Premières assises nationales de l’emploi

17 décembre 2008 - 20h45 - 1998 - Ecrit par : L.A

"Louanges à Dieu,

Que la prière et la bénédiction soient sur le Prophète, sa Famille et ses Compagnons,

Messieurs,

Vous n’ignorez guère la signification de notre présence parmi vous, pour présider l’ouverture des travaux de ces importantes assises nationales, au cours desquelles sera examiné et débattu un problème social que nous avons à maintes reprises, classé comme prioritaire pour nous, en l’occurrence le problème de l’emploi.

En effet, nous avons toujours considéré l’emploi comme étant une composante de la dignité et le moyen d’assurer une vie décente à nos fidèles sujets. ’’Vous n’ignorez pas non plus, que si l’on place cette question en dehors de son contexte, de ses éléments constitutifs et de ses origines, cela conduirait lors de son examen, à occulter un grand nombre de données réelles, à nous éloigner de l’objectivité requise, voire même à la transformer en de simples slogans pour les surenchères, les spéculations et la fourberie.

Nous ne voulons guère d’une telle approche pour ces assises si importantes pour lesquelles toutes les potentialités nationales se sont mobilisées. Nous voulons à cet égard, rappeler les efforts louables déployés par l’Etat depuis que le Maroc a recouvré son indépendance, ainsi que les innombrables réalisations accomplies depuis l’opération de lutte contre l’analphabétisme, lancée par notre auguste Père, Feu S.M Mohammed V, que Dieu l’ait en Sa sainte miséricorde, en vue de libérer le citoyen marocain de l’un des obstacles majeurs a son insertion dans un cadre de vie décent, en adéquation avec les spécificités de l’époque, et les exigences de l’édification d’un Maroc nouveau.

Depuis lors, les projets de développement national et d’emploi, se sont multipliés par la création de l’office de la formation professionnelle, l’ouverture de chantiers de la promotion nationale, l’extension des domaines d’emploi, la mise en place du conseil national de la jeunesse et de l’avenir, et tout dernièrement encore, par l’élaboration d’un programme de formation-insertion au profit de nos jeunes diplômes. Toutes ces réalisations ont été accomplies parallèlement aux efforts généreux entrepris par l’Etat dans le domaine de l’éducation nationale. Grâce à cette oeuvre et à ces efforts, quelles que soient par ailleurs l’appréciation et l’évaluation qu’on pourrait en faire, le Maroc dispose aujourd’hui, Dieu soit loué, de riches potentialités humaines composées de travailleurs, de techniciens qualifiés, de chercheurs à l’esprit créatif, d’ingénieurs, de professeurs universitaires, d’experts et de cadres de haut niveau, appartenant tous aux diverses catégories sociales et peut-être à des catégories modestes issues de toutes les régions du Maroc.

Ce sont ces potentialités humaines à la formation solide, qui assument aujourd’hui la gestion des affaires du pays, qui veillent au développement de notre économie et au fonctionnement de nos institutions administratives, financières, industrielles, scientifiques et sociales. Nous sommes en droit d’en être légitimement fiers et d’être satisfaits des résultats obtenus, donnant à tous, l’assurance que les efforts consentis par l’Etat durant les quarante dernières années, n’étaient pas vains. Parallèlement à cette oeuvre, des reformes profondes visant le long terme, se sont multipliées pour moderniser nos structures économiques et financières.

Nous sommes ainsi parvenus à maîtriser des équilibres fondamentaux dans les secteurs économiques, et nous nous sommes préparés progressivement, pour faire face aux mutations qu’a connues le monde. Ce sont ces efforts qui nous ont permis sans nul doute, en dépit des aléas climatiques et de leurs impact sur notre agriculture, qui constitue le fondement de notre économie nationale, d’atteindre une croissance économique de l’ordre de 3,2 pour cent tout au long des dix dernières années, avec la création de quelque 180.000 emplois par an au cours de cette même période. Bien que nous ayons atteint ce niveau, il nous appartient d’aller de l’avant, pour créer davantage d’emplois en vue de faire face à nos besoins annuels, estimés à environ 230.000 emplois et de résoudre le problème né du cumul du nombre de demandeurs d’emplois durant les années écoulées.

C’est là que nous affrontons le défi majeur, puisque nous devons avoir présente à l’esprit, l’idée de parvenir à la création de 255.000 emplois par an. Nous devons faire face à ce défi, par la mobilisation de toutes les potentialités pour circonscrire le phénomène du chômage qui préoccupe tous les pays du monde. Il nous appartient, quant à nous, d’élaborer un projet social global, fonde sur une vision prospective du développement économique et social. ce projet dont le Maroc a besoin, doit générer des citoyens instruits, disposant d’une solide formation, des citoyens imbus des valeurs immuables de leur pays, et en premier lieu celle faisant du partenariat et de la solidarité, des moyens pour améliorer le niveau de notre vie sociale et économique.

Ce sont là, autant d’actions que nous devons ériger en devoir national, ne pouvant souffrir aucune négligence, ce qui exige une mobilisation générale et solidaire des différents intervenants au sein de l’Etat et dans la société : gouvernement, parlement, autorités, collectivités locales, instituts de formation publics ou prives, industriels, chefs d’entreprises, lauréats des centres de formation, associations et organismes nationaux opérant dans le domaine de la formation-insertion, soit une mobilisation de toutes les composantes de la société civile aux niveaux local, régional et national.

C’est pour cette raison que nous avons convoqué ces assises nationales à ce niveau élargi, en souhaitant qu’elles se réunissent tous les deux ans pour évaluer le travail accompli ou pour actualiser nos programmes stratégiques dans ce domaine. Il leur appartient en cette première session, d’examiner le problème de l’emploi dans ses différentes dimensions, sociale, économique ou culturelle, tout en ayant présent à l’esprit, que vous devez mener une double action consistant, d’une part, à prendre des mesures pour faire face à la situation d’urgence, et d’autre part, à réfléchir aux dispositions à adopter pour résoudre le problème à moyen et long termes. Dans notre contribution à assoir cette orientation sur des bases objectives solides, nous attirons votre attention, que Dieu vous garde, sur le fait que l’emploi auquel nous aspirons, doit dépasser la conception traditionnelle qui en est faite, puisque l’emploi, ne signifie désormais plus nécessairement offrir une situation de salarié ou de fonctionnaire à des personnes sans emploi. L’emploi doit plutôt être perçu et vécu, en tant que source de revenu et comme contribution à la création de la richesse sociale.

L’ouverture sur le marché de l’emploi, exige à partir de cette conception, une grande part de souplesse, d’imagination créative et d’engagement national de toutes les parties concernées, que nous avons invitées à réfléchir dans un cadre global, sur la conception de l’emploi et sur la mise en oeuvre de celle-ci de la manière la plus appropriée et la plus réaliste.

La perception traditionnelle de l’emploi doit donc évoluer. L’idée selon laquelle tout diplôme équivaut à la garantie d’un emploi, que le recrutement dans l’administration publique constitue un droit pour tout chômeur, doit être dépassée. Aucune des deux approches ne peut déboucher sur une solution magique à ce problème. Nous devons dépasser cette logique qui nuit à l’esprit d’initiative, entrave les capacités de s’adapter aux nouvelles données du marché de l’emploi, et nous atteler à préparer nos enfants à emprunter la voie de la créativité et de l’initiative, en les dotant d’atouts plus adaptés permettant une plus grande ouverture sur le marché de l’emploi.

C’est la où réside votre responsabilité dans la recherche des diverses possibilités, partant de la multiplicité des aspects en rapport avec le problème de l’emploi et des particularités régionales et locales de notre pays et ce, à travers la mobilisation de toutes les potentialités, notamment par la création de petites et moyennes entreprises, l’incitation à l’auto-emploi dans les métiers d’artisanat, ainsi que dans les secteurs des services et du commerce. L’investissement nécessaire pour créer un emploi à travers un projet de petite dimension, pourrait ne nécessiter que quelques milliers de dirhams, alors que la création d’un poste d’emploi dans un grand projet, nécessiterait quelques millions.

C’est ce qui explique aujourd’hui, l’intérêt primordial que nous devons accorder aux projets de petite et moyenne dimensions, qui constituent en fait, des gisements pour l’emploi qui ont leur importance même dans les pays développés. Pour autant, nous ne devons pas méconnaître le mérite des grandes entreprises sur le plan national et leur contribution dans la création d’emplois fut-il de manière indirecte. Elles demeureront la locomotive du développement national en ce sens que par leur contribution effective, elles apportent soutien aux petites et moyennes entreprises par le biais de la sous-traitance, ce qui renforce les opportunités d’emplois de la part de toutes les entreprises quelles que soient leurs dimensions.

Mesdames et Messieurs,

Il est également souhaitable que soit engagée à la faveur de ces assises une réflexion sur l’emploi à l’avenir pour que soient lancées, le moment opportun, des sessions de formation et de qualification professionnelles adaptées aux innovations technologiques. C’est pourquoi il convient de trouver de nouveaux créneaux d’emploi dans des métiers lies aux technologies modernes tels que les secteurs des communications, de l’informatique et dans d’autres domaines gérés grâce aux nouvelles technologies.

Pour répondre aux exigences de cette modernité, il convient, parallèlement, de répertorier et d’encourager l’ensemble des activités exercées à titre individuel. La lutte contre l’analphabétisme constitue sans nul doute un plan indispensable pour dynamiser le programme de formation préliminaire qui doit bénéficier de l’intérêt et du suivi nécessaire, en ce sens que cette formation donnera un nouvel élan à l’emploi, en plus des avantages sociaux qui en découleront. Notre ambition en matière de lutte contre l’analphabétisme, est d’en réduire le taux actuel de moitié dans la perspective des dix années à venir. Pour ce faire, l’opération d’alphabétisation doit concerner annuellement quelque 500.000 personnes à travers la mise en oeuvre de programmes continus et renouvelés. Quant à notre préoccupation en ce qui concerne les jeunes diplômés, nous l’avons exprimée à maintes reprises. La loi élaborée relative à la formation-insertion ne manquera pas d’améliorer les moyens d’embauche des jeunes diplômés et de permettre leur intégration dans le monde de l’emploi. Les statistiques du programme de formation-insertion durant les onze derniers mois, peuvent être considérées comme très encourageantes.

Nous voudrions cependant que vous approfondissiez l’examen des dispositions de cette loi afin de l’enrichir et d’y apporter toute proposition de nature à faciliter l’insertion du plus grand nombre de jeunes diplômés dans le tissu économique du pays, aux plans local et régional. Mesdames et Messieurs L’élaboration d’un plan global dans le domaine de l’emploi, qui prend en considération tous les aspects que nous avons évoques, a besoin pour sa dynamisation, de mécanismes d’intermédiation entre l’offre et la demande, de l’actualisation des relations de travail, de la prise en considération des spécificités des diverses formations, particulièrement les formations universitaires du niveau de troisième cycle, ainsi que du soutien à l’investissement de la part des administrations et des collectivités locales pour assurer la réussite de leurs projets, sans omettre les opportunités que pourraient offrir les associations et organisations non gouvernementales en matière d’emploi et d’intégration dans divers métiers et services.

Mesdames et Messieurs,

La question de l’emploi et le problème de l’embauche nous amènent forcement à évoquer une question fondamentale, à savoir la réforme du système de l’enseignement, réforme dont vous saisissez sans nul doute l’extrême importance pour l’avenir de notre économie nationale et le renforcement de notre compétitivité face aux défis de la mondialisation.

En effet, la nature de la relation entre la formation et l’emploi exige des éducateurs et des décideurs, d’opérer un distinguo entre les impératifs de la préparation de nos générations qui consistent en quatre volets à savoir : l’adaptation continue des filières de formation pour accompagner le rythme d’évolution du marché du travail, le soutien aux jeunes ayant des difficultés scolaires à travers la formation professionnelle en vue de leur intégration dans le domaine de l’emploi, la création de passerelles durant toute la scolarité entre les différents types de formation professionnelle et universitaire à tous les niveaux, et enfin l’approfondissement des formations intégrées à la formation professionnelle et à la formation contractuelle. C’est ce qui explique la nécessité de placer le problème de l’emploi dans son cadre structurel, aux plans économique, social, éducatif et culturel, et de dynamiser les mécanismes permettant de le cerner selon une vision globale.

Mesdames et Messieurs,

Il s’agit là de quelques orientations que nous soumettons à vos débats, convaincu que vos travaux donneront lieu à des idées et propositions positives et permettront d’aborder d’autres questions qui méritent d’être examinées de manière judicieuse. Nous sommes convaincu que les chefs d’entreprises participeront à cette mobilisation nationale en témoignant leur confiance en l’avenir à travers la proposition de projets dynamiques favorisant la mise en valeur des potentialités de nos enfants, laquelle reste le meilleur moyen pour créer des opportunités d’emploi et pour développer la richesse nationale. Grand est notre espoir pour que les résultats de vos travaux débouchent sur des recommandations portant sur des projets pratiques, accompagnés de mécanismes de suivi et d’actualisation, avec des délais à la fois réalistes et ambitieux.

Je voudrais à l’occasion de cette rencontre m’adresser particulièrement aux jeunes marocains détenteurs de diplômes supérieurs ou de niveau moyen et ne disposant pas d’emploi, pour les rassurer quant à notre volonté de persévérer dans la recherche de solutions qui leur permettront de mener non seulement une vie digne, mais également de vivre avec un espoir permanent quant à leur avenir et à l’ouverture de nouvelles perspectives pour eux-mêmes et leurs familles. Il ne s’agit pas la d’une faveur que nous accordons à notre jeunesse, mais bien d’un devoir réel, en ce sens qu’aucun pays ne peut se considérer libre et souverain tant que ses fils ne jouissent pas de la dignité et de la possibilité de vivre dans la quiétude, confiants quant à leur dignité, leur niveau de vie et leur avenir. Il s’agit là des premières assises nationales consacrées au problème de l’emploi, problème qui concerne tout un chacun, toutes les catégories de jeunes, aussi bien ceux du milieu urbain que rural, ceux détenteurs de diplômes supérieurs ou de niveau moyen.

Je suis convaincu que les participants à ces assises oeuvreront avec sérieux et esprit patriotique, ce même esprit qui nous a permis de libérer le pays et qui permettra l’émancipation du citoyen marocain pour se sentir, en son for intérieur, digne et respecté. Mesdames et Messieurs J’ai le sentiment, en me trouvant parmi vous dans cette salle, que chacun est mobilisé et aspire à apporter sa contribution à cette oeuvre collective, à cet efifice pour la construction duquel nous devons apporter chacun sa pierre, sachant que notre action dans ce domaine ne durera pas trois jours ou une ou deux années. Elle se poursuivra tant que la terre et les cieux existeront par la grâce de Dieu, car l’emploi, comme nous l’avons dit dans notre discours, consiste à évaluer la situation présente et future, quotidiennement, annuellement et tous les cinq ans, ce qui exige de nous un effort afin de nous départir de la routine sans pour autant verser dans l’improvisation.

Nous sommes convaincu que les jeunes parmi les lauréats des universités et les diplômés sans emploi ici présents, se pencheront à nos cotes sur ce problème qui constitue pour nous un sujet de préoccupation et une épreuve aussi bien au plan intérieur qu’extérieur. Je voudrais que le Maroc, qui a donné l’exemple aux pays en développement par sa manière de se libérer, avec l’aide et la bienveillance divines, du joug colonial pour jouir de l’indépendance, de la souveraineté et de la dignité, soit également un exemple pour ces mêmes pays, par sa façon de traiter cette question sur laquelle planchent de grands penseurs, économistes et sociologues dans le monde entier.

C’est pourquoi je vous souhaite du fond du coeur, succès et réussite dans l’action que vous entreprenez. Comme je vous l’ai dit précédemment, sachez que l’emploi et la lutte contre le chômage constituent la seconde priorité après notre cause nationale. Dieu, gloire à Lui, nous a tracé la voie à suivre dans notre action pour nous éprouver et savoir qui parmi nous agit le mieux. Le très-haut a dit : "Oeuvrez, Dieu verra votre oeuvre ainsi que son Messager et les croyants"(Coran). J’appelle sur vous la paix et la bénédiction de Dieu".

12/12/1998

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