Pour le Maroc, Mme Guigou choisit l’Europe…

28 avril 2004 - 23h28 - France - Ecrit par :

S’exprimant lors de la rencontre organisée par le Club Politique récemment créé par la Fondation Abderrahim Bouabid et la Fondation Frederich Ebert, Elisabeth Guigou, députée et ancienne ministre française, a profité de l’occasion pour marteler, devant un public de décideurs marocains, ses convictions européennes.

Connue pour ses positions en faveur d’un réel partenariat entre les pays des deux rives de la Méditerranée, Elisabeth Guigou a commencé par mettre l’accent sur les trois chocs qui devraient faciliter ce partenariat à l’horizon 2010. Selon elle, la démographie, la technologie et le terrorisme créent des champs de collaboration entre ces pays et devraient finir par imposer une convergence d’intérêts qui ne peut laisser indifférents ni les peuples ni leurs dirigeants. Sur tous ces points, l’assistance ne pouvait qu’être consentante.

Critique du “Grand Moyen-Orient”

Mme Guigou s’en est ensuite prise à l’initiative du Grand Moyen-Orient, présentée par l’actuelle administration américaine. Là non plus, elle n’a pas eu beaucoup de mal à convaincre l’auditoire. Ses raisons sont bonnes et, d’ailleurs, partagées par bon nombre d’analystes et décideurs marocains et arabes. Elle a ainsi raison de noter l’inopportunité de l’aire géographique du projet et de stigmatiser son ignorance du conflit qui oppose le monde arabe à Israël, même si, au départ, le constat des déficits sociaux, économiques et politiques dans cette région exige que des réformes urgentes soient entreprises dans tous ces domaines.
Mais Elisabeth Guigou a aussi tenu compte du fait qu’elle se trouvait en terre marocaine et qu’elle devait contribuer à la réponse de la question en débat : Où va le Maroc ? Ce faisant, elle a invoqué avec étonnement les surliquidités qui dorment dans les banques marocaines, puis une étude récemment faite par un brillant étudiant marocain et qui fait apparaître la baisse dans les investissements étrangers au Maroc, avant de fustiger les déficits en matière judiciaire et notamment la persistance du phénomène de la corruption.
Répondant à l’autre partie de la question sur la position du Maroc entre l’Europe et l’Amérique, Elisabeth Guigou a déployé un discours beaucoup moins diplomatique qui, tout en insistant sur le respect des choix souverains de ce pays, a clairement affirmé que le Maroc faisait un mauvais choix en signant un accord de libre-échange avec les Etats-Unis.
Ses argument ? Rien de bien nouveau : les distances, l’histoire, le volume des échanges, la comparaison entre Meda et le fonds géré par la fille Cheney… Mais l’ancienne ministre a aussi évoqué le maïs et l’exception culturelle que les négociateurs marocains auraient sacrifiés.

Vieillissement et diplomatie

Un plaidoyer en bonne et due forme pour un ancrage exclusif du Maroc à l’Europe. Un plaidoyer qui étonne lorsque l’on sait que dans tout accord commercial, il y a des risques et des opportunités, des secteurs perdants et des secteurs gagnants.
Lorsque l’on ne peut ignorer la libéralisation irrépressible des échanges dans le monde d’aujourd’hui qui conduit, par exemple, le Chili à signer des accords de libre-échange avec l’Europe et l’Amérique. Lorsque l’on doit respecter le droit de tous les pays à diversifier leurs partenaires commerciaux et à rechercher l’émulation entre les deux grandes puissances économiques du moment. Lorsque l’on peut facilement comprendre que le Maroc, en se frottant aux deux puissances économiques partenaires, cherche également à dynamiser et renforcer son processus de réformes.
Et lorsque, enfin, on ne devrait qu’encourager le Royaume à défendre ses intérêts économiques en ouvrant de nouveaux marchés à ses exportateurs et en favorisant l’implantation de nouveaux investisseurs, en particulier européens, qui pourraient profiter de cet accord. Mme Guigou l’a bien dit : toutes les statistiques prévoient le vieillissement de l’Europe et son dépeuplement dans les cinquante années à venir. En fermant ses portes aux pays du Sud et en continuant à regarder à l’Est, non seulement l’Europe ne règle pas ce problème, mais elle ne diminuera pas de l’attrait exercé par l’Amérique, qui n’est pas représentée seulement par l’administration actuellement aux commandes !

L’économiste

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