« La fin de la 1re session parlementaire est fixée le 22 juillet. Malgré un prolongement de deux jours, la commission n’est pas parvenue à boucler son rapport », précise l’un de ses membres, Bouâzza Mrami (RNI). C’est ce qui explique son report à la session d’octobre. Les « travaux ont été clôturés deux jours avant Ramadan », confirme, à son tour, le parlementaire Mohammed Ibrahimi (USFP).
Le rapport, plus d’une soixantaine de feuilles, est le fruit de 190 auditions. Tour à tour citoyens (163), ONG (5), représentants locaux des partis politiques (5), agents d’autorité : wali d’Agadir, gouverneur de Tiznit, préfet de police, pacha… et ministres ont été entendus. L’on compte parmi ces derniers celui de l’Intérieur, de la Communication, de l’Agriculture et de la Pêche et de l’Equipement et du Transport.
Différentes approches
Le rapport sera-t-il publié et discuté publiquement ? D’après le règlement intérieur du Parlement, la décision revient à son président. Il devra au préalable convoquer les présidents des groupes parlementaires pour en débattre. En tout cas, les membres de la commission d’enquête parlementaire contactés par L’Economiste sont confiants.
Les conclusions de la commission seront-elles fondamentalement différentes de celles formulées par le comité des 14 ONG ? « L’approche n’est pas la même : l’une est politique, l’autre est associative », réplique Abdeljabar Kastalani (PJD). Il ne faut pas oublier que la commission d’enquête compte des membres affiliés également à des partis politiques : majorité et opposition. Gauche, droite et centre s’entremêlent.
Son président, Noureddine Moudiane, fait parti par exemple de l’Istiqlal. Quoi qu’il en soit, « le rapport doit être crédible ». Dans le cas inverse, « cela nuirait à l’activité parlementaire et à son image auprès de l’opinion publique », poursuit le parlementaire Pjidiste.
Et s’il n’est pas publiquement débattu, « le rapport va susciter des suspicions », affirme Bouâzza Mrami (RNI).
N’empêche que le parlementaire du RNI est réticent lorsqu’il s’agit de déterminer les responsabilités : « un constat des faits a été dressé. Ce n’est pas à nous de déclencher les poursuites ».
Il est fort probable que deux versions des événements de Sidi Ifni s’affronteront. D’un côté, le rapport de la commission d’enquête parlementaire. De l’autre, celui d’un comité associatif composé de 14 ONG. Ces dernières ont mené une enquête du 11 au 15 juillet à Sidi Ifni. Leur rapport, plus d’une vingtaine de feuilles, a été rendu public en août dernier. D’ores et déjà des divergences apparaissent.
Contrairement aux parlementaires, les représentants de la société civile n’ont pas pu auditionner les agents d’autorité, tel que le gouverneur de Tiznit. Il s’avère, suite à la lecture du rapport des ONG, que ces derniers ont « refusé » à faire part de leur témoignage. Ce qui n’est pas le cas des délégués locaux des ministères de la Santé et de l’Enseignement. « Le principe du débat contradictoire a été respecté. C’est à eux d’assumer les conséquences de leur attitude », affirme Abdelillah Ben Abdslam, vice-président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).
Ayant également présidé le comité des 14 ONG, il est très sceptique quant à la poursuite judiciaire de certains responsables sécuritaires. Le rapport des associations mentionne expressément des cas de « bastonnade, de viols, de punition collective »… Tout en faisant état « d’excès des forces de l’ordre lors des poursuites », l’un des 15 membres de la commission parlementaire, Mohammed Ibrahimi, révèle que « l’on n’a constaté aucun de ces faits. Il y en a même qui ont été créés de toutes pièces ». Son confrère, Bouâzza Mrami, affirme même que l’audition de certaines personnes, « prétendant être victimes de torture », a démontré le contraire. Un cas insolite : « l’une d’elles n’a d’ailleurs pas été sodomisée par une matraque, elle souffrait tout simplement d’hémorroïdes ! »
Le rapport parlementaire a par ailleurs conclu que l’intervention des forces de sécurité était justifiée : « le port a été sous embargo alors qu’il a une vocation de service public et donc d’intérêt général », commente le parlementaire socialiste. Quant à leur intervention en plein centre-ville d’Ifni, « elle s’explique par le fait qu’il n’y a eu aucune route d’accès au port à part celle qui traverse la ville. Il fallait bien enlever les barricades et c’est justement ce qui a provoqué les affrontements avec les manifestants ».
Toujours est-il que pour Mohammed Ibrahimi et Bouâzza Mrami, « l’affiliation partisane n’a pas pesé sur l’enquête parlementaire ». Et qu’en est-il de l’impact politique de ses conclusions ? « Le gouvernement a déjà pris acte des revendications des Ifnawis », argumente Ibrahimi.
En fait, une enveloppe budgétaire de 115 millions de DH a été effectivement allouée à Sidi Ifni. « Elle est survenue suite à la visite royale en décembre 2007. Après les événements de juin dernier, l’on n’a pas affecté des fonds supplémentaires pour la ville », nuance Ibrahim Aboulhokouk, vice-président de la municipalité de Sidi Ifni. Une convention de partenariat 2007-2009 a été même signée avec plusieurs ministères (Intérieur, Equipement, Agriculture et Pêche…). Son objet vise la mise à niveau urbaine de la ville. Sept projets sont programmés, parmi lesquels figurent l’assainissement (50 millions DH), voirie, éclairage, aménagement de la corniche… Suite aux incidents de Sidi Ifni, un plan d’urgence pour le développement économique s’est « greffé » à cette convention.
Source : L’Economiste - Faiçal Faquihi