Comme annoncé, l’aide prévue pour les familles marocaines dans le besoin sera versée par le gouvernement. Celle-ci devrait intervenir sous peu. Quel montant ? quand est-ce qu’elle sera versée ?
Les enfants de la rue sont nombreux à traîner dans les entrailles de la ville de Casablanca. Tantôt exploités à des fins de mendicité, tantôt asservis par leur propre famille, ils sont ballottés entre la pauvreté et le désespoir. Lehcen, un vendeur ambulant âgé de 5 ans, en est l’exemple criant de ce supplice ayant pignon sur rue dans la métropole.
Flâneurs et désœuvrés, ils arpentent l’Angle Boulevard Zerkouni et Massira Al Khadra. Ils sont pour la plupart nantis, voire dépensiers compulsifs à affluer sur les magasins du prêt à porter Zara, Aldo et Mango...
Lehcen est le seul bambin errant, faisant le tour des lieux proposant aux passants des chewingums au prix modique de cinq dirhams. Ce bambin à la peau bronzé par les rayons dardant du soleil le brûlant à longueur de journée et à la figure attachante et affable malgré les éraflures qui la sillonnent et ces souffrances apparentes qui la ravagent, est le plus petit vendeur ambulant dans les parages.
Ce petit être tient d’une main des petits paquets qu’il vend énergiquement et de l’autre la monnaie, fruit de son dur labeur, qu’il serre ferment dans sa main sachant que la totalité de la recette ira à d’autres mains moins clémentes. Devant ce petit être frêle et fragile, on a l’impression d’être devant le plus dur et le plus robuste des hommes, tellement il est impressionnant.
Ce coin fréquenté par les huppés de la société est son territoire. Est-ce lui qui l’a choisi ? Où est sa sœur qui le surveille de loin qui l’y a placé ? Allez savoir. Le fait est que le petit n’est pas livré à son sort. Mais c’est loin d’être une chance pour lui. Agée de 15 ans sa « frangine » a constamment l’œil sur lui. Mais ce n’est, apparemment pas par affection. Contrairement à l’enfant mal accoutré, éreinté en dépit de cette endurance qui l’anime, l’air soucieux à l’âge où on ne pense qu’à sautiller, à jouer et à s’amuser, la fille est correctement et proprement habillée, djellaba et foulards, babouches assortis, bague au doigt élégamment choisie. Elle est sereine et affiche cette nonchalance des insoucieux, complètement détachée des contraintes de la vie qu’elle a bien léguées à son petit frère. Son frère est bien là à faire l’esclave pour elle.
Les habitués du quartier s’y sont accoutumés. L’enfant fait partie du paysage. Il a un horaire qu’il respecte minutieusement. A 7 heures, il est déjà là, proposant sa modeste marchandise aux matinaux. Ce n’est que tard qu’il plie bagage en compagnie de sa sœur qui prétend être son ange gardien. Cela dure depuis deux ans. Et apparemment, sauf miracle ou du moins force majeure, rien ne pourra le tirer de là. Sa sœur y veillera, à coup sûr de toute sa force.
Cette corvée, Lehcen ne le fait pas par plaisir ou pour subvenir à ces propres besoins mais tout simplement pour nourrir les membres de sa famille ; « Ce travail m’apporte jusqu’à 100 DH par jour. De quoi faire vivre et entretenir les besoins de ma famille ». Un discours révélant une maturité que les enfants ne sont pas sensés acquérir à cet âge là. A cinq ans, ce sont les parents qui vaquent à ce genre de responsabilité.
Au dire des deux gaillards de passage eux mêmes proies au chômage, il arrive que la mère remplace la sœur qui soutient que sa mère est diabétique et ne peut quitter le foyer. C’est elle qui l’escorte juste, dit-elle, pour le garder et le protéger. Et elle de nous rassurer : « Il n’a rien à craindre ».
Contradiction des plus flagrantes trahissant ses réelles intentions. A la question pourquoi tu ne travailles pas toi, ne ce serait-ce que pour l’épargner lui, elle invente toute sorte de bobards : « Cela ne sert à rien », « J’ai essayé de vendre des paquets de kleenex au feu rouge, mais les policiers nous traquent perpétuellement ». Vu qu’elle ne fera avaler à personne ce genre d’arguments, elle lance, l’aire lassée de cette causerie qui lui semble un interminable interrogatoire : « je suis fiancée », comme si l’être est incompatible avec le besoin de travailler pour survivre dans la dignité. Comble des combles le père ne chôme pas. Il travaille dans le dépannage. Est-il seulement au courant de ce que sa « chair » est réduite à faire ? Ou alors le sait-il et donc lui aussi l’exploite à son avantage ?
Le cas de cet enfant est révélateur de la précarité de la situation des enfants pauvres amenés à travailler dès leur jeune âge. Comment se fait-il que l’on continue à tolérer ce genre de situation dans notre société ? Pourquoi cet enfant travaille sous les yeux des passants et des autorités locales sans que personne ne bouge le petit doigt. Où sont les innombrables associations qui s’activent dans ce domaine ? Ne serait-il pas plus utile de procéder à un travail de terrain ? Tout ce beau monde qui rôde dans les parages regardant cette petite créature sans vraiment la voir, n’a-t-il pas sa part de responsabilité dans cette histoire ?
Dans un an, Lehcen devrait être à l’école. Mais après avoir connu les affres de la rue, sera t-il assez préparé pour apprécier le monde de l’école ? Quel sera l’avenir de Lehcen ? Le tir sera-t-il rectifié pour que sa vie ressemble à celle de tous les enfants du monde ou alors personne ne tendra la main pour l’extirper de là, lui qui, à son âge et malgré ses dures conditions de vie, vend et ne mendie point. « Je ne suis pas un mendiant, je suis un vendeur ». crie-t-il à la figure de celui qui le provoque.
Al Bayane - Soumia Yahia
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