait, selon le dispositif établi par Nicolas Sarkozy, être désormais élu par le conseil d’administration désigné par de nouvelles élections prévues pour le 26 avril 2005.

Hier, ni Fouad Alaoui, secrétaire général de l’UOIF, ni Mohammed Bechari, de la FNMF, n’ont assisté à la réunion du bureau du CFCM que le président avait convoquée de toute urgence jeudi dernier. « Je ne veux plus jouer à ce jeu-là. Cela fait trop longtemps que Dalil Boubakeur bloque le fonctionnement normal du CFCM, a expliqué Fouad Alaoui au Figaro. Soit il reconnaît le règlement et le calendrier électoral du CFCM ; soit il n’y a plus sa place. »

Mohammed Bechari, en voyage au Maroc, où il participe aux « causeries » du ramadan, était tout aussi sévère avant son départ : « Le recteur n’a pas de place réservée. Nous sommes en démocratie et les musulmans de France doivent choisir librement leurs représentants. »

Après un mois et demi de blocage du CFCM, on présentait pourtant cette réunion du bureau comme la rencontre de la dernière chance. La discorde avait éclaté en septembre dernier, après que Mohammed Bechari eut embrassé l’ancien leader algérien du FIS Abassi Madani. Les élus d’origine algérienne de la Grande Mosquée de Paris (GMP) s’en étaient indignés. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, ils avaient même démissionné du conseil régional du culte musulman (CRCM). La tourmente leur avait fourni l’occasion de contester le mode de scrutin qui, assuraient-ils, allait réduire la Mosquée de Paris à la portion congrue lors des prochaines élections. Le recteur avait alors exigé du ministère de l’Intérieur qu’il modifie les critères pour lui garantir un nombre d’élus plus important. Pour justifier cet arrangement, Dalil Boubakeur s’était présenté comme le rempart contre les « fondamentalistes de l’UOIF et de la FNMF ».

Fin octobre, décidé d’en finir avec ce qu’il appelle « le chantage de Dalil Boubakeur », Fouad Alaoui convoque pour le 11 novembre une réunion exceptionnelle des présidents des conseils régionaux où l’UOIF domine partout. Vingt-trois élus sur vingt-cinq se sont annoncés. Certains envisagent déjà de contourner le CFCM en organisant une coordination des présidents de CRCM. Un véritable putsch.

C’est pour bloquer leur offensive que Dalil Boubakeur a réuni hier le bureau, obtenant le quorum de justesse grâce à une procuration du mufti de Marseille, Soheib Bencheikh. L’apparence d’un fonctionnement « normal » du CFCM a été sauvée : ils ont prévu de se retrouver vendredi soir à la mosquée de Paris pour annoncer la fin du ramadan et fixer une prochaine réunion du bureau au 18 novembre.

Pour autant, certains présidents de région n’entendent pas désarmer. « La Mosquée de Paris a beau jeu de dénoncer l’UOIF en les traitant d’intégristes. En réalité, ils font le travail sur le terrain contrairement au recteur Boubakeur », s’énerve Kamel Kebtane, président du CRCM Rhône-Alpes, bien décidé à demander lors de la réunion du 11 novembre la convocation du conseil d’administration du CFCM pour « faire appliquer le règlement électoral et refuser toutes les magouilles », allusion aux listes uniques envisagées par le ministère de l’Intérieur pour garantir plus d’élus fidèles à Dalil Boubakeur. « Si la Mosquée de Paris refuse des élections transparentes, ce sera la fin du CFCM », promet le recteur Kebtane, pourtant élu avec le soutien de la GMP.

A l’UOIF, Fouad Alaoui envisage deux options : soit le statu quo, avec des listes uniques préservant « les équilibres actuels » (favorables à l’UOIF), soit des élections libres avec ou sans la Mosquée de Paris. « Nous aurons un CFCM composé de l’UOIF et de la FNMF. Si l’Etat nous considère intégristes, qu’il dissolve ce CFCM ! » lance-t-il.

Quant à Dalil Boubakeur, il maintient la pression. Après avoir réussi à réunir le bureau sans ses adversaires, il rassemble aujourd’hui ses délégués et continue à exiger une modification des critères électoraux.
Indifférent à ces déclarations de guerre, le ministère de l’Intérieur veut encore croire à la conciliation. Pour cela, le ministre entend rassembler les fédérations musulmanes sur des projets concrets comme une fondation destinée à financer la construction de nouvelles mosquées.

Cécilia Gabizon - Le Figaro

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