Les Marocains de l’étranger racontés par eux-mêmes

22 juillet 2002 - 21h52 - Maroc - Ecrit par :

La parole ici véhiculée est portée par un besoin d’urgence. Urgence du dire, urgence de sens. Cela fait trop longtemps que nous assistons, bien que passifs, de manière attentive, circonspecte, souvent stupéfaite, à l’évolution du discours et des actes à l’égard des Marocains résidant à l’étranger.

Et comme nous sommes désormais rodés au rituel qui fait des mois de juillet et d’août un temps de célébration hystérique de l’immigré, nous avons choisi de saisir cette période pour dialoguer avec l’intelligence de notre peuple et de ses dirigeants. D’autant que la période, bien qu’estivale, ne reste pas moins un temps de débat démocratique à la vieille d’une échéance électorale déterminante.
Afin d’éviter toute méprise, soulevons d’abord un possible malentendu. Nous ne sommes pas en souffrance. Nous ne voulons pas nous lamenter. Ce serait tellement inconvenant, impudique voire indécent. Ne serait-ce que parce qu’il nous arrive d’être enviés ! Ne serait-ce que parce que, à chaque vacance, il nous arrive d’assister à tant de victimes qui veulent faire le voyage inverse du nôtre en « brûlant » la grande bleue. Non, nous sommes plutôt du côté de ceux qui refusent de se mettre dans la peau de victime. Cette victime qui sert de commerce à tant de nos défenseurs autoproclamés.
Nous entendons simplement, calmement, clairement et librement nous inviter à la table du débat avec nos compatriotes, nos amis, nos responsables et en premier lieu notre jeune Souverain.
Nous restons un morceau détaché de notre terre mais néanmoins solidement arrimé à notre peuple. Toutes générations confondues, nous sommes quelques millions à vivre sous d’autres cieux de par le monde. La majeure partie d’entre nous est installée dans des villes européennes, d’Amérique du Nord ou dans le monde arabe. Mais tout le monde sait que 80% des nôtres se trouvent en Europe et en ordre décroissant en France, aux Pays-Bas, en Belgique, en Espagne, en Italie, en Allemagne pour les seuls pays qui dépassent les 100.000 âmes.
Dans ces différents pays, beaucoup d’entre nous ont laissé leur jeunesse. Et nos enfants, c’est une certitude, seront encore plus nombreux à y passer leur avenir. Il y a fort à craindre que même parmi ceux d’entre nous qui ont atteint l’âge de la retraite, beaucoup ne rentreront probablement au Maroc que pour y mourir.
C’est dire combien le rapport au mythe du retour doit être mis en crise, en branle et en interrogation. Cette donnée, loin d’être anodine, préside tout débat. Elle conditionne fondamentalement et profondément l’avenir même des choix des politiques que le Maroc doit mener avec ses émigrés. Elle pose, cette donnée, ne serait-ce qu’une question parmi tant d’autres : Doit-on favoriser l’intégration dans les pays d’accueil ou entretenir de façon illusoire, coûteuse et souvent inefficace l’attachement au pays d’origine ? Comme si cet attachement pouvait être négociable !
Un jour, l’occasion m’a été donnée d’entendre un des hommes les plus influents au Maroc dire en substance que notre pays était prêt à innover ses relations avec ses émigrés. Mais qu’il revenait aux émigrés eux-mêmes d’aider le Maroc à trouver les modalités de cette innovation. Je crois qu’il avait raison. Fondamentalement raison.
Ici se trouvent, modestement, les contributions de certains acteurs de la cité française. Ce ne sont pas hélas, et c’est important de le préciser, les membres d’une quelconque organisation ou parti. Ils sont le produit de rencontres, de télescopage, de réseau…Rares sont ceux qui se connaissent physiquement. Ils ne sont liés que par un seul fil rouge : leur marocanité.
Il ne s’agit ni de star à exhiber ni de sportif à afficher. Il s’agit, pour une fois, de donner la parole à cette classe moyenne en devenir. Des acteurs, souvent essentiels, dans leurs cités respectives. Ils travaillent pour vivre et militent pour que la part de leur marocanité survive face au rouleau compresseur de l’exil. Ce sont de petites fourmis besogneuses qui œuvrent, pour la plupart, dans le vivre ensemble. Ils ont, le plus souvent, le respect de leurs collaborateurs, de leurs partenaires, de la classe politique locale…
Et il ne viendrait à l’esprit de personne de mettre en doute leur amour pour le Maroc.

Par Driss Ajbali pour libération

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Droits et Justice - Immigration - MRE

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : Pénurie inquiétante de livrets de famille

Anticipant sur la forte demande de livrets de famille à l’approche de la saison du retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE), le ministère de l’Intérieur mobilise les inspecteurs de l’état civil au niveau des préfectures dans les différentes...

Ramadan 2024 en France : Le Maroc perd la main sur l’encadrement religieux des MRE

À l’approche du mois de Ramadan, des voix s’élèvent pour réclamer une formation religieuse adaptée aux Marocains résidant à l’étranger, notamment en France.

Aide au logement : gros succès auprès des MRE

Le programme d’aide directe au logement connait un franc succès depuis son lancement. Au 23 mai 2024, 11 749 personnes ont déjà pu bénéficier de cette aide, sur un total de 73 711 demandes déposées. De nombreux Marocains résidant à l’étranger ont...

MRE : est-il interdit d’introduire des médicaments au Maroc ?

La question de l’importation de médicaments personnels se pose fréquemment pour les voyageurs se rendant au Maroc. L’Administration des Douanes marocaine a prévu un dispositif de franchise de droits de douane pour les médicaments à usage personnel....

L’Europe cherche à bloquer les transferts des MRE

Face à la hausse continue des transferts de fonds des Marocains résidant à l’étranger (MRE) vers le Maroc, l’Union européenne s’apprête à prendre une directive pour réduire ces transferts via les banques marocaines implantées en Europe.

MRE : comment rapatrier votre voiture en cas d’imprévu ?

Le régime d’Admission Temporaire (AT) permet aux Marocains Résidant à l’Étranger (MRE) d’importer temporairement leur véhicule au Maroc. Des situations imprévues peuvent empêcher le propriétaire de réexporter lui-même son véhicule. La douane marocaine...

L’appel des chrétiens marocains

La communauté chrétienne au Maroc a réitéré, à l’occasion de la célébration de la fête de Noël, sa demande d’abrogation de l’article 220 du Code pénal et de la dépénalisation du prosélytisme.

ADN au Maroc : vers un fichage incontrôlé ?

L’utilisation à des fin illégales des empreintes et des échantillons d’ADN des Marocains, prélevés dans le cadre des enquêtes criminelles, préoccupe des parlementaires qui ont interpelé le gouvernement à ce sujet.

Des Marocains célèbrent la fin des accords de pêche avec l’Europe

Sur Facebook, de nombreux internautes marocains et des spécialistes des relations maroco-européennes affichent leur satisfaction après la décision de la Cour de justice annulant les accords de pêche entre l’Union européenne (UE) et le Maroc.

Marhaba 2023 (MRE) : un record dans les ports marocains

L’opération « Marhaba 2023 », visant à faciliter le passage des Marocains résidant à l’étranger (MRE), a enregistré un flux record cette année, avec près de 2,84 millions de passagers et 642 000 véhicules ayant transité par les ports marocains entre le...