Sahara : Notre diplomatie pourra-t-elle encore se rattraper ?

7 octobre 2003 - 12h22 - Maroc - Ecrit par :

À moins d′un mois de la date d′approbation définitive du plan Baker II aux Nations unies le 31 octobre, les activités diplomatiques se renforcent. Face à l’échec indiscutable de la diplomatie marocaine dans le traitement du dossier (difficile de trouver deux interlocuteurs qui ne soient pas d’accord sur ce point), c’est le roi qui reprend personnellement les choses en main.

Entre dîner privé à l’Elysée et entrevue officielle avec le président américain au siège des Nations unies à New York, Mohammed VI tente de sauver ce qui peut encore l’être. Pour le moment, rien ne filtre quant aux propositions faites par le monarque à ses deux hôtes. Mais des rumeurs de plus en plus persistantes font état de pressions françaises sur l’Algérie pour que cette dernière revoie ses positions en vue d’une possible réconciliation entre les deux pays voisins. Mohammed VI aurait même présenté des projets d’amendements concrets à New York. Puis il y a cette déclaration de George Bush en personne, qui dit que, "ni les Etats-Unis, ni les Nations unies n’imposeront de solution au Maroc". Quel sens donner à une pareille déclaration ? Dépasse-t-elle le cadre protocolaire dans lequel elle est intervenue ? Qu’est ce qui empêcherait l′ONU de confirmer sa décision et de réapprouver le plan Baker, le caractère contraignant en moins éventuellement ? Et dans ce cas, le Maroc se permettrait-il de se mettre en dehors de la légalité internationale ?

Difficilement : “Rejeter le plan Baker est un acte irresponsable” (Abraham Serfaty : Militant d’extrême gauche)

Le roi a récemment été en France et aux Etats-Unis, en visite privée et officielle avec un seul thème de discussion, le plan Baker 2 pour le Sahara. A moins de quatre semaines seulement du 31 octobre, date du vote du projet à l’ONU, croyez-vous que ce soit toujours jouable ?
Il faut se placer dans le cadre du plan Baker. Je crois que c’est un plan acceptable si on y introduisait quelques amendements. Le rejeter est un acte irresponsable. C’est aussi un plan qui est conforme aux réalités historiques du Sahara et aux fautes commises par le Maroc en 56 et en 58. Les partis politiques qui rejettent le plan sont responsables de ces fautes. En 1956, le parti de l’Istiqlal qui était à la tête de la diplomatie marocaine a accepté, à Madrid, la séparation de Tarfaya de la zone sud. Ce qui a mené en 1958, à l’élimination de l’armée de libération du Sud. Le plan Baker tient aussi compte des réalités historiques du Sahara, dans le sens où ce territoire a toujours été rattaché par un lien d’allégeance au roi sans faire partie du territoire national. Le plan Baker propose la même chose, à savoir le rattachement du territoire du Sahara au royaume du Maroc.

Pendant les cinq premières années seulement. Vous ne croyez pas que le premier plan Baker nous arrangeait davantage ?
Je crois que c’est plutôt le même plan, les différences sont vraiment minimes. Le problème est que nous avons une diplomatie nulle, un ministre nul, et que pour avancer, il faut enlever cette nullité du circuit. Il nous faut un bon ministre, qui puisse suivre les bons choix du roi. N’oubliez pas ses discours sur la troisième voie. Hassan II n’avait-il pas lui-même demandé qu’on lui laisse le timbre et le drapeau uniquement ? Et puis le vote final ne devrait pas nous faire peur. Si on avait une diplomatie intelligente, je leur aurais proposé de maintenir le vote après les cinq années avec un seul changement. Au lieu de demander aux votants de choisir entre l’intégration, l’indépendance et l’autonomie interne, éliminer les deux premières options et garder la troisième pour poser la question : "acceptez-vous de vivre dans cette situation ?". Ils auront fait le test pendant cinq ans et je crois qu’ils seront satisfaits de leur situation. Dans le cas contraire, et c’est peu probable, il y aura une nouvelle crise certainement, mais qu’on traitera alors avec plus de professionnalisme, si on prend la peine de restructurer notre diplomatie.

A l’issue des discussions entre le roi Mohammed VI et le président Bush, ce dernier a déclaré que "ni les Etats-Unis ni les Nations unies n’imposeraient une solution au Maroc". Quel sens donner à une pareille déclaration ? Est-ce un bon signe ?
C’est de la diplomatie. Il ne peut quand même pas dire qu’ils sont les maîtres du monde. Bush ne peut pas aller contre Baker. Il a été l’un des plus grands conseillers de son père et a été pour beaucoup dans sa propre élection. Il faut vraiment ignorer tout de la politique américaine pour dissocier Bush de Baker. Mais l’entrevue royale est positive. Le roi est de loin plus intelligent que notre ministre. Il a certainement parlé d’une solution intermédiaire, que lui-même, rappelez-vous a proposé le 06 novembre 1999, pour évoquer la solution de la troisième voie.

Facilement : “À nous de construire nos arguments face à l’Algérie” (Abdelali Benammour : Membre fondateur d’Alternatives)

Le roi a récemment été en France et aux Etats-Unis en visite privée et officielle avec un seul thème de discussion, le plan Baker 2 pour le Sahara. A trois semaines seulement du 31 octobre, date du vote du projet à l’ONU, croyez-vous que ce soit toujours jouable ?
Oui, regardez ce que disent certains officiels américains, sur le fait qu’ils n’imposeront rien au Maroc. Une diplomatie est toujours conduite par un chef. Ceci dit, je crois que nos diplomates ont besoin d’une formation pour suivre le roi dans ses choix. Nous avons besoin d’une diplomatie avec une vision établie par le chef de l’Etat, d’une stratégie que pourront appliquer un ministre et des ambassadeurs compétents.

A l’issue des discussions entre le roi Mohammed VI et le président Bush, ce dernier a déclaré que "ni les Etats-Unis ni les Nations unies n’imposeraient une solution au Maroc". Cette déclaration dépasse-t-elle le cadre protocolaire dans lequel elle est intervenue ?
Je ne crois pas, c’est quand même le président des Etats-Unis. Mais pour combien de temps sa déclaration tiendra-t-elle ? Je ne sais pas. En tous cas, je tends à croire que c’est relativement positif. Et puis n’oubliez pas que les Etats-Unis ayant aussi des intérêts au Maroc, ils ne peuvent nous brusquer de la sorte.

Ils ont failli pourtant …
C’est ce que j’appelle de la diplomatie des petits pas. Là, ils disent qu’ils ne nous imposeraient rien du tout. À nous alors de construire nos arguments face à l’Algérie. Il faut démonter qu’à côté des richesses pétrolières de l’Algérie, il y a la stabilité politique marocaine et cette démocratie en construction qui pourrait tout aussi bien faire pencher la balance des grandes puissances de notre côté.

Vous êtes donc optimiste quant à l’issue du vote du 31 octobre à l’ONU ? Qu’est ce qui l’empêcherait de confirmer son plan ?
Je reste confiant. Nous avons une chance, mais elle ne va pas durer éternellement. Même s’il est confirmé, je crois que ce vote ne sera au moins pas contraignant. Il faudra donc bouger pour ne pas qu’on revienne nous l’imposer dans un an. C’est dommage d’agir quelques semaines seulement avant, mais le fait est là, et il y a le risque du vote dans quelques semaines.

Ainsi le Maroc n’a qu’à ne pas appliquer un texte de l’ONU, et il ne sera ni le premier ni le dernier à le faire, c′est bien ça ?
Le Maroc prendra acte, en souffrira un peu mais tirera, j’espère, les conclusions nécessaires de ce signal d’alarme que nous pourrions éviter. Je défends une position réaliste et non émotionnelle. Que voulez-vous, le Maroc n’a pas fait ce qu’il fallait faire avant.

N′est-ce pas un peu facile comme solution ?
Peut être mais le fait est là. Je crois que la situation est surmontable à condition d’opter pour une politique claire. Nous avons un pouvoir installé, stable, on peut donc envisager une vision claire, choisir les hommes qu’il faut. D’ailleurs, les meilleurs compétences nationales doivent être dans la diplomatie. Car c’est un problème de vision et d’hommes.

Driss Bennani, Telquel.

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