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En Espagne, la lutte des sans-papiers est à son apogée. Le mouvement de protestation gagne Madrid, Barcelone, l’Andalousie, le pays valencien et Murcie. Les manifestants dénoncent l’atermoiement de certaines municipalités à délivrer des certificats de recensement à des immigrés qui pourtant résident dans ces municipalités depuis plusieurs mois, réclamant des voies de recours. Parmi eux, des centaines de travailleurs marocains « sans papiers » continuent de manifester pour dénoncer le refus des chefs d’entreprises de faire les démarches pour régulariser leur situation.
Le mouvement de protestation organisé par l’Association des travailleurs et immigrés marocains en Espagne (ATIME) a pour but d’attirer l’attention des autorités sur le peu d’empressement montré par les employeurs pour délivrer des contrats de travail aux ouvriers qui sont à leur service, préférant jeter la balle aux sociétés de travail intérimaire qui les embauchent.
Dans une déclaration à la MAP, Mustapha Lamrabet, président de l’ATIME a fait savoir qu’à « un mois de la fin du processus de normalisation, aucune amélioration dans le déroulement du processus de régularisation n’est perceptible et nous espérons que le gouvernement prendra en considération nos revendications quant à une application plus flexible du décret d’exécution de la loi sur les étrangers ».
M. Lamrabet a ajouté que « 90 % des travailleurs agricoles sans documents en Andalousie seront exclus par le processus, ce qui va perpétuer la situation d’exploitation à fond dans laquelle ils vivent ».
Si les patrons décident du sort des travailleurs sans papiers, en leur fournissant ou non le fameux contrat de travail d’au moins six mois, de nombreux témoignages font part des chantages qui s’exercent déjà dans bien des entreprises, petites ou grandes, sur les salaires, allant jusqu’à faire payer la Sécurité sociale par les salariés.
De même, de nombreuses mairies refusent de délivrer des certificats de résidence et manifestent ouvertement leur hostilité à la régularisation de la situation des travailleurs immigrés clandestins. C’est ce que nie Edouardo Martin, conseiller du travail et des affaires sociales à l’ambassade d’Espagne à Rabat. Il a affirmé qu’à la date du vendredi dernier, « le nombre total des sans papiers qui se sont présentés pour régulariser leur situation s’élève à plus de 278.000 dont plus de 36.000 Marocains, soit plus de 13% ».
Depuis le début du processus de normalisation de la situation des « sans papiers », le ministère espagnol du Travail et des Affaires sociales a ouvert 160 bureaux de la Sécurité sociale dans tout le pays pour recevoir les demandes de régularisation des travailleurs ne disposant pas de permis de résidence. Entre 500.000 et 800.000 immigrants pourraient bénéficier de la prochaine régularisation, selon les estimations des deux principales centrales syndicales espagnoles, les Commissions ouvrières (CO, à dominante communiste) et l’Union générale des travailleurs (UGT, socialiste).
Commentant les dernières manifestations qu’ont connu plusieurs villes espagnoles, M. Martin a noté que les manifestants sont ceux qui disposent de « certains dossiers incomplets et à qui il leur manque des documents pour avoir accès à la régularisation ». Dans cette même optique, il faut signaler que Nezha Chekrouni, ministre déléguée chargée de la Communauté marocaine à l’étranger avait récemment déclaré que « les immigrés marocains dont les dossiers pourraient être rejetés faute de certificat de résidence, peuvent recourir à d’autre moyens pour prouver qu’ils séjournent en Espagne depuis plus de six mois, d’autant que la réglementation sur les étrangers prévoit un critère d’enracinement au sol ».
Ce processus de régularisation, basé sur les attaches durables nouées par les immigrés, permet l’accès à la résidence légale à tous les étrangers vivant en Espagne avant le 7 août 2004 et attestant d’une offre de travail ou ayant de la famille résidante ou de nationalité espagnole.
Ainsi, les employeurs disposent d’un délai de trois mois (du 7 février au 7 mai) pour régulariser, par un contrat de travail, leurs employés « sans papiers », recensés dans l’une des municipalités du pays et qui n’ont pas d’antécédents judiciaires en Espagne ou dans leur pays d’origine.
La démarche du gouvernement espagnol, à contre-courant du durcissement des politiques en Europe, a irrité plusieurs capitales, qui ont déploré un manque de concertation, bien que celles-ci n’informent pas davantage leurs partenaires lorsqu’elles modifient leurs législations dans un sens restrictif, comme au Royaume-Uni.
Pourtant, dans un rapport, la Commission européenne estime à environ 7 millions le nombre de travailleurs étrangers qu’il faudrait accueillir chaque année au sein de l’Union Européenne pour assurer aux retraités européens des indemnités convenables en 2025 : les plus de 60 ans devraient alors représenter un tiers de la population. Qu’est-ce que cela veut dire ? Ouvrir tout grand les portes d’une Europe vieillissante ? Environ 1 à 2 millions d’étrangers franchissent actuellement les frontières de l’Union chaque année.
El Mahjoub Rouane - Le Matin
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