L’encours de ces derniers n’a en effet progressé que de 5,3% entre fin décembre 2008 et fin avril dernier. Qui dit vrai, qui dit faux ? Comment expliquer le décalage ? Promoteurs et agents immobiliers, banquiers et notaires s’accordent à dire que le marché connaît des perturbations. Si les plus pessimistes évoquent un blocage des transactions, les plus optimistes, banquiers entre autres, préfèrent parler d’une période transitoire impliquant un repositionnement stratégique. En fait, la question est de savoir si l’accalmie que reconnaît tout le monde n’a pas abouti à un retour des prix à des niveaux plus raisonnables.
Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), estime que le marché est très calme depuis plusieurs semaines et que la correction des prix a bien eu lieu. « Pour Marrakech et Tanger par exemple, nous avons constaté des baisses importantes allant jusqu’à 20 voire 25%. A Casablanca, nous remarquons une résistance des prix même s’il y a moins de transactions. Cependant, le haut de gamme a accusé une petite régression de 10% dans des quartiers comme Val fleuri », estime le président de la FNPI. Selon lui, toutefois, le cas de la métropole est très différent des autres villes. « Les revenus sont plus importants à Casablanca comparativement aux autres villes. De plus, l’absence de l’offre et surtout de la réserve foncière participe au maintien des prix », explique M. Ibn Mansour.
Son avis est largement partagé par les agents immobiliers. Samir Benmakhlouf, DG de Century 21, constate une légère baisse des prix qu’il qualifie de « retour à la normale ». Et ce sont les villes connues pour les résidences de très haut standing comme Marrakech et Tanger qui sont les plus touchées par cette baisse.
Les marges restent confortables
Quoi qu’il en soit, « le marché de l’immobilier stagne, mais ne s’effondre pas. Si les promoteurs réalisaient des gains de 150% il y a un an, ils ont revu leurs prétentions à la baisse pour se contenter de 70 à 75% de marges », souligne M. Benmakhlouf. Il explique, en plus, que « ceux qui doivent rembourser des crédits acceptent de faire des efforts sur les prix sans pour autant vendre à perte ». Pour illustrer ses propos, l’agent immobilier donne une moyenne des prix au m2 dans plusieurs quartiers à Casablanca. Ainsi, pour ce qui est des quartiers chic de la métropole tels que Racine, Maârif, Gauthier et Massira Al Khadra, les logements neufs se vendent entre 17.000 et 20.000 DH le m2, alors que le logement ancien varie entre 13.000 et 15.000 DH. Dans les quartiers un peu moins huppés tels que boulevard Ghandi ou encore 2 Mars, les prix du neuf se situent entre 14.000 et 15.000 DH le m2 contre 11.000 à 12.000 DH pour l’ancien. Dans les quartiers populaires (Sidi Moumen, Sidi Othman ou Oulfa), les prix du m2 varient entre 5000 DH pour les logements anciens et 7000 DH pour le neuf.
A Rabat, estime M.Ibn Mansour, les prix des terrains nus n’ont pas beaucoup bougé. « Mais ce n’est pas le cas pour les logements en copropriété dans le haut standing dont les prix ont accusé une baisse qui atteint les 15% ». Dans le quartier de l’Agdal, le prix d’un appartement se situe entre 15.000 et 25.000 DH le m2, alors que le terrain nu à usage d’immeubles se négocie entre 18.000 et 25.000 DH/m2. Au quartier Hassan, les appartements de moyen standing sont vendus entre 12.000 et 15.000 DH le m2. Même à Youssoufia et Takaddoum, pourtant considérés comme des quartiers populaires, un appartement moyen standing vaut entre 10.000 et 12.000 DH le m2.
Les banquiers évoquent un repositionnement du marché
Les notaires ne sont pas épargnés par le marasme. « Depuis deux mois, c’est le calme plat de l’activité immobilière. Les transactions ont régressé de près de 80% par rapport à mai 2008 », estime Me Mohammed Alami, notaire à Casablanca. Néanmoins, l’explication qu’il livre diffère de celles données par les autres opérateurs du secteur. « On ne peut parler de baisse ou de maintien des prix au m2 puisque la demande se fait de plus en plus rare. Les cadres, qui constituent le plus gros de la demande sur le moyen standing, sont méfiants à l’égard de l’endettement. Ils ne veulent surtout pas contracter un crédit immobilier, qui leur coûterait cher, surtout dans une période de crise économique » , analyse-t-il. Du coup, poursuit-il, la demande pour ce segment stagne.
Les banques ont une vision plus globale. Elles ne parlent pas de marasme, mais de repositionnement du marché. « L’immobilier vit actuellement une période de transition. Celle-ci s’inscrit dans une nouvelle stratégie de plus en plus adoptée par les différents opérateurs du secteur », explique le directeur de la promotion immobilière d’une banque de la place. La nouvelle stratégie consiste en un repositionnement sur des gammes de plus en plus ciblées. « Les opérateurs ne pensent plus à la production de masse et s’orientent vers une segmentation du marché. C’est pour cette raison que tous ceux qui gravitent autour de ce marché, c’est-à-dire promoteurs, banquiers, agents immobiliers, notaires et autorités de tutelle, sont en train de revoir leurs stratégies en diversifiant leurs offres », ajoute-t-il. Pour ce banquier, le temps du logement social est révolu, « du moins jusqu’à la mise en œuvre effective des outils d’accompagnement censés redynamiser cette branche ».
Au niveau du très haut standing, « c’est la rareté voire l’absence du foncier dans les grandes villes telles que Rabat et Casablanca qui a causé le blocage du marché ».
Mais la plus grande inconnue, estime la même source, concerne sans aucun doute le moyen standing. « Ce marché a été délaissé depuis quelques années déjà. En dehors du programme de logements mixtes qui vient d’être lancé par le ministère de l’habitat et dont on n’a pas encore constaté la mise en œuvre, le gouvernement n’a jamais mis en place une stratégie dédié au moyen standing. Les promoteurs ne s’y sont pas intéressés non plus puisqu’ils se sont rués soit sur le logement social qui offrait des avantages fiscaux, soit sur le haut standing qui leur permettait de faire une péréquation », souligne-t-il. Pour lui, ce dernier se situe généralement entre 300.000 DH, dans une ville de l’intérieur, et 1,2 MDH voire 1,5 million dans la région de Casablanca. « Actuellement, un acheteur de la métropole ne peut pas prétendre à un logement de moyen standing à moins de 1,5 million de DH. Il n’existe pas de projets immobiliers de ce segment à 9000 ou 10.000 DH le m2. Et même si les prix connaissaient une baisse de 15% qui s’apparente davantage à une correction, ils demeurent très élevés pour ce segment », précise le banquier. Pour illustrer ses propos, il cite l’exemple des projets immobiliers qu’il finance dans des quartiers comme Bernoussi ou encore Sidi Moumen ou le m2 construit coûte 9000 DH. « Même si le promoteur assure qu’il s’agit d’un logement de moyen standing, rares sont les cadres qui paieront 1,1 million de DH pour un appartement de 120 m2 à Bernoussi », conclut-il.
Luxe : Les nationaux remplacent les étrangers
Quel est le rapport entre les investissements directs étrangers (IDE) et la stagnation de l’immobilier de luxe ? Pour le directeur de réseau d’une banque de la place, une bonne partie des IDE, qui ont connu une importante augmentation durant les 3 dernières années, concernait des projets immobiliers de luxe (resort). « Ces concepts importés visaient principalement le marché international. Pour preuve, la plupart des promoteurs de ces projets organisaient des road shows dans différentes capitales européennes pour vendre leurs produits à une clientèle étrangère », explique le banquier. Mais avec la chute du marché international, beaucoup de ces projets connaissent sinon une crise, du moins un ralentissement des ventes. Pour faire face à cela, poursuit notre banquier, ces investisseurs ont dû changer leur fusil d’épaule pour s’attaquer au marché intérieur. « Cela implique un repositionnement stratégique qui induit une révision du chiffre d’affaires prévisionnel et de la communication pour pouvoir atteindre la cible marocaine » , conclut-il.
Visiblement, celle-ci est séduite. En témoignent les ventes, ces dernières semaines d’appartements et de villas de luxe, acquis souvent comme résidences secondaires. Un marché de niche, mais qui vaut son pesant de dirhams.
Source : La vie éco - Naoufal Belghazi