Le puissant séisme qui a touché le Maroc dans la nuit du vendredi 8 septembre, n’a pas causé que des dégâts humains et matériels. Il affecte durement l’économie du royaume, en plein essor depuis une dizaine d’années.
Hémorragie à la marocaine : même si la croissance est au rendez-vous depuis quelques années, 78% des salariés du royaume seraient prêts à quitter le pays pour aller travailler à l’étranger si on leur ouvrait les frontières.
Voilà le résultat d’un sondage réalisé auprès de 5706 personnes dans 12 pays par le site de recrutement en ligne du Moyen-Orient Bayt.com. Le Maroc trône en tête derrière l’Égypte et la Jordanie.
Malgré une croissance économique annuelle moyenne de 4,9% lors de la dernière décennie, le nombre de Marocains ayant quitté (légalement ou illégalement) le pays a presque doublé. Ils représentent actuellement 10% de la population (3,2 millions).
Pourquoi ? « La croissance n’a eu qu’assez peu de répercussion sur les populations locales », avance Mourad Gourouhi, directeur de Tanmia.ma, pour expliquer en partie cette hémorragie. Pour tenter d’y remédier, son association a publié récemment un kit de sensibilisation pour prévenir l’immigration clandestine. Il sera distribué dans des centaines d’écoles et à des organismes communautaires.
Même si les principaux candidats à l’immigration clandestine sont généralement de jeunes hommes, le kit (BD et DVD) ne s’adresse pas qu’à eux. « On s’est rendu compte que les familles poussaient beaucoup leurs jeunes fils à tenter l’aventure pour qu’ils puissent par la suite leur envoyer de l’argent », ajoute M. Gourouhi, dont l’association a consulté une centaine d’associations et interviewé une trentaine de jeunes directement concernés.
Dans les histoires de ces jeunes, on trouve le cocktail classique : pauvreté, manque de perspectives, pression familiale et envie face aux Marocains vivant à l’étranger qui reviennent au bercail chaque été dans de belles voitures.
Ceux qui tentent leur chance sont surnommés harraga (ceux qui brûlent les frontières). Cachés dans le conteneur d’un bateau au départ de Tanger, dans le nord du pays, ou sous la remorque d’un camion, entassés dans une barque en direction des îles Canaries, ils auraient été 20.000 à immigrer clandestinement en 2007, même si les statistiques restent évidemment imprécises. Certains ont payé leur passeur jusqu’à 8000$.
Mais beaucoup n’atteignent jamais la terre promise et périssent en mer comme l’a encore brutalement rappelé la tragédie récente des îles Canaries. Sur les 25 victimes mortes noyées à moins de 100m des côtes espagnoles il y a deux semaines, 19 avaient moins de 20 ans, la clientèle visée par Tanmia.ma. « À ceux-là, il faut montrer qu’il y a de l’espoir ici et qu’ils ont de la place dans la patrie », indique M. Gourouhi.
Fait notable, bon nombre d’harraga ont un diplôme universitaire. « Entre 30 et 50% des candidats maghrébins à l’immigration clandestine en ont un » estime Ali Bensaâd, chercheur au CNRS interrogé par le magazine Jeune Afrique. Des ressources humaines perdues si le gouvernement ne leur offre pas des perspectives à la hauteur de leurs ambitions.
Source : Métro Montréal - Mathias Marchal
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