Abdelkader Amara n’est plus membre du parti de la justice et du développement (PJD). Lundi, l’ancien ministre de l’Équipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau a annoncé sa démission du parti islamiste après une réflexion sur ce que...
Il y a eu d’abord l’élection de Miss Maroc l’été dernier à Tanger. Sous la pression islamiste, des candidates se désistent.
Des hôtels où devait se dérouler l’élection sont l’objet de menaces. La presse et des leaders islamistes dénoncent cette manifestation qualifiée de « pornographique ». Et c’est sous haute surveillance policière, en l’absence de toute médiatisation, qu’a lieu l’élection de Miss Maroc devant une poignée de spectateurs. Deuxième fait, bien plus sérieux, le film de Nabil Ayouch, Une minute de soleil en moins, interdit de projection dans les salles marocaines sous la pression des islamistes. Mustapha Ramid, numéro deux du Parti de la justice et du développement, islamiste (PJD) qui n’a même pas vu le film, affirme qu’il véhicule des valeurs contraires à l’islam. Son parti accuse le cinéaste de faire « partie d’une cinquième colonne francophone et sioniste ». Rien que ça ! Le cinéaste rétorque qu’il n’a fait que montrer l’une des faces cachées du Maroc : l’homosexualité et la prostitution dans un pays en proie à une grave crise sociale. Il n’empêche, la commission de censure n’a pas donné de visa d’exploitation. Les islamistes ont remporté la première manche. Troisième fait, l’interpellation par la police de 14 membres d’un groupe de hard rock de Casablanca, accusé de « satanisme ». Le 6 mars, ils sont jugés et condamnés à des peines allant de un mois à un an de prison. Non sans que le procureur leur demande s’ils savent faire la prière tout en leur reprochant de chanter en anglais ! Deux hebdos - les mêmes d’ailleurs -
Tel Quel et Le Journal sont montés au créneau pour dénoncer ce verdict. Des associations de la société civile se mobilisent, une pétition, qui a recueilli plusieurs milliers de signatures, dénonce la « montée de l’intégrisme préventif », un site Internet protestataire est créé, des centaines de lettres sont adressées aux autorités. Mardi 11 mars, devant l’ampleur de la protestation, onze des quatorze prévenus sont remis en liberté provisoire. Ces deux faits, s’ajoutant aux agressions de femmes - plusieurs ont été retrouvées assassinées - à l’existence de réseaux terroristes, sont symptomatiques d’une montée de l’islamisme au Maroc. Une poussée à l’endroit de laquelle certains démocrates marocains, au nom d’une « exception marocaine » dans le Maghreb, ont volontairement sous-estimée. « Le Maroc n’est pas l’Algérie », me faisait remarquer en mars 2000 un ami marocain dans un café de Rabat, ajoutant : « Ici, un Ali Benhadj ou un GIA est impossible. » Pourtant, ce 13 mars 2000, les islamistes marocains ont fait une démonstration de force à Casablanca - plusieurs centaines de milliers de personnes - contre un projet d’amendement du code de la famille marocain, intitulé « plan national d’intégration de la femme au développement ». En effet, dans les rues de Casablanca et de Rabat, notamment dans le faubourg de Salé, les islamistes de Adl oua el Ihsane, avec leur figure de proue, Nadia Yassine, fille de cheikh Yassine, sont bien visibles. Ils occupent l’espace, pallient le vide social en portant secours aux plus démunis (aides sociales, scolaires, bourses d’études). Leurs journaux, comme El Tajdid, s’arrachent. Dans les universités, les islamistes occupent seuls le terrain, montent des pièces théâtrales dénonçant la répression à leur endroit et fustigeant la corruption et la dépravation des murs, mais en revanche, interdisent par la force, au besoin, toute activité culturelle jugée contraire à l’ordre islamiste. Et ce, en toute impunité. Résultat de cet islamisme rampant, qui n’avance plus de manière masquée comme vers la fin des années 1990, deux ans plus tard, en septembre 2002, le Parti de la justice et du développement (PJD) fait une percée fulgurante dans le paysage politique marocain. Malgré l’appel au boycott de Adl oua el Ihsane, un taux d’abstention qui a frôlé les 50 %, et en ne présentant des candidats que dans 50 % des circonscriptions, il est devenu la troisième force politique du pays. Du coup, les démocrates marocains, quelques peu sonnés par cette poussée islamiste, tentent tant bien que mal de contenir l’islamisme dit modéré. Et de lorgner le Palais dans l’espoir que Mohammed VI prenne les décisions qui s’imposent pour freiner l’expansion islamiste. Le Maroc d’aujourd’hui ressemble à s’y méprendre à l’Algérie de la fin des années 1980 et du début des années 1990 quand les islamistes tentaient d’interdire par la force les spectacles de variétés (concerts de Linda de Suza, d’Aït Menguellat, de Mohamed Tahar Fergani) à la salle Atlas et ailleurs et quand après avoir remporté les élections communales de juin 1990, ils avaient fermé les conservatoires et écoles de musique à Alger, Koléa, Tlemcen, Médéa et interdit les salles de sports et les piscines aux femmes. Une époque pas si lointaine qui risque de se reproduire si jamais Abdelaziz Bouteflika continue de leur lâcher la bride !
Hassane Zerrouky
Le Matin, Algérie
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