En raison du contexte politique négatif en Europe, le ministère des Habous et des Affaires islamiques entend réviser sa politique d’encadrement religieux des Marocains résidant à l’étranger (MRE).
Une nouvelle enquête sur la société marocaine offre un premier regard scientifique sur les valeurs et les pratiques religieuses dans le pays. Si les jeunes Marocains sont moins enclins à la chose religieuse que leurs aînés, ils sont également plus prompts à adopter des idées radicales.
Les résultats détaillés d’une étude réalisée l’an dernier par le magazine Prologue et la fondation Friedrich Ebert, et rendus publics le 7 décembre, donnent un regard sans précédent sur les attitudes des Marocains à l’égard des valeurs et des pratiques religieuses.
Sur la base d’entretiens avec plus de mille Marocains, les sociologues montrent que le rôle de la religion dans les activités sociales est en diminution. La seule exception notoire est le mois du Ramadan, lorsque toute la vie tourne autour de la tradition religieuse.
"Les résultats obtenus confirment, à notre étonnement, ce qui est connu par ailleurs : les jeunes sont moins pratiquants que les vieux", explique le sociologue Mohamed El Ayadi, l’un des auteurs de cette étude, en compagnie du politologue Mohamed Tozy et du sociologue Hassan Rachik.
Lors de cette étude, 28,9 pour cent des personnes interrogées ont affirmé que la religion devait guider la vie personnelle, tandis que 44,8 pour cent restent indécis. Concernant la relation entre religion et politique, les résultats sont globalement similaires : 24,9 pour cent considèrent que la religion devient dangereuse lorsqu’elle se mêle de politique, et 26,1 pour cent sont d’un avis contraire.
Malgré un recul général du rôle de la religion dans les activités quotidiennes, une proportion significative de Marocains sont favorables à l’Islam politique et aux mouvement du djihad. En fait, cette étude montre que 17,6 pour cent de la population répond "oui" à la question : "Etes-vous d’accord ou non avec les mouvements djihadistes ?"
L’étude montre que plus les personnes interrogées sont jeunes, plus elles affirment comprendre ces mouvements. "Ainsi, relève l’enquête, 21,8 pour cent sont d’accord avec les mouvements jihadistes parmi les jeunes âgés entre 18 et 24 ans, contre 9,7 pour cent des 60 ans et plus", explique Mohamed Sghir Janjar, directeur du magazine Prologue.
Selon M. Janjar, l’idée de mener cette enquête a vu le jour après les attentats terroristes de Casablanca, le 16 mai 2003. "Après ces événements, nous étions secoués par ce qui s’était passé dans notre pays", explique-t-il.
"Il y avait deux façons de traiter cette question. Soit réagir immédiatement, tenir un discours sur la religiosité, ou choisir, comme cela se fait dans d’autres pays, ce que l’on appelle le temps long de la recherche, de la réflexion et de la production de la connaissance."
Et M. Janjar de poursuivre : "A défaut d’une connaissance empirique de la société marocaine, on était envahi par les impressions, les opinions, les polémiques." Avant cette étude, dit-il, "personne n’avait une information réelle et scientifique construite sur ce qui se passe réellement dans notre société".
Il espère que des études similaires seront conduites dans d’autres pays arabes ; si une telle étude était menée en Algérie, par exemple, elle pourrait révéler de nouveaux motifs aux attentats terroristes qui s’y produisent.
Au total, affirme-t-il, cette étude révèle "une sorte de sécularisation" ou de "redéploiement du religieux qui est vécu autrement pour aller avec la modernité".
"Jusqu’à présent, il y avait plus de questions que de réponses, plus de suppositions que de faits réels", ajoute Hajo Lanz, de la fondation Friedrich Ebert.
"Maintenant, grâce à cette première enquête, nous avons la possibilité de mieux comprendre et de mieux suivre les autres enquêtes et analyses, afin d’approfondir les différents aspects des résultats de cette enquête sur les pratiques religieuses."
Magharebia - Imrane Binoual
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