Sur le banc des accusés du tribunal correctionnel de Vienne, les quatre frères et deux soeurs d’une même famille d’origine marocaine installés dans la région lyonnaise font piètre figure. Dépassés par l’enchaînement des événements qui a conduit depuis le début de l’année, les garçons en détention. Tout comme la famille présente en nombre dans la salle d’audience. À l’énoncé du jugement, la mère, âgée, en costume traditionnel, voit ses filles pleurer dans le prétoire en enserrant leurs frères. Puis s’effondre à son tour en sanglots après traduction de la sentence. Mostafa, âgé de 40 ans, vient d’écoper de trois ans d’emprisonnement dont un avec sursis. Deux de ses frères, âgés de 30 et 32 ans sont condamnés à dix-huit mois ferme, le quatrième à six mois pour enlèvement et séquestration et violences avec armes. Quant aux deux soeurs, qui comparaissaient libres, le tribunal a prononcé une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis. N’ayant pas participé directement au « rapatriement », l’enquête avait révélé des menaces de mort et de violence à l’encontre de leur soeur, placée sous protection judiciaire.
Une famille pourtant jusqu’alors sans histoires. Seul le casier judiciaire de l’aîné, patron d’une petite entreprise d’organisation de réception et de traiteur dans le IIIe arrondissement de Lyon porte la trace ancienne d’une condamnation pour conduite sous l’emprise de l’alcool. Tout bascule un matin du mois de janvier lorsqu’il donne rendez-vous au petit ami de son autre soeur, sur un parking de la zone logistique de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère, son lieu de travail. Pour mettre fin à l’idylle et ramener manu militari le Roméo de l’autre côté de la Méditerranée. « Ils voulaient faire régner un ordre qu’ils pensaient familial », a plaidé Me Sayn avocat de Mostafa pour minimiser l’équipée.
Une fréquentation préjudiciable
Ce matin du 2 janvier, un témoin de la scène donne l’alerte à la gendarmerie qui suit la trace de la Polo familiale par hélicoptère jusqu’au poste de frontière du Perthus dans les Pyrénées, où les quatre garçons sont arrêtés avec leur victime par la Police aux frontières. Dans le coffre de la voiture, les gendarmes retrouvent un billot et une hache. La victime, un jeune Marocain sans papiers âgé de 21 ans porte des traces de coups. Il explique aux enquêteurs que les quatre frères voulaient l’emmener au Maroc via un ferry et l’Espagne pour avoir « une explication » au pays.
Des violences qu’ont minimisées les prévenus hier matin, s’enferrant dans des contradictions au cours de leurs témoignages. Ils ont expliqué qu’ils voulaient retrouver la trace de leur soeur disparue depuis plusieurs jours, mais aussi mettre un terme à une fréquentation qu’ils jugeaient préjudiciable pour la réputation de leur famille. Constituée dans un premier temps partie civile, la benjamine a de son côté retiré sa plainte pour violences familiales. Et son ami, arrivé avec elle, s’est aussi rétracté des accusations qu’il avait formulées. Évoquée dans un premier temps en comparution immédiate en janvier, l’affaire avait été renvoyée.
Le Figaro - Frédéric Poignard