Les Marocains auront certainement remarqué le grand nombre de voitures immatriculées en Europe circulant dans les rues ces derniers temps. De même que le grand nombre d’expatriés revenus au pays et assis à la terrasse des cafés, sirotant un thé et racontant une vie différente ; ou tentant pour certains de relancer une affaire.
La crise économique mondiale pèse lourdement sur la communauté marocaine vivant à l’étranger. Les gens perdent leur emploi et n’ont d’autre choix que de rentrer au pays avec ce qu’il leur reste d’économies.
Les pays d’Europe occidentale accueillent la majorité de ces expatriés marocains : 1,2 million en France, 800 000 en Espagne, 350 000 en Italie et 250 000 en Belgique. Alors que les entreprises de ces pays sont contraintes de réduire les coûts de la main d’oeuvre, la communauté marocaine est souvent durement touchée.
Pour la seule Espagne, plus de 30 000 Marocains ont perdu leur emploi, selon les chiffres officiels du consulat général du Maroc.
Younès Ben M’jid avait quitté sa maison de la province de Kelâat Sraghna il y a cinq ans pour partir en Espagne. Il avait laissé une famille de cinq personnes pour aller travailler comme maçon à Marbella et leur assurer de quoi vivre. Il y a six mois, M’jid a perdu son emploi dans un marché immobilier en plein désarroi. Et est rentré au Maroc.
"Je n’arrivais pas à trouver un autre travail, car la situation du secteur immobilier en Espagne est vraiment catastrophique", a-t-il expliqué. "J’étais dans l’incapacité depuis quatre mois de venir en aide à ma famille au Maroc."
A Khouribga, que de nombreux Marocains avaient quitté dans le passé pour aller s’installer en Espagne et en Italie, Abdellah et Khalid sont assis dans un café, sirotant un thé et racontant des histoires. Tous deux étaient partis pour l’Italie en 2007 pour y trouver un emploi.
"On travaillait à Turin dans un entrepôt de recyclage de pneus avec un salaire de 25 euros par jour", explique Khalid. "Mais depuis le début de l’année 2009, nous avons vu notre salaire baisser de moitié pour cause de difficultés économiques."
Incapables de joindre les deux bouts, ils ont décidé de rentrer. "Au vu de la cherté de la vie en Italie et par crainte d’épuiser nos économies, on a préféré retourner au Maroc en attendant des jours meilleurs."
Le serveur du café, Said, affirme avoir vu de nombreux expatriés revenir dans la ville. Certains investissent leurs économies dans des petits projets comme des cafés, des centres de téléphone, des stations de lavage de voitures et d’autres activités, explique-t-il. Mais cela concerne les plus âgés, qui ont suffisamment d’argent pour lancer un commerce.
Pour nombre de jeunes, la situation n’est pas meilleure au Maroc. Il est déjà difficile pour les Marocains de trouver un emploi, et de nombreux expatriés puisent dans leurs économies pour vivre. Et cela se ressent sur l’économie marocaine.
Selon Zouhair Chorfi, directeur du Trésor, les pertes d’emplois des MRE se traduisent par une baisse significative des transferts des MRE vers le Maroc. En 2008, leur montant a chuté de 2,4 pour cent, à 53,65 milliards de dirhams. En mars 2009, les chiffres montrent une nouvelle baisse de 15 pour cent par rapport à la même période de l’année précédente.
"Pire encore", a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse en début de mois, "certains MRE, ayant perdu leur emploi, ponctionnent aujourd’hui sur l’épargne placée dans les banques marocaines pour survivre dans leurs pays d’accueil."
M. Chorfi explique qu’une telle situation pourrait avoir des conséquences socio-économiques fâcheuses, car de nombreuses familles marocaines comptent sur l’argent envoyé par les expatriés.
Source : Hassan Benmehdi - Magharebia