Les revenus issus du tournage de films étrangers au Maroc ont connu une forte augmentation.
Si la pièce "Papa est en voyage" n’a rien d’un conte, Hamadi est incontestablement maître dans l’art de raconter. Mêlant souvenirs personnels revisités et fiction, le comédien d’origine marocaine retrace l’histoire de son exil, depuis le jour où son père, travailleur immigré en Belgique, décide de faire venir sa femme et ses enfants, jusqu’à l’entrée à l’école et l’apprentissage de la langue étrangère. Un récit d’une petite enfance mouvementée, entre allers-retours entre le pays originel parfois fantasmé - "ici, mon père, c’est quelqu’un. Ici, mon arbre de vie prend racine" - et le pays d’accueil où il fait froid, même l’été.
Les séquences rythmées par la projection de photos et de magnifiques chants berbères interprétés par le comédien lui-même, Hamadi se replonge dans l’enfance et évoque tour à tour, son chien, sa grand-mère, son grand-père, et ses parents. Les photos sont bouleversantes, souvent. Comme celle du grand-père vêtu d’une djellaba, "sans regard" car "comment regarder ceux qui partent ?" Hamadi rend hommage aux hommes brisés "dans une position d’éternelle attente", à ceux qui, le dos voûté s’abritent aux arrêts de bus. Des hommes, que désormais, on ne regardera plus comme avant. Le comédien raconte une famille, une culture, où les femmes sont généreuses et maternelles et où les hommes ne sourient pas.
Du ton léger pour évoquer le chien, Hamadi glisse et met des mots sur le désarroi d’un enfant "comme un bagage, transporté, déposé". L’émotion, alors, surgit pour ne plus cesser car le texte sublime crée des images et, irrémédiablement, renvoie à la mémoire de chacun. Le portrait des personnages est touchant, particulièrement celui de la grand-mère, qui lui donnait tout son amour au goût de savoureuses tartines imbibées d’huile d’olive et saupoudrées de sucre.
De la beauté des images
Sur le plateau nu, le comédien mis en scène par son fils, Soufian El Boubsi, se lève parfois de sa chaise pour faire corps avec la personne photographiée. L’imagination des spectateurs, captivés par le récit, est sollicitée à tous points de vue, particulièrement quand les paroles s’accompagnent de la musique de Michel Rorive et que les lumières discrètes créent une ambiance intimiste.
La vision personnelle de l’immigration est en fin de compte assez sombre malgré la beauté, et l’on garde à l’esprit l’image obsédante de ce petit garçon vêtu d’un costume trop grand, au regard d’une infinie tristesse.
On pourra continuer à suivre Hamadi avec ses deux autres créations : il poursuit sa réflexion sur les questions de mémoire, de transmission, d’exil et de spiritualité dans "Dieu ? !" et "Sans ailes et sans racines". Un triptyque uni "par la pensée et la construction".
Source : Libre Belgique - Camille Perotti
• "Papa est en voyage" du 23/09 au 18/10 au Pathé Palace, Bruxelles
• "Dieu ? !" du 23/10 au 15/11 à la Vénerie
• "Sans ailes et sans racines" du 13 au 15/01 et du 3 au 14/02 au Théâtre royal de Namur - du 16 au 31/01 à l’Espace Delvaux
Info & réservations : 02 537 01 20 (Belgique)
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