L’évaluation est simple. Le résultat en est nul. Le Maroc n’a créé aucun modèle ni aucune star. Il n’a contribué à aucune des rares success stories de ses fils.
Bien sûr, il y a des Marocains qui ont réussi. Par exemple, dans le domaine du sport : athlétisme, football... Aouita, Nawal Moutaouakkil, El Guerrouj, Arazi, Alami, Bidouane et tous les autres... Leur étoile a brillé dans les firmaments internationaux et fait briller les yeux de toute une nation. Grâce à eux, l’hymne du Maroc a retenti dans les rencontres mondiales les plus solennelles et le drapeau rouge frappé de l’étoile verte qui incarne les couleurs et l’honneur du royaume chérifien a été hissé bien haut.
Dans d’autres domaines, on trouve ceux qui ont décroché des prix prestigieux, comme Tahar Benjelloun (prix Goncourt). Grâce à leur travail, le Maroc peut se glorifier d’être reconnu dans le monde des lettres. Ou encore, les stars que l’on ne présente plus, comme Jamal Debbouze, Gad El Maleh, etc...
Mais tous ces Marocains ne doivent leur succès qu’à eux-mêmes. Leur pays n’a rien fait pour eux. Il n’a rien fait pour les découvrir, rien pour les encourager, rien pour les accompagner...
Pire. Les Marocains qui ont réussi à se construire un nom sur la scène internationale, ont été honteusement récupérés pendant qu’ils étaient au sommet de la gloire et tout aussi honteusement dédaignés dès que leur carrière a pris fin.
Aouita a dû aller prodiguer son savoir à des étrangers. Nawal est membre du comité olympique, mais ce n’est pas grâce au Maroc. Quant à El Guerrouj, il vient de mesurer toute l’estime que son pays a pour lui. Il pensait, en fin de course, pouvoir accéder à la présidence de la fédération d’athlétisme et mettre son savoir au service de ses concitoyens. Il s’était naïvement lancé dans une compétition électorale pour cela. Et voilà qu’on lui dit de se contenter de la vice-présidence - sans élections - et de laisser la présidence à Ahizoune, un homme qui a plus d’argent que lui. C’est l’entreprise qu’Ahizoune dirige, Maroc Telecom, qui a de l’argent. Mais au Maroc, c’est du pareil au même... Un coup de fil et il débloque de l’argent pour la Fédération, un autre et il en débloque pour l’environnement, un troisième et il noie de « sa générosité » une prestigieuse Fondation...
Pourquoi, dans ces conditions, irait-on soutenir la candidature d’El Guerrouj à la tête de la Fédération ? Juste pour donner confiance aux jeunes ? Pour les inciter à suivre l’exemple concret de quelqu’un qui aurait escaladé l’échelle de la réussite sous leurs yeux ? Pour leur permettre de croire à la mobilité sociale et les détourner du désespoir, de la délinquance ou de l’islamisme violent qui les cueille comme des fruits mûrs quand leur désillusion est à son comble ? Tout cela ne semble pas encore important aux yeux du Maroc d’aujourd’hui. Ou, en tout cas, ce n’est pas le plus important. Qu’est ce qui est le plus important ? Qu’on ne compte pas sur nous pour répondre à cette question. Nous en sommes incapables.
Le Reporter - Bahia Amrani