"Louange à Dieu.
Que la prière et la paix soient sur le prophète, sa famille et ses compagnons.
Monsieur le président de la république, Messieurs les chefs d’état et de gouvernement, monsieur le secrétaire général de l’ONU, Excellences, Mesdames et Messieurs,
Le sommet des chefs d’état d’Afrique et de France, qui tient ses assises aujourd’hui à paris, est une occasion exceptionnelle qui nous permet de nous retrouver dans une rencontre empreinte de fraternité et de solidarité. Elle répond à un devoir de concertation sur les moyens de renforcer le partenariat franco-africain, dans une conjoncture mondiale préoccupante.
Face à ces incertitudes, l’Afrique et la France, unies et solidaires, ont un message de paix, de dialogue et de tolérance à faire entendre et une œuvre commune à poursuivre pour plus de progrès et de démocratie.
A cet égard, prenant la mesure des défis qu’elle doit relever, l’Afrique s’est engagée dans une stratégie de développement globale et intégrée. Le nepad, expression éloquente de cette stratégie, offre une plate-forme exemplaire pour un partenariat interafricain fructueux et une coopération internationale agissante.
La France et son président, son Excellence monsieur jacques Chirac, convaincus du caractère novateur et audacieux de cette initiative, pèsent de tout leur poids pour lui assurer un appui international accru.
Pour sa part, le royaume du Maroc est résolument engagé dans ce processus et soutient inconditionnellement cette initiative porteuse d’espérances.
Le Maroc est persuadé que les réformes envisagées, en particulier celles relatives à la bonne gouvernance et au processus de démocratisation, ne manqueront pas de libérer les énergies nécessaires et de mobiliser les potentialités régionales et continentales, pour donner un contenu concret aux principes et objectifs du nepad.
Certes, les besoins sont multiples autant que sont pressantes les réformes à entreprendre dans de nombreux domaines vitaux. Toutefois, certaines réformes s’imposent avec plus d’urgence parce que déterminantes et salutaires.
Je m’en tiendrai à la problématique de l’eau à laquelle notre continent se trouve sérieusement confronté.
Source de vie, l’eau est plus que jamais menacée de rareté car, au fil du temps, les besoins ne cessent de s’accroître. De plus, cette ressource est soumise aux bouleversements de l’écosystème qui provoquent des inondations dévastatrices, engendrent des sécheresses et aggravent la désertification.
Ces perturbations font que l’Afrique accuse de sérieux retards en la matière. Quelques chiffres suffiraient à en mesurer la gravité : un africain sur deux a donc accès à l’eau potable, et ce besoin essentiel concernera 400 millions de citoyens africains d’ici 2015.
Des dysfonctionnements perturbent en permanence l’approvisionnement en eau de nombreuses cités africaines. Par ailleurs, sur les 45 millions d’hectares irrigables, recensés par la f.a.o, 12 millions seulement le sont effectivement.
Alors que les besoins annuels en investissements publics sont estimés à 10 milliards d’euros, l’Afrique subsaharienne ne représente que 5% de l’ensemble du portefeuille alloué par la banque mondiale aux investissements dans le secteur de l’eau. Monsieur le président, ce constat douloureux nous interpelle tous par la gravité des questions qu’il suscite.
En effet, comment généraliser l’accès à l’eau ? Comment faire face aux effets dévastateurs des variations climatiques ? Comment gérer, en bonne intelligence, les eaux partagées dans un continent où la jurisprudence fait parfois défaut en raison de la différence des systèmes juridiques ? Enfin, comment mobiliser les financements nécessaires, pour faire face à l’ampleur des besoins, à une époque où les financements appropriés se font de plus en plus rares ? Cette situation provoque de légitimes inquiétudes. J’aimerais toutefois introduire une note d’optimisme, en affirmant toute ma confiance en la solidarité entre le nord et le sud, et en les possibilités qu’offre la coopération sud-sud, afin de relever le grand défi posé par la gestion de la rareté de l’eau.
En Afrique, la politique de l’eau est un domaine de partenariat par Excellence, car les fleuves et les nappes ne connaissent pas de frontières.
Ce qui exige une réelle entente sur la manière de tirer équitablement parti d’une richesse qui est, par sa nature même, un bien partagé. Elle ne peut profiter à tous que par une coopération étroite, basée sur un consensus clair, et sur un minimum de règles admises par l’ensemble des états concernés
Le royaume du Maroc a fait de sa politique hydraulique un champ de partenariat fructueux avec de nombreux pays frères et amis. Il est prêt à s’engager encore plus dans cette démarche. Mon pays entretient avec l’eau une histoire millénaire qui a trouvé son prolongement dans l’expérience hydraulique, initiée par mon auguste père, feu Sa Majesté le Roi Hassan il, que Dieu l’ait en sa sainte miséricorde. Nous tirons de cette expérience l’enseignement qu’il n’y a pas de difficulté insurmontable quand une volonté déterminée est mise au service d’une vision claire.
C’est en hommage à cette vision que la communauté internationale, représentée par le conseil mondial de l’eau, a institué le "grand prix mondial Hassan II de l’eau", dont la première édition aura lieu, le 16 mars prochain à Kyoto, à l’ouverture du troisième forum mondial de l’eau.
Aujourd’hui, plus que jamais, l’humanité éprouve l’impérieuse nécessité d’élaborer une vision planétaire et intégrée de la gestion de l’eau.
Aussi, le moment me semble venu pour que soit enfin prise une initiative audacieuse, généreuse et réaliste dans le cadre du programme du nepad et des grands rendez-vous de l’année, notamment le troisième forum mondial de l’eau de Kyoto et la prochaine réunion du g8 à Evian.
Cette initiative s’articulerait autour de trois démarches majeures : l’élaboration de politiques hydrauliques, leur mise en œuvre dans le respect des exigences de la bonne gouvernance et dans le cadre d’une coopération sud-sud, et leur financement par un fonds international de l’eau pour l’Afrique.
Il s’agit là d’un projet digne de la grande amitié qui unit la France et l’Afrique. Le royaume du Maroc est prêt à s’y investir pleinement et durablement, en partageant avec tous ceux qui le souhaitent, les enseignements qu’il a tirés de ses réussites comme de ses échecs, et à faire de cette grande œuvre, un exemple tangible de fraternité réelle et de solidarité agissante.
Tels sont, monsieur le président, Excellences, Mesdames et Messieurs, les éléments que je souhaite verser au débat sur l’avenir de notre continent.
Nous sommes tous persuadés que l’eau constitue un formidable espace de coopération où nous pouvons, au-delà des conjonctures, des frontières et des différences, unir nos volontés et organiser notre action sur un thème dont Dieu, le tout puissant, a dit dans le saint coran : "nous avons fait de l’eau toute chose vivante". Monsieur le président de la république, il m’est agréable, en conclusion, de rendre un vibrant hommage à votre engagement personnel, jamais démenti, aux côtés de l’Afrique, étant persuadé que lors des prochaines échéances internationales et régionales, la France, par sa voix la plus autorisée, la vôtre monsieur le président, saura plaider la cause de l’Afrique et convaincre de sa détermination à réussir son projet de développement durable, dans la paix et la sécurité.
Qu’il me soit permis, enfin, de vous exprimer, ainsi qu’au gouvernement et au Peuple français ami, mes sincères remerciements pour la qualité de l’accueil et l’hospitalité généreuse que vous nous avez réservées et pour les efforts louables que vous avez déployés pour assurer le succès de nos travaux.
Je vous remercie.
Que la paix, la miséricorde et la bénédiction de Dieu soient sur vous".
20/02/2003
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