Un mariage célébré au Maroc a connu un dénouement inattendu et triste. Le marié a prononcé le divorce le soir même des noces, suite au refus de sa jeune épouse de revêtir la traditionnelle tenue amazighe.
Après avoir étudié les différents aspects du mode d’être de l’amazighité, la question qui se manifeste alors avec plus d’insistance, c’est bien celle du mode de faire, du mode d’emploi. Plus modestement, nous ouvrons ici un débat, non seulement pour préparer le terrain mais surtout pour parler d’une possibilité, c’est-à-dire de ce qui pourrait être...
Il faut répondre maintenant à une question complexe et plurielle : Que faire pour être ? Que faire pour assurer la survie à une culture embarquée, contre son gré, dans la « course ethnocide » ? Quelles sont les différentes propositions offertes à l’amazighité pour connaître son épanouissement ? Quelle voie faut-il prendre pour sauver l’héritage millénaire qui pâtit l’érosion « provoquée politiquement » depuis plusieurs siècles ? Quel est le mode d’emploi le plus approprié à « mouvoir » l’amazighité ?
Esquisser tout simplement des schémas s’avère une initiative simpliste, si d’autres questions apparaissent encore plus pressantes : Quel est l’autre mode d’emploi qui nie l’amazighité ? Comment désarticuler les « aires de négation » de tamazight ? Ce n’est qu’après avoir dénoué ces entraves, résolu ces questions-équations et défini les critères objectifs de l’amazighité qu’on pourrait entamer le chemin de la réconciliation avec l’être, le lieu où tout se résout. Ainsi, avant de germer, de croître, d’être et de « persister » à être, il est temps de mater le négatif. Et de ces brindilles illuminer un être composé et positif. C’est pourquoi, il appartient aux Imazighen, rien qu’à eux, de définir et/ou de distinguer les ressorts qui freinent l’évolution vers l’existence autonome de ceux qui l’amputent, l’altèrent et le sacrifient.
1 - Des airs d’être...
Des siècles et des siècles nous pressent à réfléchir au lieu d’où nous venons, aux terres que nous délimitâmes comme nôtres, aux époques que nous occupâmes physiquement, aux pensées que nous enrichissons sans cesse, aux sentiments que nous faisons humaines et aux formes que nous burinons sur tous les espaces sans qu’on les reconnaisse en tant qu’amazighes. Le faire amazigh, qui a souci d’une haute et singulière clarté, se rétrécit comme une peau de chagrin, il se réduit à l’unique marge que lui accordent l’arabe, le français, l’espagnol et l’anglais dans son propre espace naturel.
Et je ne peux que penser : nous avons presque tout oublié. Et quelqu’un s’énerve, de rage, quand on parle de l’importance de tamazight, et un autre s’enivre, de peur, quand il pense au futur obscur réservé à son être dans le monde. Je ne suis ni pour l’un ni pour l’autre. Un troisième dira sûrement : « Je veux être. Voilà mes formes d’être ! Mon attitude est déjà fixée pour m’assurer la continuité. » Sachons que celui qui s’énerve et celui qui s’enivre, développent des réactions éphémères, non pas une action ou un mode d’emploi de l’être, comme c’est le cas avec le troisième. Voilà notre position pour récupérer l’être authentique, pour refaire notre monde et buriner l’oubli afin d’en faire une mémoire fixe et fixée.
Comment fixer l’être pour garantir la continuité ? Quelles sont les formes qui peuvent sortir les Imazighen de leur « enivrement » et de leur « énervement » ? Quel est le mode d’emploi efficient de l’amazighité ? La question du mode d’emploi d’une culture précise est en soi une simple expérience ou expérimentation de l’être dans le monde : mettre en pratique, apprécier essayer, réguler, vérifier et refaire doivent être les différents faits enchaînés pour dégager l’être authentiquement amazigh. Où sont-ils les lieux de l’expérimentation (pour tamazight) que sont l’école, l’administration et les médias ? Comme il n’y a pas d’expérience sans expérimentation, décidons alors de mettre en pratique ce que nous sommes, de quitter ce que nous sommes devenus par décomposition pour prendre la route de notre étant, pour être définitivement dans l’Histoire. C’est ce qui nous reste comme lieu d’être ou lieu de non-être, c’est-à-dire la marge.
Encore est-il temps de penser à la récupération de l’être, de réfléchir à l’initiative de fonder l’amazighité et à la fixation de l’être dans l’Histoire.
2 - L’amazighité, expérience de l’être
Notre être ici maintenant, c’est de mourir. L’homme à venir au Maghreb est un Amazigh qui se verra Arabe, Allemand, Basque, Français, Espagnol, Caucasien... mais jamais comme un nord-africain, c’est-à-dire un simple amazigh. Voilà la situation.
Aurons-nous donc tout perdu ? Non, nous vivons toujours. L’on préfère surtout ne pas citer qui est l’origine du mal, expliquer ce qui est le mal. Il est là, pire que le sida qui corrompt l’immunité. L’on se satisfait de penser au remède, sans poser cette question : qui est à l’origine de tout cela ?
Imaginons tamazight comme un objet qu’on a entre les mains, que doit-on faire pour l’employer parfaitement ? L’amour seul est justement « in - nécessaire » : Trop d’amour tue ! Peu d’amour tue ! Comment administrer cet amour qui assurerait la continuité ? Crier son amour, taire son amour deviennent deux gestes semblables. Il faut « créer » l’amour. De là, il faut « faire » tamazight. Là encore, il est moins important de trouver la formule, mais plus judicieux de trouver le mode d’emploi qui assurerait la guérison et la santé, de là la pérennité.
Sur le point de cette expérimentation, quelle est la manière appropriée d’être pour l’amazigh ? Quelle est son attitude vis-à-vis de son « faire » positif ? Quelles sont ses formes de présence qui lui donnent une signification dynamique ? Que l’on dise que l’aïeul amazigh a vécu depuis plus de 10 000 ans, cela est vrai. Que l’on dise que tamazight a l’alphabet « tifinagh », qu’elle est une langue « afrasiatique », cela est vrai. Que l’on dise que tamazight continue à véhiculer parfaitement ses significations, cela est vrai. Que l’on dise que les Imazighen demeurent les uniques autochtones de l’Afrique du Nord, cela est vrai. Que l’on dise que tamazight a des symboles propres, cela est vrai. Mais, ce ne sont là que des manifestations vidées de sens fixe. Peut-être sont-elles aussi des situations qui concourent à l’enrichissement d’autres significations plus globalisantes et étrangères, au moment où il n’y a pas de reconnaissance officielle, institutionnelle, constitutionnelle et politique. Il n’est plus temps de dire, mais de faire.
Si l’amazigh, mi-conscient, mi-inconscient, retrouve encore ses origines dans l’être quotidien qui sait tout sans savoir lire les langues étrangères, qui conçoit le monde suivant une vision particulière, qui ravoit des formes confuses, qui traduit des méprises pour expliquer..., que serait-il alors de la continuité ? L’on est amazigh, l’on sera, l’on restera dans des structures de négation. Pour réaliser le « faire identitaire », il faut revoir l’emplacement du « je » au sein de l’Histoire qui demeure le garde-robe de toute société. En Afrique du Nord, il n’y eut que des conquêtes, les africains du nord n’ont jamais rien conquis. Même l’Andalousie est conquise par les arabes ! Par ailleurs, la conquête islamique est passée par deux longues et terribles étapes : en premier lieu arabiser avant d’islamiser afin d’effacer le « signe », et en deuxième lieu islamiser en effaçant les restes des autres civilisations. Il y a des peuples qui se sont justement arabisés (les juifs), et d’autres qui se sont seulement islamisés (les Turcs, Persans) et un troisième groupe arabisé et islamisé (les Imazighen). Pourquoi les autochtones de l’Afrique du Nord font partie précisément de ce dernier groupe ? Pourquoi le problème de l’Islam se pose-t-il avec plus d’acuité au Maghreb alors que les Imazighen défendent courageusement la foi ? Combien d’Imazighen apprennent-ils le Coran par cœur sans comprendre l’arabe ? Là, il ne s’agit pas de l’Islam, mais de l’arabisation forcenée... C’est justement là un point à tenir en compte lors de la conception d’un mode d’emploi pour l’amazighité.
D’autre part, les ethnologues, à confondre parfois avec les colonialistes, arrivent jusqu’à mettre dans un même sac la prétendue sauvagerie, le manque de civilisation, l’archaïsme social et le sous-développement économique des peuples et que dire de leur langue ! Et dans le cas du Maghreb, à un peuple sauvage correspond une langue sauvage, dite depuis berbère, scellée partout comme telle... L’amazighité a été victime de ce qualificatif qui rend compte moins d’un sauvage que de quelqu’un qui est incapable de se nommer, de se défendre et de prendre le destin dans ses mains. Comment parvenir à nous renommer, si la situation actuelle montre un amazigh comme étant un être émietté, et si elle-même est souvent « maquillée » jusqu’au point de la confusion avec d’autres êtres, enfin si elle ne peut point véhiculer le quotidien dans toutes ses formes ? De même, le mode d’emploi pour l’amazighité découle de ce point de vue.
III - L’amazighité, quel mode d’emploi ?
Tamazight est un interdit. Elle est un opprobre. Elle est le péché historique. Elle est le signe de l’échec. Elle n’est que la marge. De telles situations nous apportent un éclaircissement : tamazight est un être à effacer. Si l’on essaie de le graver dans le tissu socio-politique, il faut penser sérieusement à un mode d’emploi.
Quel est donc le mode d’emploi qui pourrait nous assurer la vie parmi toutes ces cultures étrangères ? Le mode d’emploi amazigh est essentiellement cette voie qui mènerait tous les Imazighen à poser les fondements à leur être (histoire, culture, langue, civilisation). Mais, il faut signaler qu’il n’y a pas un unique programme fini, ni un plan plus total, ni un chemin plus correct.
Voici un ensemble de pas ou de démarches qui, à notre modeste point de vue, déterminent le mode d’emploi pour sortir l’amazighité de sa léthargie :
1 - Définition de l’origine
L’origine est avant tout un milieu où des êtres se retrouvent pour fonder une culture commune. Qu’en est-il du nôtre ? Dans l’exemple de l’Afrique du Nord, les Imazighen sont censés être, d’après les manuels scolaires et les institutions, des étrangers. De l’effacement à la place du commencement.
Si nous nous enracinons dans l’homme autochtone qui naquit habita et régna en Afrique du nord, l’origine constitue alors la seule expérience civilisationnelle qui pourrait constituer le rattachement solide au réel. Soyons encore réalistes !
Là, nous avons un fondement à rappeler à tout curieux aliéné, à tout acculturé savant. De l’origine, sachons-le, naissent des mythes créateurs.
2 - Mythes créateurs
La vie, sinon la continuité, est assurée par les mythes ou les faux Absolus ; l’histoire meut par leur reproduction infinie. Ils signifient la force d’une culture : ils montrent l’invisible, ils démontrent l’indéchiffrable, ils expliquent l’inexplicable, ils fondent le non-fondé, ils récupèrent l’irrécupérable, ils développent le non-pensé, ils attestent l’insondable. L’abstrait garantit, par conséquent, la continuité du concret, du physique et de l’être. Si l’amazigh connaît sa dégradation / errance, c’est par le manque de ces ensembles de fixation qui déterminent son être. Créons-les pour survivre ! Aux « vieux » mythes amazighs, nous leur avons substitué d’autres exogènes. Ces derniers excluent l’amazighité, nous les appellerons « contre-mythes » amazighes. Comment concevoir alors une pensée maghrébine saine physiquement et spirituellement ?
D’emblée, d’autres questions sont à poser : Quel est l’écrit où la désignation « amazigh » apparaît pour la première fois ? Quel est le premier système qui organisa la pensée amazighe ? Quel est le credo amazigh ? Il s’agit là de questions fondamentales qui aideraient à recréer l’homme intégralement amazigh.
Sachons enfin que toute pensée dérive d’un système de mythes, et une pensée autonome de leur originalité.
3 - Pensée autonome
L’être amazigh doit développer une pensée autonome, celle qui pourrait cerner son être historique, situer sa pensée, délimiter son champ de vision du monde. Où est-elle ? Si la pensée existe dans et à travers la langue, l’intellect mobile socialement et/ou politiquement est aménagé dans le style du Pouvoir. L’on fuit alors sa pensée, mais surtout son indépendance à réfléchir.
L’une des grandes bases de toute invasion, de toute conquête, de toute expansion est l’emprise sur la langue des peuples. Avec l’invasion méditerranéenne, tamazight se trouve accolée à d’autres héritages exogènes. De même, les sauvages colonisations des siècles XIX et XX, des langues impérialistes substituent les langues des autochtones, tamazight se réduit dans sa mobilité car l’espace manque...
4 - Conception particulière de l’espace et du temps
Penser, c’est avant tout tenter de définir sa position vis-à-vis du chronotope. Il n’y a pas de temps amazigh, non plus d’espace authentiquement amazigh. Si les cultures célèbrent chaque année leur anniversaire en tant que création du monde, qu’est-il du nôtre et de la création du monde selon la conception amazighe ?
Le positionnement de tamazight et/ou de l’amazighité est historiquement de nature spatiale. Dans l’histoire du Maroc, l’on cite la division des terres selon une vision du pouvoir : l’espace makhzen, terre de l’ordre, et l’espace siba, terre du désordre car forum de la langue tamazight. Pour certains, ce bled n’est apparu qu’à la fin du XIXe siècle, alors qu’il a toujours existé avec toutes les invasions du Sud méditerranéen. Lieux de siba, peuple de siba, pensée de siba...
Au sein de l’institution, qui symbolise la conception étatique des choses et de l’espace, l’on écoute fréquemment : « Ici, tu dois parler en arabe, dehors tu peux parler en tamazight. ». Cela veut dire, chaque langue remplit une fonction spécifique suivant l’espace occupé. L’arabe est la langue de l’administration ( et par extension de la culture reconnue) tandis que tamazight est réduite à l’espace « hors institution » (vulgaire et par extension propre à la vie quotidienne, au non reconnu).
5 - Symbolique amazighe
Pour parler à Dieu, il ne faut pas parler en tamazight. C’est là que commence la tragédie de l’être amazigh.
Le symbolique, rappelons-le, n’a de sens que dans ses déplacements à travers les espaces, à travers les temps. Y a-t-il un système amazigh fait de symboles ? Dans quel système de symboles se reconnaît l’amazigh ? Quels seraient ces motifs communs sur lesquels les Imazighen se mettraient d’accord alors que ce qui leur est toujours commun ou ce qu’ils partagent provient de l’étranger et de l’extérieur ? Une symbolique amazighe qui doit par extension se manifester dans le quotidien, dans les formes, les idées et les significations du réel, est à fonder. La langue tamazight est l’unique signe de notre identité, il ne peut exister d’autre signe pour nous unir. Tamazight a été l’identité collective des Numidiens jusqu’au dernier règne amazigh des Berghouata.
Ainsi, l’alphabet tifinagh peut être vu comme étant une structure symbolique capable d’investir notre être de sens communs, de significations propres. Il est sous forme de traces physiques temple d’Apolo (VI II siècles avant JC), dans la nécropole, sur les pierres taillées de partout en Afrique du nord). Le tifinagh se compose essentiellement de caractères géométriques, de cercles, de points et de barres, il est comme toutes les autres représentations. S’il est antique et menacé de discontinuité historique, il y a bien sûr le néo-tifinagh qui répond parfaitement aux besoins de maintenant.
La symbolique régénère en profondeur l’être.
6 - Régénération de l’être.
La régénération de l’être sera suivant l’évolution des variations globales qui déterminent la société maghrébine, elle affirme la volonté d’être ce qu’on est. S’il y a écoulement pour instaurer la tradition démocratique, sachons que l’amazighité est le premier pas. Elle est le seuil pour tout discours sur la démocratie. Pour être ce qu’on est, l’amazighité devient une étape incontournable. Régénérons les traces restantes en ramendant celles qu’ont effacées les pouvoirs étrangers !
Comment reproduire l’être amazigh qui est en train de connaître une détérioration continue ? Par l’institutionnel, par le para-institutionnel, et par le contre-institutionnel...
Régénérer, c’est se rassurer une immunité propre.
7 - Immunité prophylactique.
Peut-elle l’amazighité se nourrit des éléments protecteurs qui puissent lui assurer un équilibre vital ? L’immunité d’une collectivité est bien sûr manifeste dans la langue, la société, la culture sous forme d’éléments qui définissent le profondément oublié, l’inconscient collectif enterré... Le fonds commun du lexique amazigh ne peut-il démontrer à lui seul étymologiquement l’existence d’une unique langue, d’une immunité « physique » structurée par des critères naturels à ce corps.
8 - Liberté équilibrante.
La vie existe dans la liberté équilibrante. Le corps de tamazight mourra s’il n’est pas libre dans ses mouvements. La liberté est à définir toujours comme un moyen qui garantit l’équilibre. Face à la liberté, nous nous identifions, mais surtout nous nous engageons. La liberté se situe uniquement dans l’Histoire...
La liberté est également mouvement au niveau du jugement, de la perception... C’est précisément là que l’amazigh souffre davantage. Il ne peut construire son univers ni parachever une action sans ressentir de la faiblesse, de la honte et de la culpabilité.
9 - La perception à remodeler.
Comment se représente-t-il l’amazigh ? Percevoir avant d’être, doit être le point de départ de toute vision. Tamazight est avant tout une vision particulière propre à une partie de l’humanité. Une vision humaine sur le monde. Un mode pour recréer le monde. Un moment de confusion entre l’objet et le sujet.
Que dire de la vision de l’autre qui définit l’amazighité comme une berbérité (entendue souvent comme un état de sauvagerie assumée) ? Les peuples qui disparaissent sont des peuples tolérants. Les cultures qui perdurent sont les cultures qui sont intolérantes, concourant à envahir et à détruire d’autres aires...
Dans toute perception, cherchons la réconciliation avec notre réflexion, avec notre être profond.
10 -A la réconciliation avec soi.
Derrière la déchéance de l’être amazigh, il y a bien sûr l’absence d’une réconciliation avec l’être. L’amazigh se déteste, il refuse son image, il fuit son ombre, il dit autrement les choses, il hésite infiniment, il n’écoute pas sa parole, il cherche une autre peau... Se réconcilier avec soi, c’est éliminer toutes les frontières qui laissaient l’être éloigné de son authenticité. Si les frontières historiques, politiques et géographiques sont la deuxième cause qui fait de la langue amazighe une dispersion, les limites. Un corps handicapé
Les démarches que nous avons citées ici comme étant « mode d’emploi » offrent une variété complexe, et je crois ne pas abuser sur la possibilité de les mettre dans un même ensemble. Elles peuvent constituer ce que nous appelons l’amazighité positive. Elle est le fait de savoir qui nous sommes et qui nous ne serons jamais. Elle est la conscience critique qui remet en question tout postulat d’altération, tout a priori.
Par ailleurs, nous avons l’impression comme si tamazight était vieille et n’avait jamais voulu retourner à son bercail. Elle était en exil, l’est-elle ? Qu’elle retrouve ses montagnes. Qu’elle occupe ses plaines depuis longtemps occupées. Qu’elle s’infiltre dans les Institutions étrangères. Qu’elle refasse l’histoire. Le manifeste de Chafiq en est un très bon exemple de cette tendance à refaire l’histoire.
Les réponses à la problématique existence de l’amazigh, sous forme d’un ensemble cohérent, transparaissent dans chaque fait quotidien, simple et futile. Une femme qui ne peut comprendre une information télévisée car elle est amazighe, un enfant qui risque la punition s’il parle en tamazight en classe, un grand-père qui est perdu en ville car les panneaux sont des pans étrangers, un adulte qui ne trouve pas du travail bien rémunéré car il ne sait que tamazight, un citoyen qui ne se retrouve pas dans son administration, toutes ces situations montrent clairement que tamazight est le problème de fond de tout processus démocratique.
En somme...
1 - On reconnaît maintenant l’ennemi, qui comme Protée change infiniment de masque, qui change de discours, qui oublie les promesses, qui joue intelligemment avec le sens des mots, qui « fait » tout pour provoquer la destruction d’un seul être aïeul, affaibli, exsangue, blessé et dit amazigh. Rappelons que la destruction « ponctuelle » de Bouddha par les intégristes a été condamnée par la communauté internationale, que dire alors de la destruction « planifiée et permise » de tamazight sur la rive sud de la Méditerranée ?
2 - Tout nationalisme, en prenant de plus en plus de force et d’importance, meurt pour ne pas avoir de continuité soluble et adéquate aux réalités mouvantes où la raison l’emporte sur les sentiments de haine et de rancune... L’arabisme, faut-il le redire, aura beau tendre à nier l’espace à l’amazighité, il ne pourra que s’autodétruire.
3 - Le tragique amazigh naît d’une double vérité : dans un avenir qui ne soit pas lointain nous allons être, et nous allons « faire » selon une méthode parfaite (celle qui ne renferme pas de contre-indications ou de précaution d’emploi).
H. Banhakeia
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