Situation sociale "potentiellement explosive" au Maroc

23 août 2020 - 21h00 - Maroc - Ecrit par : S.A

Le professeur d’histoire du Maghreb contemporain à l’université Paris I- Sorbonne, Pierre Vermeren a opiné sur le manifeste "Cette ombre est là" contre la répression policière et la diffamation des opposants dont sont signataires plusieurs centaines de personnalités marocaines. Selon lui, la répression de la liberté d’expression augmente au Maroc.

"On observe à la fois une permanence et une recrudescence. Une permanence puisque depuis 2009, l’essentiel de la presse indépendante née de la transition marocaine des années 1990 avait été démantelée. Cela n’empêche pas certains titres ni des plumes de renaître de manière indépendante, mais alors, très vite, les ennuis commencent : diffamation, procès, prison…", a déclaré l’auteur de l’ouvrage, Le Maroc en 100 questions dans une interview accordée au journal Le Figaro. Selon lui, on observe un sursaut de ce durcissement en ces temps de Covid-19.

De plus, "la contestation du pouvoir dans une région clef du pays -le Rif-, qui se situe aux portes de l’Europe et de l’Algérie, puis le soulèvement contre le système vingtenaire corrompu d’Abdelaziz Bouteflika, et enfin, la mise à l’arrêt forcée des économies du Maghreb au printemps 2020, suite à la coupure de facto des relations internationales, ont été ressenties par le pouvoir comme autant de menaces systémiques", a fait remarquer Pierre Vermeren.

"Dans de nombreux pays pauvres ou très contrôlés comme le Maroc, la presse est depuis des décennies une affaire d’État. Tout titre de presse qui ne consent pas à passer les messages du pouvoir, à faire en sorte de bénéficier des annonces des entreprises publiques ou amies qui lui permettent de vivre, ou qui aurait l’impudence de critiquer les fameuses ’lignes rouges’ définies par le régime -c’est-à-dire l’évocation du roi et de la famille royale, de la sacralité de l’islam et du régime politique, de la corruption financière, des proches du roi, de l’intégrité territoriale- entre dans des difficultés économiques insurmontables, aggravées par des procès et des amendes", a-t-il ajouté.

Selon l’écrivain, le résultat est que la suppression des subventions, le chômage de masse, la quasi-impossibilité d’émigrer etc. rendent la situation potentiellement explosive. Pour étayer son argumentation, il parle du pillage d’un marché de Casablanca pendant la fête de l’Aïd et du pillage de deux camions de livraisons de Coca-Cola dans la même ville. Les tensions sociales et économiques au Maghreb amènent le spécialiste à conclure qu’il "devient urgentissime de prendre conscience d’un phénomène à peine évoqué et potentiellement à haut risque".

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Paris - Liberté d’expression

Aller plus loin

Hajar Raïssouni présentée comme le symbole de la lutte contre les lois liberticides

Arrêtée le 31 août à la sortie d’une clinique de Rabat avec son compagnon, Hajar Raïssouni est devenue le symbole de la lutte pour les libertés individuelles et pour la liberté...

Najat Vallaud-Belkacem : « le risque de répétition des Printemps arabes est réel »

L’ancienne ministre française de l’Éducation, Najat Vallaud Belkacem, redoute une recrudescence des problématiques sociales au Maroc, mais aussi ailleurs au Maghreb, et dont...

Encore des ennuis judiciaires pour le journaliste Omar Radi

La police a interpellé puis placé en garde à vue le journaliste et militant des droits humains, Omar Radi, dimanche 5 juillet à Casablanca. Motif de son arrestation : "ivresse...

Maroc : l’affaire "Hajar Raïssouni" relance le débat sur les libertés individuelles

La mise en place d’un “dialogue interne serein et encadré” sur la question des libertés individuelles. C’est l’appel lancé par l’élue du Parti de la Justice et du déveoppement...

Ces articles devraient vous intéresser :

Le Magazine Marianne censuré au Maroc

L’hebdomadaire français Marianne (numéro 1407) a été interdit de distribution au Maroc, en raison d’un dessin caricatural jugé offensant pour le prophète Mohammad.

Maroc : Ahmed Assid dénonce la répression des voix d’opposition par l’astuce des mœurs

Dans un podcast, l’universitaire et activiste amazigh Ahmed Assid s’est prononcé sur plusieurs sujets dont la répression des voix contestataires au Maroc, la liberté d’expression ou encore la laïcité.