L’islamophobie et le racisme sont partout présents dans l’Hexagone. Présents dans l’actualité, dans les cimetières, dans les mosquées et même dans les rues, où les agressions verbales sont devenues monnaie courante. Certes, il y aura toujours des personnes pour dire que les auteurs sont de jeunes désoeuvrés et pour soutenir que tous ces mouvements sont noyautés et que l’intérêt est de connaître qui tire réellement les ficelles.
Il est difficile d’avoir une liste bien précise des actes islmophobes ayant ciblé, en 2008, la communauté musulmane de France, les lieux de culte et certains symboles de l’islam. Nous retenons toutefois la grande mosquée de Saint-Etienne, alors qu’elle était en construction, celle de Grand-Charmont, touchée par un incendie criminel, celle de Carpentras, visée pendant la prière du vendredi par deux engins incendiaires artisanaux, de Lyon qui a été la cible d’un projectile qui n’a pas explosé, des salles de prières objets de vandalismes multiples et autres exemples révélateurs d’une islamophobie montante. Ces actes sont difficiles à dénombrer car le ministère de l’intérieur n’en fait pas une catégorie spécifique et ne prend pas aussi en compte les violences verbales ou physiques frappant des personnalités liées à l’islam, moins encore les propos publics visant indirectement la nature et les principes de l’islam. Ces faits ne sont pas non plus répertoriés par les organisations communautaires, comme cela est fait pour les actes antisémites.
Outre certains “passages à l’acte” comme les tracts anti-musulmans provenant de la mouvance d’extrême droite, les tentatives d’incendie de lieux de culte, les violences verbales et physiques touchant des personnalités liées à l’islam, l’année 2008 a été marquée par une série d’actes odieux et scandaleux contre les mosquées et surtout contre des cimetières, où des centaines de tombes musulmanes ont été profanées. A ne retenir que le carré musulman du cimetière militaire de Notre-Dame-de-Lorette, où plus de 568 tombes de militaires musulmans ont été dégradées à la peinture noire avec des inscriptions racistes et “anti-Islam”. Une tête de porc découpée, a même été pendue à l’une des tombes. Cette profanation intervenait presque un an jour pour jour, après la découverte d’inscriptions nazies, les peintures de croix gammée et de croix celtique sur 148 tombes du carré musulman de la plus importante nécropole militaire de France.
Profanations
Certes, l’acte en lui-même a été condamné par la France officielle. « Les mots n’exprimeront pas le chagrin et la tristesse qui sont les nôtres, en tant que musulmans, en tant que Français, en tant qu’acteurs associatifs qui militons pour que l’Islam ait sa place dans notre pays », avait déclaré Driss Briz, président de l’Union des organisations islamiques de France, après s’être rendu sur les lieux. Un acte qualifié de raciste par le président français, Nicolas Sarkozy, qui a estimé que cette profanation porte atteinte aux « morts tombés pour la France et aux valeurs de démocratie, de tolérance et du respect de l’autre ».
Ces actes tout en renforçant le sentiment croissant d’islamophobie, confirment l’enracinement de cette forme de racisme, dont l’impunité des auteurs concourt à sa banalisation. Il s’agit certes, d’une minorité qui est en train de créer un climat malsain et ce climat ne fait malheureusement que creuser le fossé entre les citoyens de cette France de l’égalité et des droits de l’Homme qui vit aujourd’hui l’islamophie avec ses multiples répercussions socioculturelles. Avant cette profanation, pas moins de 30 mosquées, 25 salles de prières et autres tombes et symboles de l’islam ont fait l’objet en 2008, d’actes islamophobes révélateurs d’un mal qui s’installe et s’enracine en France.
Banalisation
Pourquoi alors cette montée de l’islamophobie ? S’agit-il d’un amalgame entre islam et islamisme, arabes et terrorisme, ou d’une simple ignorance qui s’est confortablement installée dans l’esprit des uns et des autres ?
D’abord les statistiques sur le nombre de ces musulmans qui inquiètent la France, hantent depuis des années les meetings politiques, les comptoirs des cafés et aussi les colonnes des journaux. Un chiffre à géométrie variable que l’on brandit tantôt comme un épouvantail, tantôt comme un étendard, et qui nourrit les débats autour de l’immigration, des banlieues, du terrorisme ou des discriminations. Combien y a-t-il de musulmans aujourd’hui en France ? A en croire les experts et les plus hautes autorités de l’Etat, leur nombre ne cesse d’augmenter : il aurait atteint quelque 4 millions selon certains, 6 millions se vantent d’autres.
Il faut reconnaître ensuite que bien que les émeutes dans les banlieues françaises de l’automne 2005 aient démontré le besoin d’une remise à plat du modèle français d’intégration, cela ne s’est pas traduit en politiques publiques, dont le discours médiatique n’hésite pas parfois à qualifier le communautarisme musulman de réalité dangereuse qui produit l’intégrisme, voire des groupes fondamentalistes qui viseraient à “islamiser” la République en sapant son fondement premier, la laïcité.
Préjugés
Totalement faux. Les musulmans de France sont non seulement attachés aux valeurs de la république, mais aussi « 94% se disant favorables à la laïcité, dont 79% tout à fait acquis à l’idée de la laïcité », selon un sondage réalisé récemment par le quotidien La Croix, d’obédience catholique.
La loi de 1905, qui a consacré la séparation de l’Eglise et de l’Etat, a, elle aussi, un bel avenir devant elle, puisque 73% des questionnés sont favorables à la séparation de l’Etat et des religions contre 21%.
Est-ce que les « musulmans sont contre l’égalité des sexes ? » 91% des sondés se disent favorables à l’égalité entre hommes et femmes, dont 76% tout à fait d’accord. Ce résultat tranche radicalement avec les idées entretenues dans certains milieux xénophobes français qui pensent que les musulmans de France rejettent toute idée de justice et de parité entre les deux sexes et que les hommes exercent une violence permanente à l’égard des femmes.
Si les populations occidentales, de culture judéo-chrétienne, risquent de considérer l’islam comme une religion violente, voire terroriste - c’est parce qu’un certain nombre de préjugés, de fausses évidences, existent encore aujourd’hui à l’endroit de la religion musulmane. Ces préjugés s’avèrent le fruit d’une méconnaissance de la pensée et de la théologie islamiques, et le résultat d’une médiatisation trop grande de l’islam radical depuis maintenant trois décennies.
Source : Maroc Hebdo - Ahmed Elmidaoui