"Une décision pareille montrerait que vous êtes indépendant et la justice en sortira grandie". Ainsi s’est exprimé l’un des avocats de la journaliste qui s’adressait directement au juge. Devant celui-ci, Hajar Raissouni, 28 ans, a nié tout avortement, assurant avoir été traitée pour une hémorragie interne.
Cette déclaration sera confirmée devant le tribunal par son gynécologue, 68 ans, arrêté et jugé en même temps qu’elle, de même qu’un anesthésiste de 82 ans et une secrétaire.
Interpellée le 30 août dernier à l’entrée d’un cabinet médical de Rabat, la jeune femme, vêtue d’une djellaba noire et coiffée d’un foulard vert, a dit avoir été arrêtée par "douze policiers", puis "contrainte à faire un examen médical, sans son accord", dans un hôpital.
Poursuivant sa description des faits, Hajar Raïssouni affirme que quatre équipes de policiers se sont ensuite relayées pour l’interroger sur ses proches, sur son journal, sur ses écrits et sur un éventuel avortement.
Les avocats de la défense ont assimilé l’expertise imposée à la journaliste à de la "torture", pointant les "manquements de la Police judiciaire".
A les en croire, les policiers ont "pris la liberté d’ordonner des examens médicaux sans passer par le Procureur, dans le but de fabriquer des preuves coûte que coûte".
Faut-il le préciser, les demandes de remise en liberté de tous les prévenus et de l’annulation des procès verbaux litigieux n’ont pas été retenues par les juges.
Pourtant, la journaliste risque jusqu’à deux ans de prison en vertu du Code pénal marocain qui sanctionne les relations sexuelles hors mariage et l’avortement quand la vie de la mère n’est pas en danger.
Au Maroc, cette affaire continue de susciter de vives polémiques, notamment, sur les libertés individuelles, tandis que, pendant ce temps, une révision du Code pénal, y compris les dispositions concernant l’avortement, figure à l’ordre du jour des débats parlementaires.