Les mariages entre Marocaines et Saoudiens baissent de moitié
En 2015, il y a eu moins de mariages entre Marocaines et Saoudiens. Même si ces unions restent assez faibles, le durcissement des conditions y sont sans doute pour quelque chose.
La nuit tombe à peine sur Casablanca. En ce samedi printanier, c’est l’effervescence au quartier Maârif. Dans une galerie commerçante, deux jeunes filles, attablées dans un café, se font aborder par un trio d’hommes trapus et basanés à l’accent moyen-oriental. Visiblement excédées, les deux jeunes citadines se lèvent et quittent leurs chaises, la mine dégoûtée : « Mais pour qui se prennent-ils, ces gros frustrés ?
A leurs yeux, toutes les Marocaines sont monnayables. C’est écoeurant, ils enferment leurs épouses dans leurs palais et viennent assouvir leurs besoins bestiaux chez nous. On devrait tous leur interdire d’entrer au Maroc », s’indigne Majda, 23 ans.
Quelques mètres plus loin, dans un chic salon de beauté sur le boulevard Al Massira, Safae, commerçante de 32 ans, raconte à son coiffeur favori ses désillusions d’épouse de Saoudien à Ryad : « J’ai rencontré mon mari ici, à Casa, en 1999. Nous avons vécu un an en Suisse après notre mariage. Ahmed était très gentil, courtois et attentionné, jusqu’au jour où il a décidé de rentrer chez lui, en Arabie saoudite pour reprendre l’affaire paternelle. J’ai alors découvert un autre homme, profondément macho, violent et obéissant au doigt et à l’œil à sa famille. Celle-ci n’avait d’yeux que pour mon fils, l’un des rares héritiers mâles de la lignée. Pour eux, je n’étais que la prostituée cupide ramenée d’un pays misérable et débauché, une ensorceleuse qui a réussi à faire tomber un autre de leurs enfants chéris dans ses filets. Là-bas, les femmes n’ont aucune autonomie, elles sont traitées comme des sous-êtres. Les Marocaines en particulier sont jalousées et méprisées ». Safae, se sentant vite étouffée, a fait des mains et des pieds pour convaincre son époux de passer les vacances de l’été 2005 au Maroc. Depuis, elle refuse de quitter le pays. Son mari, retourné en Arabie saoudite, ne veut pas lui accorder le divorce tant qu’elle garde leur fils au Maroc avec elle. Safae confie sa hantise quotidienne de se faire kidnapper son enfant.
Sofia, elle, vit à Marrakech. Elle se prostitue depuis l’âge de 17 ans. A 25 ans, elle a changé de ville. Et de cible. Soussou, son nom d’époque, ne racole plus dans les cabarets d’Agadir et se fait payer désormais en euros sonnants et trébuchants. Et pour cause. Ses clients d’aujourd’hui sont essentiellement occidentaux. Pour attirer ses nouvelles proies en quête de sensations chaudement « orientalistes », Soussou a radicalement changé de stratégie et d’arsenal. Elle se fait appeler désormais Aïcha, un pseudo à la consonance plus exotique. Fini aussi le temps du teint de porcelaine et des cheveux noir de jais raidis au sèche-cheveux.
Aujourd’hui, Sofia entretient au maximum son bronzage et se frise la tignasse de temps à autre. Des étoiles dans les yeux, elle raconte : « Elle est finie, la belle époque où la première fille pouvait espérer déplumer, voire épouser, un prince saoudien ou un riche émirati qui l’entretiendrait à distance. Depuis 6 ans environ, les choses ont beaucoup changé. La police est moins conciliante et même les « moutons » (houalas, surnom donné aux touristes des pays du Golfe) ne sont plus aussi aisés ou du moins aussi généreux que par le passé. Avant, la passe pouvait aller jusqu’à 3.000 ou 5.000 dirhams. Là, ils sont plus radins. Pour même pas 700 dirhams, ils t’en font voir de toutes les couleurs. Et puis, maintenant, tout est mêlé. N’importe qui avec un petit accent peut se faire passer pour un Saoudien plein de fric. J’ai des copines qui se sont fait piéger par des Soudanais ou des Yéménites sans le sou. J’ai entendu dire que les vrais riches arabes préfèrent aujourd’hui aller à Dubaï, en Syrie et dans la région, c’est discret et plus tranquille. Je n’ai pas eu la chance de mettre le grappin sur l’un d’eux quand j’étais plus jeune, quoi que je n’ai pas à me plaindre aujourd’hui. Les « gwars » (occidentaux) sont moins capricieux dans leurs fantasmes , moins brutaux et acceptent pour la plupart le préservatif ».
La “belle époque” qu’évoque Sofia avec nostalgie se situe à la fin des seventies et au début des années 80. Le touriste arabe amateur de plaisirs charnels, quitte peu à peu sa destination de prédilection, le Liban, alors déchiré par une sanglante guerre civile (1975-1990), envenimée par l’occupation israélienne (mars 1978). L’humeur et les conditions ne sont pas non plus à la fête dans une région bouleversée par la Guerre du Kippour (1973) et son corollaire, les deux chocs pétroliers successifs (1973 puis 1979).
Les jeunes Marocaines raflent donc “le gros lot” aux belles naïades du pays du Cèdre. C’est qu’elles sont tout aussi fraîches et sensuelles que leurs rivales. Ici aussi, tout est permis. Avec tout autant de soleil et un sens aigu de la nouba. Et de la stabilité en prime. Il suffit juste d’y mettre le prix et, comme par enchantement, les portes des mille et un ravissements terrestres s’ouvrent au plus offrant. Un réseau bien huilé où tout le monde trouve son compte. Du chauffeur de taxi au réceptionniste de l’hôtel ou au concierge de l’immeuble de location en passant par les filles de joie elles-mêmes et l’agent d’autorité volontairement “aveugle”. A l’apogée de cette époque « bénie », à la fin des décennies 80 et jusqu’à la fin des années 90, les histoires les plus folles couraient au sujet de ces touristes d’un autre genre. Des récits d’orgies gigantesques, où dollars américains et alcool de marque coulent à flot, dans la discrétion d’un palace hôtelier ou d’une luxueuse résidence privée. On raconte ici et là que des jeunes vierges se faisaient déflorer par des princes saoudiens ou dansaient simplement pour eux en échange de grosses liasses de billets. Les plus chanceuses parvenaient même à assagir l’un de ces jouisseurs insatiable au point de lui faire mettre la bague au doigt. Le sésame ultime pour une vie paisible et opulente de seconde épouse grassement entretenue, ou du moins de maîtresse attitrée que son amant éperdu vient voir de temps à autre au Maroc. Dans le duplex ou la villa qu’il lui aura lui-même acheté, cela s’entend.
Mais tout porte à croire que le royaume du soleil couchant n’est plus la terre promise pour ces hommes du désert en mal de chair fraîche. Les prostituées sont plus malignes. Certaines sont parties avec des contrats de travail dans les pays du Golfe. Une fois sur place, elles sont repêchées par les réseaux de prostitution. Les Marocaines en général, plus ouvertes, plus émancipées et plus exigeantes et moins regardantes sur la religion de leur partenaire que leurs aînées, sont plus enclines à se laisser séduire par un homme occidental respectable et respectueux, fidèle et aimant, que par un Oriental volage, misogyne et polygame, aussi fortuné soit-il.
A son tour, le Maroc officiel, celui de la Vision 2010 , cherche visiblement à recruter “proprement” et “dignement” ses 10 millions de touristes. Et à se racheter une image auprès de l’opinion publique internationale, après les reportages successifs menés par les télés européennes sur la “destination sexuelle Maroc”, décrite comme une oasis de prospérité pour les réseaux de proxénétisme en tous genres, hétéro, homosexuels et pédophiles.
Sur le terrain, depuis quelques années, les expulsions et les procès à l’encontre de touristes sexuels en provenance de pays du Golfe s’enchaînent, défrayant la rubrique des faits divers. En juillet 2005, 21 ressortissants saoudiens, inculpés dans une affaire de prostitution à Marrakech ont été embarqués manu militari pour Riyad et interdits de retour au Maroc. Parmi eux, de hauts responsables gouvernementaux, majoritairement mariés et pères de famille. Plus récemment, le 24 novembre 2006, 12 touristes du Moyen et Proche-Orient, surpris avec des prostituées, dont 3 mineures, ont été arrêtés à l’Hôtel Byblos, à Casablanca. Etablissement qui sera fermé par la suite. Son directeur et son gérant, deux Libanais, seront également déférés devant la justice.
Mais il serait erroné de croire que l’étau se resserre uniquement sur les oiseaux de nuit et autres accros aux délices illicites. Dernier fait en date, la missive adressée par le ministère de l’Intérieur marocain à l’ambassade d’Arabie saoudite à Rabat, imposant de nouvelles conditions aux Saoudiens désirant épouser des Marocaines. Désormais, obligation est faite aux premiers d’obtenir l’accord de leur éventuelle première épouse au cas où ils désireraient convoler en justes noces avec une ressortissante marocaine. En plus de la présentation de justificatifs d’un revenu décent et régulier.
A l’origine de ces nouvelles mesures se voulant pour le moins décourageantes (sachant que près de 30% de Saoudiens sont polygames), les plaintes de femmes marocaines mariées à des Saoudiens dénonçant le mépris dont elles font l’objet dans le pays de leurs conjoints et l’abandon par leurs pères d’enfants nés de ces unions mixtes. L’ambassade de Mohamed Ben Abderahmane Ben Abdelaziz El Bichr reçoit entre 30 et 40 demandes de mariage maroco-saoudiens par an. Cette année, la même représentation diplomatique a été dans le collimateur de la presse après les protestations de mères marocaines après le retrait des pensions accordées mensuellement à leurs enfants (173 au total) par l’Arabie saoudite pour leur scolarité et leur éducation au Maroc. Le mythe du riche et généreux mâle du Golfe auprès de la femme marocaine est-il à jamais enseveli ? Une chose est sûre en tout cas : à l’image des puits de pétrole, il n’est pas inépuisable...
Maroc Hebdo - Mouna Izddine
Aller plus loin
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