Fouad Mourtada déclare ne rien regretter

29 mars 2008 - 22h28 - Maroc - Ecrit par : L.A

Après un mois et demi d’emprisonnement, Fouad Mourtada, le faux prince de Facebook, a enfin été libéré sur grâce royale. Joint par TelQuel au lendemain de sa libération, le jeune ingénieur, pas encore remis de son séjour carcéral, livre ses premières impressions.

Vous venez d’être gracié par le roi, après avoir passé 43 jours à la prison de Oukacha. Vous êtes soulagé ?

Oui, c’est sûr ! Cet épisode a été difficile à vivre. Je vais beaucoup mieux, mais je reste éprouvé. Je voudrais d’abord remercier le roi pour
avoir remis les choses à leur place. Je remercie aussi toutes les personnes qui m’ont soutenu, en premier lieu ma famille, les associations de défense des droits de l’homme, les internautes et la presse. Je tiens aussi à remercier mon avocat Ali Amar, et, plus généralement, tous ceux qui ont compris, dès le début, que je n’avais rien fait de mal.

Quand avez-vous appris votre libération ?

C’était mardi soir. J’étais dans ma cellule, quand le directeur de la prison m’a convoqué pour m’annoncer que le roi m’avait gracié.

Votre famille a dû être ravie d’apprendre la nouvelle…

Ma famille n’était au courant de rien. Quand je suis sorti de prison, personne ne m’attendait. J’ai pris un taxi pour me rendre à mon appartement. Ce n’est qu’une fois sur place que j’ai passé un coup de fil à ma famille, pour leur dire que j’étais libre. Evidemment, ils étaient très heureux.

À quoi pensiez-vous quand vous étiez en prison ?

J’essayais de positiver. Certains de mes codétenus m’ont aidé. Ils étaient eux aussi convaincus de mon innocence.

À ce propos, comment se sont-ils comportés avec vous ?

À Oukacha, j’ai été emprisonné avec des détenus de droit commun. Disons que je n’étais pas serein. Je craignais pour ma sécurité. Certains avaient un comportement violent. Mais bon, on finit par s’adapter. C’était vivable. Les deux dernières semaines, j’ai été transféré dans une autre aile de la prison. Là-bas, les prisonniers étaient plus respectueux.

Qu’avez-vous fait depuis votre libération ?

Dès le lendemain, j’ai rejoint les miens à Rabat, pour passer la fête du Mouloud et le week-end en famille. J’ai envie de me reposer et de réorganiser ma vie.

Comptez-vous retravailler ?

Pas tout de suite, en tout cas. Pour l’instant, je compte faire une sorte de pause.

Votre employeur est-il prêt à vous réintégrer ?

Tout le long de mon incarcération, mon patron m’a soutenu. Je garde une excellente relation avec lui.

D’après votre avocat, la direction de la prison ne vous a remis aucun document attestant votre libération. Qu’en est-il ?

C’est exact. On ne m’a rien remis du tout.

Pourquoi, selon vous ?

Je ne suis pas vraiment au fait des pratiques administratives. On m’a dit que j’étais libre et que je pouvais sortir. Cela me suffisait.

Finalement, pourquoi avoir créé un profil au nom du prince Moulay Rachid ?

Pour la simple raison que j’admire le prince. Je ne pensais pas mal faire. Je souhaitais que tous les fans de Moulay Rachid sur Facebook puissent accéder à cette page sur le Net, et exprimer eux aussi leur admiration. À aucun moment, je n’ai imaginé que cela puisse être interprété comme une usurpation d’identité.

Si vous aviez l’occasion de rencontrer le prince Moulay Rachid, vous lui diriez quoi aujourd’hui ?

Je lui dirais mon admiration inconditionnelle. Je reste persuadé qu’il n’a rien à voir avec ce qui c’est passé.

Certains vous ont accusé d’avoir créé ce profil à mauvais escient. Que leur répondez-vous ?

Que je n’ai jamais rien fait de mal avec ce profil. Le seul message que j’ai envoyé était un smiley, point. Je n’ai rien à me reprocher.

Donc vous ne regrettez pas votre geste ?

Je ne regrette rien, si ce n’est la mauvaise interprétation qui a été faite de mon geste.

Comment avez-vous vécu votre période d’emprisonnement ?

Difficilement. J’ai d’abord été kidnappé en pleine rue, puis maltraité. On m’a frappé, craché dessus. Mes yeux étaient bandés. Je crois d’ailleurs qu’on m’a emmené hors de Casablanca. Mais je suis incapable de vous dire où exactement. Mon calvaire a duré plus de 36 heures, durant lesquelles je n’ai rien eu à manger ni à boire. J’avais même perdu la notion du temps, si bien que mercredi soir (Ndlr : le lendemain de son enlèvement), je pensais qu’on était encore mardi. Ces 36 heures sont passées sans que je ne m’en rende compte.

Que vous reprochaient vos geôliers ?

À mon avis, rien du tout. Je pense qu’ils savaient dès le départ que je n’avais rien fait de mal.

Envisagez-vous de porter plainte contre ceux qui vous ont torturé ?

Pour cela, j’ai besoin de preuves et je n’en ai aucune.

Que pensez-vous du verdict de l’affaire : trois ans de prison ferme, assortis d’une amende de 10.000 dirhams ?

Je n’ai pas une connaissance approfondie de la loi, mais le verdict est clairement étonnant.

Selon votre avocat, le juge vous aurait carrément reproché d’avoir créé le site Facebook !

En général, les questions que m’ont posées les juges démontraient manifestement leur totale méconnaissance du sujet.

Comment pensez-vous que la police vous a retrouvé, sachant que Facebook est censée préserver l’anonymat de ses utilisateurs ?

Je me pose toujours la question. Il est possible que quelqu’un ait livré des informations sur ma vie privée. Avec mon avocat, nous sommes encore en train d’étudier les différentes possibilités. Je vais le rencontrer et nous en discuterons à tête reposée.

Au début de l’affaire, votre famille envisageait même de poursuivre Facebook, pour avoir divulgué des informations à la police marocaine, notamment votre adresse IP. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Je n’ai pas la moindre idée sur ce sujet. Je viens à peine de mettre le nez dehors et je ne peux pas lancer des accusations sans preuve. Toujours est-il qu’il y a quelque chose de suspect dans cette histoire. Maintenant, comme je viens de le dire, j’attends d’en savoir plus et d’en discuter avec mon avocat.

Vous étiez sur le point d’aller en appel. Pensez-vous que votre peine allait être confirmée ou, au contraire, que vous alliez être relaxé ?

Au fond de moi, je gardais espoir jusqu’au bout. Je savais que d’une manière ou d’une autre, on finirait par se rendre compte que je n’avais rien fait de mal.

Vous êtes originaire d’une famille modeste de Goulmima. Comment a-t-elle accueilli la nouvelle de votre emprisonnement ?

Ils étaient aussi surpris que moi. Mais ils m’ont soutenu du début jusqu’à la fin. Ils ont coordonné leur action et je ne les remercierai jamais assez pour ça.

Sur le site helpfouad.com, il y avait un appel aux dons. Cela a-t-il porté ses fruits ?

Je n’en sais rien. Je sais seulement qu’il y a eu une grande mobilisation en ma faveur.

Justement, comment avez-vous pris connaissance du soutien dont vous avez bénéficié ?

Lors des visites de ma famille et des proches, on me tenait au courant de l’évolution des événements. Apprendre qu’autant de personnes étaient à mes côtés me faisait chaud au cœur.

Lisiez-vous la presse ?

Oui, on m’a apporté quelques journaux, ce qui me permettait de me tenir informé.

On vous dit réservé, timide même. Comment réagissez-vous face à une telle médiatisation ?

Je ne sais pas vraiment ce que vous entendez par réservé. Par contre, il est certain que je ne cherchais pas à être exposé. Ce que j’ai fait est quelque chose de banal. C’est une conjonction de facteurs qui a amplifié cette affaire.

Vos anciens camarades de l’EMI (École Mohammadia des Ingénieurs) vous ont-ils soutenu pendant votre incarcération ?

Effectivement. J’ai reçu la visite de camarades, membres de l’association des lauréats de l’école. Ils m’ont apporté quelques livres, mais aussi des journaux. Je les en remercie.

Vous êtes-vous connecté à Facebook depuis votre libération ?

Non, je n’en ai pas eu le temps. Mais je le ferai bientôt.

Source : TelQuel - Youssef Ziraoui

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