Jan Peter Balkenende est un homme politique à l’échine flexible. Si l’on se réfère aux critères néerlandais, les trois gouvernements des Pays-Bas qu’il a dirigés, de 2001 à 2006, se sont caractérisés par une politique inhabituellement sévère à l’égard des demandeurs d’asile et des immigrés en général. La nouvelle coalition qu’il va diriger promet un changement de cap. Parce qu’une mesure de régularisation pour les demandeurs d’asile arrivés dans le pays avant 2001 sera promulguée, mais aussi parce que deux personnalités issues de l’immigration accèdent à des responsabilités gouvernementales.
Ahmed Aboutaleb, 46 ans, fils d’un immigrant marocain, devient secrétaire d’Etat aux affaires sociales. Ce travailliste occupait jusqu’à présent un poste d’adjoint au maire à Amsterdam. Très hostile aux islamistes, il avait exprimé, après l’assassinat du cinéaste Theo Van Gogh, en 2004, son opposition aux extrémistes musulmans et à ceux qui, disait-il, ne respectent pas les valeurs de la société néerlandaise. Il avait, comme d’autres responsables politiques, été menacé de mort et placé sous haute protection.
Premières difficultés
Des observateurs voyaient, en fait, M. Aboutaleb devenir ministre, voire numéro deux du gouvernement, car Wouter Bos, leader du Parti travailliste, avait indiqué, durant la campagne électorale, qu’il lui serait impossible de travailler sous la direction de M. Balkenende. Mais M. Bos s’est ravisé. Il est finalement devenu vice-premier ministre et ministre des finances. M. Aboutaleb a alors hérité des affaires sociales.
Une autre travailliste, Nebahat Albayrak, née en Turquie en 1968, est nommée secrétaire d’Etat à la justice, où elle gérera le dossier de l’intégration. Juriste, elle a étudié les sciences politiques à Paris. Elle incarnera la nouvelle politique néerlandaise en matière d’immigration, conduite jusque là par l’inflexible Rita Verdonk, ancienne ministre libérale.
L’entrée au gouvernement de ces personnalités a immédiatement suscité des difficultés. Jeudi 15 février, le Parti pour la liberté du député populiste Geert Wilders a tenté de bloquer la nomination de Mme Albayrak et de M. Aboutaleb, estimant que le fait qu’ils possèdent une double nationalité posait la question de leur "loyauté" à l’égard des Pays-Bas. Une vive discussion a éclaté, au cours de laquelle Rita Verdonk a estimé que les nouveaux secrétaires d’Etat pourraient prouver leur "fierté" d’être néerlandais en délaissant leur autre passeport. "J’ai fait des choix, je n’ai jamais utilisé mon passeport marocain", a déclaré M. Aboutaleb.
Le Monde - Jean-Pierre Stroobants
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